2.5. Nature, validation et limites des résultats de dispersion de la pollution

Les résultats produits par le modèle ne sont pas directement exploitables. Le logiciel ADMS fournit en effet un semis de points pour exprimer les valeurs de concentrations des trois polluants. Les résultats sont donnés sous forme de trois types de points qui permettent de bien couvrir la zone d’étude :

Au total, les valeurs de concentrations ont été obtenues en 103 000 points recouvrants les 48 Km² de la zone d’étude. Ces points servent de base au calcul des niveaux de concentration. Grâce à un calcul d’interpolation effectué sur les valeurs ponctuelles données par le logiciel ADMS les niveaux de concentration des trois polluants ont pu être évalués.

Même si la modélisation menée ici ne constitue en aucun cas un modèle complet de dispersion dont les résultats pourraient être comparés aux niveaux mesurés, il apparaît nécessaire d’opposer nos résultats à ceux mesurés par COPARLY. Cette démarche de confrontation des résultats permet autant de vérifier leur cohérence que de déceler leurs limites. Les stations sur lesquelles cet examen est possible, c’est-à-dire sur lesquelles au moins l’un des polluants est mesuré sont les stations urbaines de Gerland et de Saint-Just et les stations « trafic » de Berthelot, Garibaldi, Puits Gaillot, Brest, Marietton et Etats-Unis. Dans la première colonne du tableau ci-dessous figure les résultats des moyennes annuelles mesurées par COPARLY alors que la seconde colonne présente les résultats des calculs de la modélisation.

Tableau IV.12. Examen des niveaux de pollution calculés par rapport aux niveaux mesurés
Stations
dioxyde d’azote particules en suspension Benzène
Moyenne mesurée 2001/02 Valeur calculée Moyenne mesurée 2001/02 Valeur calculée Moyenne mesurée 2001/02 Valeur calculée
Gerland 44 44 DI DI DI DI
St-Just 41 48 DI DI DI DI
Berthelot 57 55 24 26 DI DI
Garibaldi 65 54 25 26 8 4
Puits Gaillot 57 48 39 24 DI DI
Brest 62 47 DI   DI DI
Marietton 58 49 DI   DI DI
Etats-Unis DI DI 27 26 DI DI

DI : données indisponibles.
Source : CETE de Lyon, 2003, « Modélisation de la dispersion de la pollution d’origine routière.». 55 pages.

L’examen conjoint des résultats et des mesures est délicat pour les particules en suspension et le benzène. Faute de station de mesure de type urbain dans la zone modélisée, nous n’avons pas pu effectuer de calage de la pollution de fond. Pour ce qui concerne les concentrations en particules, l’ordre de grandeur obtenu semble satisfaisant. Le niveau de pollution de fond choisi, issu de la station de Croix-Luizet, est sans doute un peu fort car cette station est relativement peu éloignée du boulevard périphérique Laurent Bonnevay. Il aurait donc été préférable d’obtenir une légère sous-estimation des valeurs calculées par rapport aux valeurs mesurées.

Pour les concentrations en benzène, les calculs sous-évaluent très fortement le niveau de concentration. Le niveau de pollution de fond est sans doute assez proche de la réalité car confirmé par plusieurs stations urbaines en-dehors de l’agglomération. L’incertitude sur ce terme ne peut en tout cas pas expliquer la différence obtenue.

En ce qui concerne les résultats obtenus pour le dioxyde d’azote, la valeur calculée correspond par hypothèse à la valeur mesurée sur la station de Gerland puisque ce point a servi de référence au calage du niveau de pollution de fond. À la station de Saint-Just, le résultat calculé est trop fort. D’une part, l’éloignement de la station de Saint-Just par rapport aux sources routières fortement émettrices situées au bord de la Saône (entrée du tunnel de Fourvière, centre d’échange de Perrache, quais de Saône), et d’autre part sa position en altitude n’ont pas été pris en compte, ce qui permet d’expliquer cette surestimation. Sur toutes les autres stations de type « trafic », les valeurs calculées sont inférieures aux valeurs mesurées. L’écart est faible pour la station « Berthelot », plus élevé ailleurs. Cet écart ne semble pas anormal compte tenu de la manière dont les calculs ont été menés. Les explications à la sous-estimation des concentrations en dioxyde d’azote par le modèle sont les suivantes :

Cette différence entre les valeurs mesurées et les valeurs calculées peut également trouver d’autres sources d’explication mais nous ne pouvons cette fois dire à priori si ces incertitudes vont dans le sens d’une surévaluation ou d’une sous-estimation des résultats. En effet, en opposant nos résultats aux mesures de stations de trafic, nous nous plaçons dans une perspective de prise en compte d’effets très locaux (inférieurs à la dizaine de mètres) dans des zones où les variations de concentrations fluctuent extrêmement rapidement en fonction de la position par rapport aux sources. Ces fluctuations ne peuvent pas être mises en évidence par le modèle utilisé qui n’intègre pas de détails à une échelle aussi fine (forme exacte des bâtiments, présence d’obstacles à la dispersion, position des voies dans la rue, sens de circulation des véhicules, …). L’incertitude sur les vitesses pratiquées par les véhicules reste importante. La vocation des modèles de trafic et donc le paramètre sur lequel ils donnent des résultats fiables s’appuient sur le volume de trafic et non sur la vitesse pratiquée. La simplification de la modélisation météorologique qui fixe les paramètres de stabilité de l’atmosphère constitue également un phénomène de variabilité des résultats.

Malgré certaines incertitudes inhérentes aux résultats de concentration, cette modélisation de la pollution d’origine routière reste un travail inédit par son ampleur et sa précision et incontestable par la qualité des résultats qu’il propose. Les niveaux de concentrations calculés par le modèle de dispersion reflètent bien l’incidence des volumes de trafic sur les niveaux de pollution. Il met en en évidence les zones où les plus fortes concentrations peuvent être rencontrées en prenant en compte l’influence du profil de rue, ouvert ou fermé, sur la dispersion. Il ne faut donc pas prendre les valeurs produites par le modèle comme des valeurs réelles, mais comme représentatives des variations de concentration en polluants sur l’ensemble du territoire. Cette approche modélisée de la pollution atmosphérique ouvre donc la voie à l’évaluation de la qualité de l’air. Il s’agit ainsi d’adapter les résultats de cette modélisation à la démarche de mesure de la qualité de vie quotidienne et de les rendre compatibles aux contraintes de notre analyse spatiale. Pour ce faire, il convient de construire un indicateur de pollution dont le choix doit être discuté et de développer les traitements spécifiques qui en découlent.