1.1. Exigences et contraintes du diagnostic urbain de la qualité de vie quotidienne

L’analyse des perceptions de la qualité de vie quotidienne ne constitue pas en soi un matériau directement utilisable. Cette première approche d’identification et de mobilisation des éléments structurants cette notion en appelle à une seconde qui consiste à faire correspondre à chaque perception un critère objectif de mesure. Cette adaptation du subjectif à l’objectif implique nécessairement une interprétation. Dans la mesure où les représentations de la qualité de vie quotidienne ne peuvent servir, en état, de base de référence à son évaluation, il est donc nécessaire de transformer la projection subjective des individus en paramètres de mesure. Cette translation ne peut s’effectuer sans interprétation. L’exercice de conversion doit alors être entrepris et vécu comme un passage obligé, nécessaire à l’avancée de la démarche globale et indispensable à l’exercice même d’évaluation. Celui-ci doit cependant s’inscrire dans le respect de règles simples et préalablement évoquées. L’énonciation de ces règles a pour effet de limiter au maximum les risques de « déviance » de l’interprétation et offre un cadre à la méthode de « conversion ».

Nous avons ainsi procédé de la manière suivante. Considérant dans un premier temps la nature des perceptions consensuelles donnant corps à la qualité de vie quotidienne, nous avons cherché à les mettre en adéquation avec une donnée quantifiable. À travers une démarche purement pragmatique, il s’agit d’identifier une source de données à la fois disponible et rapidement mobilisable. À cette contrainte de disponibilité de la donnée s’ajoute, pour des raisons de référentiel géographique ultérieurement développées, la nécessité de disposer d’une donnée la plus fine et la plus brute possible. Cette base d’information doit ensuite permettre la construction d’indices satisfaisants à l’égard de l’interprétation des éléments issus des perceptions individuelles. C’est en respectant ces règles et ces exigences que la reproductibilité de la démarche donne tout son sens à la transformation de la perception subjective en critère objectif.

L’évaluation de la qualité de vie quotidienne nécessite ainsi de disposer de données quantitatives décrivant de manière adéquate les caractéristiques jugées nécessaires à l’agrément du quotidien. Ces données doivent être disponibles, facilement mobilisables et généralisées sur l’ensemble du territoire d’étude, à savoir la commune de Lyon. De plus ces informations doivent être adaptées au système de référence géographique de l’étude nécessitant des données brutes, non agrégées et géoréférencées. À partir de ce matériau spécifique, l’élaboration d’indicateurs simples ou complexes permet à la fois de mesurer un phénomène particulier et de qualifier le territoire lyonnais en fonction des caractéristiques de celui-ci.

Pour aborder avec sérénité cette démarche, il convient d’être conscient de la nécessité de simplifier voire de réduire l’information subjective initiale. Cette conversion semble néanmoins légitime. Loin de négliger la perte de réalité qui lui est associée, il semble indispensable de revendiquer l’objectivation de la réalité qu’elle permet et les perspectives de mesure rendues possibles par cette transformation. Ce procédé offre ainsi la possibilité de simplifier l’information mais surtout de la valoriser (approfondissement du thème étudié, modélisation des données). Il ne s’agit pas de filtrer l’information mais au contraire de la rendre lisible et intégrable au diagnostic urbain. Pour ce faire, il convient d’opérer des choix raisonnés qui nécessitent des synthétisations, des simplifications voire des renoncements.

L’objectivation du subjectif exige parfois le sacrifice d’une partie de la connaissance. Il est bien évident que tout n’est pas quantifiable. Il ne s’agit pas de tout vouloir mesurer et encore moins ce qui ne l’est pas. Lorsque les individus interrogés s’expriment sur l’importance de la beauté architecturale ou la convivialité, notre démarche se heurte à la limite de l’approche quantitative. La beauté, les relations de voisinage, la qualité du lien social ou la notion de convivialité sont des notions purement subjectives qui ne permettent pas de transformation objective. Certes, ces problématiques sont largement abordées en sociologie ou en anthropologie par des approches qualitatives approfondies. Ces monographies sociales mobilisent des méthodes et produisent des connaissances qui ne conviennent pas aux exigences d’un diagnostic quantitatif généralisé à l’échelle vaste d’une commune. C’est sous la contrainte qu’il nous a fallu faire le constat que l’évaluation objective de la qualité de vie quotidienne oblige à l’abandon d’un certain nombre d’éléments jugés nécessaires à la vue des perceptions professionnelles et citadines mais estimées, à la vue des exigences de la mesure, inaptes par l’analyste.

Il convient à présent de faire l’inventaire des éléments perçus comme nécessaires à l’évaluation de la qualité de vie quotidienne. Pour des raisons d’intelligibilité et de commodité, ce recensement est présenté de manière thématique. Chacun de ces éléments sera ensuite individuellement discuté afin d’évaluer les possibilités de sa traduction quantitative.