2.6. Des préoccupations environnementales aux nécessaires modélisations de l’information

Les perceptions environnementales en matière de qualité de vie se structurent autour de préoccupations majeures et fédératrices. La qualité de vie quotidienne est ainsi associée à la fois à la propreté des rues, à la qualité de l’air et à la qualité des environnements sonores. Les trois éléments perçus comme nécessaires à la qualité et à l’agrément des espaces de vie sont particulièrement hétérogènes et font référence à des domaines, des sources et des sciences spécifiques. Pour chacun des trois thèmes évoqués, il convient de trouver une information à la fois disponible, techniquement mobilisable, décrivant au mieux le phénomène et généralisable sur l’ensemble du territoire d’étude. Cette transformation de la perception subjective en critère objectif de mesure n’est pas sans difficulté. Le procédé a été systématiquement le suivant. Pour chacune des thématiques évoquées, nous avons fait l’inventaire des connaissances disponibles auprès des instances de gestion de la Ville de Lyon ou de la Communauté Urbaine de Lyon, des organismes de recherche ou des centres d’études techniques compétents. Le constat a été chaque fois le même : les informations mobilisables étaient soit inexistantes, soit inadaptées, soit en nombre insuffisant. Nous avons ainsi pris le parti d’utiliser les matériaux existants pour ainsi les transformer, les adapter et les optimiser. Compte tenu des caractéristiques et de la complexité des éléments abordés, cette traduction quantitative nécessite le passage à des modélisations spécifiques.

En ce qui concerne la propreté des rues, l’évaluation de la qualité de vie quotidienne repose sur la mise en équation du schéma prospectif des fréquences de nettoiement des rues élaboré sur l’ensemble du territoire du Grand Lyon. Cette modélisation permet d’envisager la programmation fréquentielle des passages de nettoiement par tronçon de rue en fonction à la fois de l’attractivité, des fonctions et des usages du territoire. L’interprétation nécessaire à l’élaboration d’un critère quantitatif de propreté implique donc de construire l’évaluation de la qualité de vie non pas sur l’appréciation réellement observée de la propreté des rues de Lyon mais davantage sur une projection de cette notion de propreté modélisée par des fréquences de nettoiement. Cette transformation de la représentation subjective en modèle de mesure ne permet effectivement pas de restituer « la réalité » perceptible du phénomène mais offre néanmoins la possibilité d’intégrer une dimension modélisée de la propreté au diagnostic urbain de la qualité de vie quotidienne.

Concernant la qualité de l’air, aucune information disponible à l’échelle fine de la commune de Lyon n’a pu être trouvée. Il a donc fallu envisager la construction de données propres. Dans un premier temps, nous avons du répondre à deux questions : « qu’est-ce que la qualité de l’air ? » et « quels sont les indicateurs qui peuvent nous permettre de la mesurer ? ». Après avoir pris contact avec les différentes associations agrées de surveillance de la qualité de l’air comme par exemple COPARLY (COmité pour le contrôle de la Pollution Atmosphérique dans le Rhône et la région LYonnaise), Air Parif (association chargée de surveiller la qualité de l’air sur l’ensemble de la région Ile de France), Prév’air (prévention et observations de la qualité de l’air en France et en Europe), les constats sont les mêmes. L’essentiel des polluants qui nuisent à la qualité de l’air est lié au trafic routier. Les autres sources de pollution peuvent être assimilées à une pollution « de fond ». La circulation routière génère ainsi la pollution la plus préoccupante pour la qualité de l’air. La répartition de cette pollution automobile s’impose donc comme le facteur de différenciation des territoires. Afin de caractériser les niveaux de pollution d’origine routière à l’échelle de la rue sur l’ensemble de la ville de Lyon, nous n’avons pu directement utilisé les résultats de mesure des stations de surveillance de la qualité de l’air jugés inadaptés à notre démarche par leur trop grande précision et leur nature inévitablement ponctuelle. Une méthode de modélisation de la dispersion des polluants émis par le trafic routier est donc nécessaire. Cette modélisation implique une mobilisation importante de données, des techniques de traitement de l’information spécifique et des connaissances particulières. Loin d’être parfaite, cette méthode de modélisation doit néanmoins permettre d’obtenir une estimation des concentrations de polluants sur une période annuelle moyenne et un territoire étendu. Cette modélisation semble être le seul moyen à la fois fiable et réalisable d’intégrer l’appréciation de la qualité de l’air à l’évaluation de la qualité de vie lyonnaise.

Au regard des représentations citadines et professionnelles, la qualité des environnements sonores a été largement identifiée comme un critère décisif pour la qualité de vie quotidienne. Le bruit associé à la circulation routière s’est ainsi imposé comme facteur majeur de pollution sonore. Compte tenu des sources d’informations disponibles et de l’exigence d’utiliser une donnée caractérisant l’ensemble du territoire d’étude, l’élaboration d’une modélisation de la propagation du bruit semble inévitable. Comme l’appréciation de la qualité de l’air, celle-ci suppose une compréhension particulière du phénomène étudié, impliquant la mobilisation de données spécifiques, des outils de traitement adaptés et des connaissances singulières.

L’approche environnementale de la qualité de vie quotidienne nécessite d’investir des domaines de compétences et des sphères techniques caractéristiques. Elle suppose ainsi de construire des modèles de mesure singuliers. Ces démarches de modélisation, d’estimation, de diffusion de l’information, certes, produisent des représentations simplifiées des phénomènes étudiés. Elles ne restituent pas la « réalité » elle-même mais permettent néanmoins de construire une image de cette réalité la plus satisfaisante et la plus juste possible. Loin d’être des exercices simples et aisés, ces modélisations sont cependant les seuls moyens d’intégrer ces dimensions de propreté, de qualité de l’air, de qualité des ambiances sonores à l’évaluation de la qualité de vie au quotidien.