1.1. Les sources de données disponibles

Comme nous l’avons indiqué, pour évaluer la capacité des espaces verts à répondre de manière satisfaisante aux besoins des habitants et à assurer les services qu’ils sont sensés prendre en charge, deux démarches existent. La première est qualitative et se concentre sur l’examen des fonctions de l’espace vert. Selon les caractéristiques de l’équipement, il s’agit alors par immersion, observation ou enquête, d’identifier le profil des visiteurs, de décrire leurs pratiques et usages et par là même de définir les ambiances qui caractérisent l’interaction entre espace et population. Cette démarche est par exemple celle de l’étude menée sur le terrain par le CERTU152 (Centre d’Etudes sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques) qui vise à comparer les pratiques et les usages des visiteurs de trois espaces verts de Lyon afin d’établir dans quelle mesure un style paysager ou la présence d’un équipement spécifique interviennent sur la fréquentation des espaces verts.

Dans cette approche, l’espace vert est conçu comme un système d’attributs pouvant être mis en correspondance avec des demandes ou des besoins. Ce mode d’appréciation d’ajustement entre l’offre et la demande suppose souvent des procédés spécifiques. L’observation de terrain, l’enquête sociologique sont des méthodes qui n’ont pu être intégrées à notre étude. Bien que ces méthodes aient été jugées inadaptées à notre démarche de travail, nous avons tenu à considérer les connaissances mobilisées par d’autres afin de nous éclairer au mieux. C’est pourquoi nous avons été particulièrement attentifs aux travaux de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région d’Ile-de-France (IAURIF)153 cherchant à définir la zone d’attractivité théorique d’un espace vert ainsi qu’à l’étude menée en Ile-de-France sur les aires d’attraction des espaces verts publics urbains154. Cette dernière cherche à évaluer l’aire d’attractivité en fonction de deux paramètres que sont la superficie de l’espace considéré et les catégories d’usages possibles.

L’un des objectifs initiaux de l’étude a été de vérifier la croissance de l’aire d’attraction en fonction de la taille de l’espace vert. Une vaste enquête a ainsi été menée sur vingt espaces verts de cinq tailles différentes localisés dans la commune de Paris, en petite et grande couronne. Cinq cents visiteurs de chacun des espaces verts retenus ont été interrogés par questionnaire entre le mois d’octobre 1980 et le mois de septembre 1981. Cette enquête réalisée auprès de 12 500 individus a permis de déterminer des aires d’attraction mais elle fournit également des données permettant d’appréhender la fréquentation des espaces verts. L’importance de cette investigation a permis de confirmer certains résultats démontrés ultérieurement155 et de mettre à jour des phénomènes que les enquêtes réalisées sur des terrains moins différenciés ne font pas émerger. L’attractivité d’un espace vert dépend ainsi de l’importance de sa surface et des caractéristiques de son aménagement. Au vu des résultats des différents types d’approche mis en œuvre, R. BALLION et A. GRANDJEAN ont formulé un certain nombre d’indications :

  • pour les espaces verts de moins de 1 ha, l’attraction de proximité est immédiate et ne dépasse pas 100 mètres ;
  • pour les autres classes de surface des espaces verts, l’augmentation de la distance n’a pas d’effet sensible, ce qui entraîne à abandonner la distance de 250 mètres initialement retenu comme rayon d’attraction ;
  • les espaces verts de 1 à 10 ha, de conception traditionnelle ont une attraction de 500 mètres ;
  • ces espaces verts gagnent en attractivité lorsque leur aménagement est orienté dans le sens d’une conception d’usage de la nature plutôt que d’une conception ornementale et lorsque les équipements d’accueil des enfants et des adolescents constituent une part importante des services offerts ;
  • au-dessus de 10 ha, le rayon d’attraction est de 1 Km, distance au-delà de laquelle la fréquentation de l’espace vert tend à changer de statut, devenant une fréquentation « de sortie » plutôt qu’une fréquentation coutumière.

Malgré l’ancienneté de cette analyse, aucune autre étude ne vient contredire ou modifier ces résultats qui éclairent considérablement la compréhension de la problématique des espaces verts et proposent des jalons fiables de diagnostic.

Au-delà de ces considérations théoriques, il a été nécessaire de chercher une source quantitative concernant les espaces verts de la ville de Lyon. Les services de la Communauté Urbaine de Lyon (Délégation Générale du Développement Urbain) et les services de la ville de Lyon (Direction de l’Aménagement Urbain) ont conjointement sollicité l’Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise afin de réaliser un inventaire détaillé des espaces publics de loisirs et de détente. L’Agence d’urbanisme a ainsi élaboré un recensement exhaustif de l’ensemble des espaces publics sur l’ensemble des neuf arrondissements de la ville de Lyon. Cet inventaire concerne à la fois les places publiques, les espaces verts, les linéaires de promenade. Cette source d’information disponible depuis 2000156 et géolocalisée sous forme de table MapInfo a été étendue durant l’année 2001 à l’ensemble du territoire communautaire473, soit une information disponible et géoréférencée sur les 55 communes du Grand Lyon. Cette méthodologie propose la définition d’une typologie d’espaces publics de loisirs et de détente, une localisation précise des surfaces et la réalisation d’une base de données SIG.

