2.2. Traitement de l’information

Nous avons souhaité traiter l’information mise à notre disposition de façon à obtenir une évaluation de la sécurité routière au travers d’une approche globale de l’accidentologie lyonnaise tout en attribuant une priorité particulière au piéton et à sa sécurité de déplacement au quotidien. L’analyse de l’exposition au risque de la route dépend ainsi, à la fois, de la densité des accidents et de leur gravité tout en considérant les accidents impliquant des piétons de manière singulière.

Dans un premier temps, nous avons mené une approche par dénombrement. Il s’agit en effet de comptabiliser les faits accidentogènes puis de quantifier les victimes de la route afin d’analyser leur répartition spatiale. Pour ce faire, nous avons utilisé un certain nombre d’indicateurs simples :

Dans un second temps, nous avons cherché à qualifier la gravité des accidents de la route afin de mieux appréhender les phénomènes accidentogènes. Conformément aux études et évaluations menées à l’échelle nationale et locale, nous avons utilisé l’indice conjointement préconisé par le Ministère de l’Intérieur et le Ministère de l’Equipement et utilisé par les différentes Directions Départementales de l’Equipement pour procéder au classement des secteurs et des communes accidentogènes.

Cette étude se base par conséquent sur l’indicateur de gravité (IG). Celui-ci est construit de la manière suivante.

Figure IV.3. Formule de calcul de l’indicateur de gravité
Figure IV.3. Formule de calcul de l’indicateur de gravité

Source : Ministère de l’Intérieur, 2001, « Lutte contre l’insécurité routière. ». Direction Générale de la Police Nationale, Direction Départementale de la Sécurité Publique du Rhône, 8 pages.

En référence à la fiche de synthèse départementale décrivant les sources de données utilisées par les Directions Départementales de l’Equipement (DDE) et leur traitement, il convient de préciser quelques définitions générales :

Cet indicateur, en ne considérant que les victimes graves, met l’accent sur les faits les plus sérieux et permet par conséquent de dégager les véritables points noirs du réseau routier. Afin d’optimiser la démarche et de différencier la gravité de l’accidentologie piétonne, ce traitement a été décliné pour l’ensemble des usagers puis pour les piétons uniquement.

Figure IV.4. Exemple de construction de l’indicateur de gravité
Figure IV.4. Exemple de construction de l’indicateur de gravité

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

La figure IV.4. présente l’exemple d’un bâtiment déplorant, au sein de son unité de voisinage de 100 mètres, deux accidents en trois ans. Globalement, ces deux accidents mettent en cause 6 usagers dont 2 tués et 4 blessés légers. L’indicateur de gravité est obtenu de la manière suivante :

IG = [(2 tués + 0 blessé grave) X 100] / 2 accidents de la circulation

= 100

La valeur de l’indicateur de gravité affecté au bâtiment est donc de 100. Cet exemple illustre parfaitement l’importance allouée aux victimes graves et l’évincement des autres dommages de l’insécurité routière.

Cependant, cet indicateur de gravité, en n’évoquant que les victimes graves, évacue volontairement l’ampleur des blessés légers (blessés dont l’état nécessite néanmoins de 0 à 6 jours d’hospitalisation ou un soin médical) et l’importance des accidents avec dommages matériels uniquement. L’accidentologie suit, forte heureusement, une logique décroissante : les accidentés sont moins nombreux que les accidents, les accidents avec des dommages corporels sont moins nombreux que les accidents avec uniquement des dommages matériels et les accidentés graves sont moins nombreux que les accidentés légers. Cet indicateur présente donc l’avantage de mettre en évidence les axes ou les intersections pour lesquels le risque est le plus grave sans prendre en compte les phénomènes accidentogènes les plus courants, à savoir les accidents légers ou matériels. Nous avons donc cherché un indicateur capable de rendre compte de la gravité des accidents sans pour autant nier la densité des accidents plus mineurs.

Suite à d’importantes investigations en la matière, nous avons été dans l’incapacité de trouver un indicateur national de synthèse restituant l’ensemble de ces deux dimensions de l’accidentologie. Notre regard s’est alors porté sur les travaux de recherche de l’université québécoise. Les chercheurs du Département d’Economie et de Gestion de l’Université du Québec à Rimouski ont en effet très largement investi la problématique de la sécurité routière et ont par conséquent élaborés une méthodologie multicritère de classification des sites routiers potentiellement dangereux 119 . Dans le cadre de cette étude, un indicateur global a été conçu. Il s’agit de mesurer la dangerosité des infrastructures à la fois en termes de dommages corporels et de dommages matériels. Cet indicateur de la dangerosité est cumulatif et pondère les accidents en fonction de leur gravité. La structure de la pondération s’effectue de la manière suivante :

Cet indicateur de dangerosité se construit de manière suivante.

Figure IV.5. Formule de calcul de l’indicateur de dangerosité
Figure IV.5. Formule de calcul de l’indicateur de dangerosité

Source : URLI B., URLI D., OUELLET F., 2003, « Méthodologie multicritère de la classification des sites routiers potentiellement dangereux en regard des infrastructures routières ». Département d’Economie et de Gestion de l’Université du Québec à Rimouski.

