L’enjeu est dans un premier temps de considérer l’exposition des populations sensibles à la pollution atmosphérique. Ce développement a pour ambition d’intégrer la dimension sanitaire au diagnostic urbain et d’estimer l’ampleur des effets de la pollution atmosphérique sur les populations les plus vulnérables. Pour ce faire, il s’agit d’analyser la localisation résidentielle des populations fragiles au regard des disparités spatiales des concentrations en polluant. Pour mener à bien cet exercice, il est tout d’abord nécessaire de fixer les seuils de concentration en polluant les plus significatifs pour la santé des individus puis d’identifier les populations dont l’exposition a le plus d’incidence en terme d’impact sanitaire.
Pour commencer, nous avons tenu à établir des seuils de concentration significatifs pour lesquels l’impact sanitaire et la nocivité sont avérés. Nous nous sommes ainsi reportés aux niveaux de concentrations réglementaires 180 qui établissent le « niveau maximal de concentration de substances polluantes dans l’atmosphère, fixé sur la base des connaissances scientifiques, dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs de ces substances pour la santé humaine ou pour l’environnement ». Pour le polluant qui nous intéresse, à savoir le dioxyde d’azote, cette valeur est fixée à 56 µg/m3 en moyenne annuelle pour 2002 et à 40 µg/m3 en moyenne annuelle pour 2010. La loi établie également un objectif de qualité à atteindre dans une période donnée. Toujours pour le dioxyde d’azote, cet objectif de qualité est fixé à une concentration de 40 µg/m3 en moyenne annuelle pour 2010. Ces deux valeurs semblent donc fournir de bons traceurs pour l’évaluation de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique.
Pour l’identification des populations sensibles, nous nous sommes référés à la littérature spécialisée 181 182 . En lien avec la Cellule Interrégionale d’Epidémiologie de Rhône-Alpes (Cire) de la DRASS 183 (Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales), nous avons distingué deux types de population particulièrement vulnérables aux risques de la pollution atmosphérique, à savoir :
Nous avons ensuite cherché à localiser l’ensemble de cette population sensible (les moins de 15 ans et les plus de 65 ans) résidant au sein des bâtiments habités de la ville de Lyon au regard des différents niveaux de concentration en dioxyde d’azote. La carte V.5. présentée ci-après, permet de repérer les lieux de résidence abritant les individus les plus vulnérables en fonction de leurs niveaux d’exposition à la pollution atmosphérique. Pour ce faire, l’ensemble des bâtiments habités de la ville de Lyon est réparti en trois classes de concentration en dioxyde d’azote :
Cette répartition montre que l’essentiel du territoire habité par les populations sensibles est exposé à une dégradation intermédiaire. Au total, 95,3% de la population pédiatrique et 95,7% de la population gériatrique évoluent ainsi quotidiennement au sein d’un environnement où la concentration en dioxyde d’azote oscille entre 40 et 56 µg/m3.
La grande majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité, de la population sensible réside donc au dessus du seuil de qualité, devant en 2010, garantir à tout à chacun une qualité de l’air non préjudiciable pour la santé. Les situations extrêmes restent donc marginales.
Seulement 3,7% de la population pédiatrique et 3,2% de la population gériatrique peuvent se prévaloir d’une concentration en dioxyde d’azote inférieure à 40 µg/m3. Les populations sensibles bénéficiant d’un environnement préservé résident principalement à l’ouest de la commune. Une large part du 5ème arrondissement, le nord du 9ème arrondissement ainsi que quelques secteurs éparses du 4ème arrondissement correspondent aux cadres de vie les plus épargnés par la pollution atmosphérique. Ces secteurs offrent par conséquent des conditions de vie peu nocives pour la santé des personnes les plus fragiles et vulnérables aux effets de la pollution.
Au contraire, une part réduite de la population sensible (1% de la population pédiatrique et 1,1% de la population gériatrique) déplore un environnement résidentiel particulièrement dégradé (concentration en dioxyde d’azote supérieure à 56 µg/m3). Les bâtiments occupés par des populations sensibles tout en étant exposés à une concentration en polluant préjudiciable sont spatialement très éparses. Il s’agit de bâtiments essentiellement situés en hypercentre et en rive gauche du Rhône. Compte tenu du caractère souvent isolé des entités incriminées, nous avons jugé opportun de préciser leur localisation à l’aide d’une délimitation rouge tracée autour de chacun des bâtiments. Ce marquage spatial permet d’identifier des micros secteurs où les populations les plus vulnérables sont quotidiennement soumises à de dangereuses concentrations en polluant.