En plus de champs généraux (n° de gestion et nom), cette base de données restitue des informations issues d’enquête terrain. Pour chacun des espaces concernés, la base indique son type (nature de l’espace : espace piéton, place, jardin public, aire de jeux,…), sa dominante (dominante minérale, mixte, végétale), les aménagements dont il dispose (nature du sol et des aménagements), les équipements intégrés à l’espace concerné selon huit catégories (ludique, déplacement/transport, agrément, repos, service, sportif, visite, commerce). Celle-ci identifie également la vocation des espaces qui découle des équipements (vocation sportive, ludique, de promenade ou de repos, ou à vocation multiple) et les usages potentiels (petits enfants de 0 à 6 ans, les enfants de 6 à 12 ans, les adolescents et les adultes y compris les personnes âgées). Cette typologie ne découle pas d’une observation des utilisateurs mais se construit par déduction émanant du niveau d’aménagement et du type d’équipement. L’environnement qui jouxte le périmètre de l’espace public a été observé et classé en huit catégories (services, équipements divers, équipements sportifs, enseignement, commerces/animation, déplacement/transport, habitat, localisation). La description de l’accessibilité indique de plus si l’espace concerné est clos et réglementé. En plus des informations concernant la domanialité et les gestionnaires des espaces publics, cette base de données renseigne sur la surface des places, squares, jardins et parcs et des espaces linéaires comme les rues piétonnes, les mails et les zones de promenade.

Comme le montre le tableau IV.17., cette étude très précise met à notre disposition un inventaire quantitatif et un descriptif qualitatif d’une grande richesse.

Tableau IV.17. Répartition des espaces publics lyonnais (nombre, surface et longueur)
Arrondissements 1er 2eme 3eme 4 eme 5 eme 6 eme 7 eme 8 eme 9 eme Lyon
Espace minéral
Nombre 14 17 22 26 23 6 17 12 8 145
Somme linéaire (m) 343 1 661 145 0 1 934 523 0 0 0 4 606
Somme surface (m²) 26 677 18 133 64 174 45 369 29 705 9 787 48 939 43 897 18 966 305 647
Espace mixte
Nombre 14 10 27 14 23 16 24 7 20 155
Somme linéaire (m) 45 812 1 250 349 657 1 946 2 202 0 0 7 261
Somme surface (m²) 22 119 86 310 47 298 25 752 88 784 39 888 59 248 78 643 47 393 495 435
Espace végétal
Nombre 18 9 21 20 17 14 17 18 13 147
Somme linéaire (m) 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Somme surface (m²) 70 752 51 164 135 403 168 849 178 178 1 047 953 815 802 165 340 187 265 2 820 706
Total somme nombre 46 36 70 60 63 36 58 37 41 447
Total somme linéaire 388 2 473 1 395 349 2 591 2 469 2 202 0 0 11 867
Total somme surface 119 548 155 607 246 875 239 970 296 667 1 097 628 923 989 287 880 253 624 3 621 788

Source : Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise, « Les espaces publics de loisirs et de détente de la ville de Lyon », 2000.

Seulement, nous avons la volonté de rompre avec l’indicateur quantitatif « classique » de calcul d’un ratio de superficie d’espace vert par habitant. Comme l’explique R. BALLION et A. GRANDJEAN157, le mode le plus sommaire d’expression de l’offre en espace vert consiste à établir un rapport entre sa superficie et le nombre d’habitants du secteur géographique qui inclut l’équipement. Cet indice se résume en un nombre de m² d’espace vert par habitant. Cette information est utile « pour rendre compte du niveau de « verdurisation du tissu urbain » mais n’inclut pas la notion d’usage des espaces concernés. Les exigences du diagnostic urbain et la nécessité de caractériser l’offre en espaces verts supposent la construction d’une démarche spécifique.

Notes
152.

CERTU, 2002, « Pratiques et usages dans trois espaces verts publics de la ville de Lyon. Etude comparative ». 39 pages.

153.

SAUVAGET D., 1974, « les espaces verts urbains dans l’agglomération parisienne ». IAURIF

154.

BALLION Robert, GRANJEAN Alain, 1982, « Aire d’attractivité des espaces verts publics urbains de la région d’Ile-de-France ». Laboratoire d’économétrie de l’école Polytechnique, Etude pour l’Agence des Espaces Verts de la Région d’Ile de France, 39 pages.

155.

ALLAIN Y-M., MURET J-P., SABRIE M-L., 1987, Les espaces urbains. Concevoir, réaliser, gérer. Paris, Editions du Moniteur, 316 pages.

156.

BOISSEL-CHAGNARD M., FILLOD L., 2000, « Les espaces publics de loisirs et de détente de la ville de Lyon. Note méthodologique ». Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise, 13 pages.

157.

BALLION R., GRANJEAN A., 1982, « Aire d’attractivité des espaces verts publics urbains de la région d’Ile-de-France ». Laboratoire d’économétrie de l’école Polytechnique, Etude pour l’Agence des Espaces Verts de la Région d’Ile de France, 39 pages.