2.3. Limites de l’approche

Tout d’abord, il convient de porter un regard critique sur les indicateurs mobilisés. L’indicateur de gravité, utilisé par les instances ministérielles, départementales et locales pour gérer l’accidentologie et améliorer la sécurité routière des villes françaises, ne prend en compte que les accidents mortels ou graves. La spécificité de cet indicateur, précieuse pour l’identification des secteurs les plus dangereux, ne permet cependant pas de restituer l’ensemble des phénomènes accidentogènes. L’utilisation de l’indicateur de dangerosité canadien s’est donc imposée comme une solution envisageable. Cependant, celui-ci n’est pas sans écueil. Il s’agit en effet d’un indicateur basé sur des pondérations qui n’ont pas été expliquées, ni justifiées par les concepteurs de cette méthode de classification du risque routier. Sans remettre en cause la validité des recherches menées par le Département d’Economie de Gestion de l’Université du Québec, nous pouvons néanmoins supposer que cet indice soit circonstancié. Il est en effet probable pour ne pas dire inévitable que cet indicateur soit le résultat de modèles perceptuels spécifiques. Comment la hiérarchisation de la gravité a-t-elle été conçue ? Comment expliquer par exemple qu’un accident mortel soit 9,5 fois plus « dommageable » qu’un accident matériel et qu’un accident léger soit 2,7 fois moins « dommageable » qu’un accident mortel (pondération de 3,5 X 2,7 ~ 9,5) ? Comment ces arbitrages ont-ils vu le jour ? Suite à ces questions, il est incertain ou en tout cas invérifié que les pondérations appliquées par le modèle québécois soient parfaitement transposables au cas français. Il est cependant important de préciser que l’usage de cet indicateur, bien qu’imposé par défaut, ne vient en rien contredire les autres paramètres utilisés. Il permet par conséquent de compléter notre diagnostic urbain sans remettre en cause les analyses précédentes.

L’approche de l’accidentologie développée dans le cadre de notre travail se borne de plus à la dimension spatiale du phénomène. Cependant, l’insécurité routière et l’accidentologie ne sont pas des phénomènes linéaires dans le temps. Compte tenu des orientations de nos travaux, nous avons été dans l’incapacité de prendre en compte la dimension temporelle de l’accidentologie. La répartition des accidents entre le jour et la nuit, entre les différents jours de la semaine mais aussi selon les mois de l’année est différente. La répartition journalière des accidents donne par exemple des indications particulièrement significatives. La répartition jour/nuit se maintient à 70% pour le jour et 30% pour la nuit. Cependant, les accidents nocturnes ont des conséquences nettement plus graves. En journée, la densité des accidents de la circulation n’est pas non plus homogène. Les horaires les plus accidentogènes sont le matin de 7h00 à 9h00 ainsi qu’en fin de journée de 17h00 à 19h00. Il est important de noter qu’entre 17h00 à 18h00, le risque d’accidents de la route est deux fois plus important que pour les autres créneaux horaires de la journée 120 . Cette augmentation de l’accidentologie est vraisemblablement liée à la fin des journées de travail, à la fatigue ou aux trajets de retour. L’analyse hebdomadaire du phénomène permet également de mettre en évidence une intensité différenciée des accidents de la circulation. Comme sur le plan national, le vendredi est, sur le territoire lyonnais, un jour noir338 particulièrement accidentogène.

Nos travaux n’évoquent pas non plus les causes directes de l’insécurité routière. L’origine des collisions entre les usagers de la route peut relever autant de facteurs attribuables aux conducteurs, au véhicule ou à une défectuosité des infrastructures routières. Les causes principales des accidents de la circulation au plan national restent les mêmes qu’au plan local. Les accidents sont en effet essentiellement imputables à la vitesse, à l’alcool au volant et aux défauts de port du casque ou de la ceinture de sécurité. L’usage du téléphone portable est également à l’origine de nombreux accidents. Le nombre de conducteurs n’étant pas en mesure d’exécuter convenablement les manœuvres de conduite à cause de l’utilisation d’appareil de téléphonie mobile est en « très forte augmentation »338. Ces éléments causals auraient pu compléter et davantage caractériser notre approche de l’accidentologie. Cependant, cette procédure complémentaire aurait mobilisé des moyens supplémentaires d’investigation et aurait suscité un approfondissement disproportionné par rapport aux exigences initiales de notre diagnostic urbain.

Les facteurs de risques liés aux infrastructures routières auraient pu également former un axe de développement de notre méthode d’approche. La configuration de la chaussée demeure ainsi un élément déterminant de l’accidentologie. Les éléments liés à l’aspect fonctionnel de la route peuvent avoir une incidence comme par exemple :

Les facteurs liés à la conception des routes peuvent également impacter sur ce phénomène. C’est par exemple le cas de :

Certains facteurs sont davantage liés au revêtement des surfaces routières. Nous pouvons par exemple citer l’adhérence de la chaussée ou ses caractéristiques réfléchissantes. Les facteurs directement liés aux aménagements des routes ne sont pas en reste. Les systèmes de marquage, balisage ou éclairage ainsi que la signalisation peuvent enfin avoir des conséquences sur l’accidentologie.

Plus que des limites, les éléments commentés correspondent davantage à des compléments qui auraient pu venir enrichir la démarche. L’absence de ces développements ne remet en aucun cas en cause la validité et la qualité des résultats à suivre.

Notes
120.

Ministère de l’Intérieur, 2001, « Lutte contre l’insécurité routière. ». Direction Générale de la Police Nationale, Direction Départementale de la Sécurité Publique du Rhône, 8 pages.