Contrairement à l’indicateur de gravité, cet indicateur de dangerosité prend en compte l’ensemble des faits et semble par conséquent mieux retranscrire l’ampleur des événements accidentogènes qui affectent le milieu urbain. Celui-ci a néanmoins du être quelques peu adapté au contexte local d’étude. L’indice de gravité rapporte un nombre d’accidentés à un nombre d’accidents, il s’agit donc d’un rapport qui relativise les dommages humains dus à l’insécurité routière au nombre total d’événements accidentogènes déplorés au sein de chaque unité de voisinage. Cependant, cet indicateur de dangerosité tel qu’il est proposé est strictement cumulatif et se base uniquement sur la somme pondérées des différents types d’accidents déplorés au sein du territoire. Ce calcul reste donc étroitement dépendant de la taille de l’unité spatiale sur laquelle il s’exprime. Plus l’unité de voisinage est grande et plus le nombre d’accidents peut être important.

Afin d’être le plus précis possible, il convient de rendre comparable le dénombrement des accidents au sein des unités de voisinage de tailles différentes. Le moyen utilisé pour réduire cet effet de taille jugé préjudiciable à l’analyse est d’introduire le rapport à la superficie de chaque unité de voisinage. C’est pourquoi, nous avons jugé nécessaire de rapporter l’indicateur de dangerosité à la superficie du territoire qu’il caractérise. Ce procédé permet par conséquent de pallier à cette différence morphologique des unités de voisinage et de rendre comparable entre eux les indices ainsi obtenus. La figure IV.6. illustre par un exemple les différentes étapes de construction de cet indicateur de dangerosité.

Figure IV.6. Exemple de construction de l’indicateur de dangerosité
Figure IV.6. Exemple de construction de l’indicateur de dangerosité

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

Nous avons volontairement repris le même cas de figure que celui présenté pour illustrer la construction de l’indicateur de gravité : 2 accidents impliquant 6 usagers dont 2 tués et 4 blessés légers. Cet indicateur traite les « objets accidents » ce qui nécessite de connaître la structure précise de chacun des accidents référencés. Pour l’exemple présenté ci-dessus, il est préalablement identifié que nous sommes en présence d’un premier accident mortel pour lequel on déplore deux tués et un blessé léger et d’un second accident pour lequel on déplore trois blessés légers.

L’indicateur de dangerosité se calcule ainsi de la manière suivante :

Id = [[9,5 X (1 accident mortel + 0 accident grave)]

+ [3,5 X (1 accident léger)]

+ (0 accident avec dommages matériels uniquement)]

= 9,5 + 3,5 + 0

= 13

Afin de lisser l’effet de taille de l’unité de voisinage pouvant nuire à l’interprétation des résultats, cet indicateur de dangerosité est ensuite rapporté à la surface totale de l’unité de voisinage (exprimée en hectare) :

Id = 13 / 3,832

= 3,4

Cet indicateur pondérateur restitue ainsi à la fois la gravité des accidents corporels sans renoncer à considérer l’impact des accidents plus mineurs ou matériels. L’usage conjoint de ces deux indicateurs permet ainsi de qualifier les cadres de vie des lyonnais en fonction de leur exposition au risque de la route et d’analyser les disparités spatiales des phénomènes accidentogènes qui nuisent à la qualité de vie quotidienne des habitants.

Tableau IV.4. Accidentologie, paramètres principaux des bâtiments (pour chacune des unités de voisinage de 100 mètres)
Variables Minimum Maximum Moyenne Ecart type
Nombre d’accidents 0 47,00 3,65 4,28
Densités des accidentés de la circulation 0 11,20 2,12 1,12
Densités des accidentés usagers de véhicule 0 25,34 1,91 2,38
Densité des accidentés piétons 0 2,95 0,21 0,37
Indice de gravité 0 200,00 5,07 16,03
Indice de gravité pour les piétons 0 100,00 5,12 19,33
Indicateur de dangerosité 0 37,43 2,91 3,52

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

L’ensemble des thèmes abordés pour caractériser l’accidentologie du territoire lyonnais permet de distinguer différents niveaux quant à la répartition statistique des phénomènes. Les valeurs moyennes et les écarts type renseignent ainsi sur la distribution statistique des variables. La forte valeur de l’écart type des indices de gravité (= 16.03 pour l’ensemble des accidents et = 19.33 pour les accidents impliquant des piétons) par rapport à la moyenne induit une forte dispersion des valeurs de la série statistique alors que la valeur plus relative de l’écart type du nombre d’accidents, de la densité des accidentés et de l’indicateur de dangerosité traduit une plus forte concentration des données autour de la moyenne. La répartition des valeurs dénombrant les phénomènes accidentogènes semble statistiquement plus homogène alors qu’au contraire, la gravité des accidents s’impose comme une variable particulièrement discriminante.

Notes
119.

URLI B., URLI D., OUELLET F., 2003, « Méthodologie multicritère de la classification des sites routiers potentiellement dangereux en regard des infrastructures routières ». Département d’Economie et de Gestion, Université du Québec à Rimouski, 6 pages.