Au regard de cette représentation cartographique, l’objectif de qualité concernant les concentrations en dioxyde d’azote visant à prévenir et limiter les effets de la pollution sur la santé et devant être atteint en 2010 semble difficilement réalisable. Bien qu’au total une fraction limitée de la population sensible soit gravement exposée aux méfaits de la pollution atmosphérique, la très grande majorité évolue au-dessus de la norme qui a été fixée pour réduire l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique. La santé des plus jeunes et des plus âgés ne semble donc pas être actuellement garantie. L’évolution favorable de ce bilan qui reste préoccupant apparaît considérablement compromise.
Afin d’entrer davantage dans le détail, nous avons cherché à estimer la distribution précise des populations sensibles en fonction des différents niveaux de concentration en dioxyde d’azote. Pour ce faire, nous avons établi deux graphiques :
Cette spatialisation fine de l’information permet par conséquent de connaître la distribution statistique des individus et de mieux apprécier l’ampleur du phénomène.
Le graphique ci-dessus montre tout d’abord la similarité de la distribution statistique des deux populations. L’exposition résidentielle des populations pédiatrique et gériatrique reste donc globalement comparable. Moins de 4% des deux populations bénéficient d’une exposition au dioxyde d’azote de 40 µg/m3, puis la part des individus concernés augmente linéairement pour attendre un pic d’exposition à 46 µg/m3. Une légère surexposition infantile est dans ce cas perceptible (10,2% des plus de 65 ans sont exposés contre près de 11% de la population pédiatrique). La part des populations exposées diminue ensuite de manière régulière : près de 8% des populations sensibles déplorent une concentration de 48 µg/m3, plus de 6% se trouvent à 50 µg/m3, plus de 3% connaissent une concentration de 52 µg/m3, près de 2% des individus sensibles sont exposés à une concentration en dioxyde d’azote de 54 µg/m3, alors qu’ils sont moins de 1% à atteindre le seuil de 56 µg/m3.
Le graphique V.11. reprend ces résultats sous forme d’effectifs cumulés. Cette représentation de l’information permet par conséquent une vision globale du phénomène d’exposition au polluant.
Comme le montre ce graphique, plus de 93% des populations sensibles sont exposées à une concentration en dioxyde d’azote de plus de 40 µg/m3. Plus de 82% des moins de 15 ans et des plus de 65 ans sont ainsi soumis à une exposition supérieure à 42 µg/m3, alors que près de la moitié de la population pédiatrique et gériatrique est affectée par une concentration supérieure à 46 µg/m3. Près de 30% de la population sensible vit au-delà d’une concentration de 48 µg/m3, plus de 10% d’entre elle évolue dans un milieu où la concentration en dioxyde d’azote excède les 51 µg/m3, près de 5% de la population sensible connaît une exposition supérieure à 53 µg/m3, alors que moins d’1% d’entre elle est exposée à une concentration supérieure à 56 µg/m3.
Cette approche permet par conséquent de bâtir une analyse discriminante axée sur les populations les plus vulnérables. Sans entrer dans le domaine des effets directs sur la santé des individus en termes pathologiques ou épidémiologiques qui est bien au-delà de notre champ de compétence, cette expérimentation permet d’estimer le risque encouru par la population la plus fragile et de mesurer l’ampleur des améliorations nécessaires pour protéger les lyonnais des méfaits de la pollution atmosphérique.
Le lieu de résidence n’étant pas l’unique secteur d’exposition à la pollution atmosphérique, nous avons ensuite cherché à élargir notre angle d’approche en orientant notre analyse sur les établissements qui accueillent en leur sein du public.
Décret 2002-213 du 15 février 2002 relatif à la surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé et sur l'environnement, aux objectifs de qualité de l'air, aux seuils d'alerte et aux valeurs limites.
Institut de Veille Sanitaire – Département Santé Environnement, 2002, Programme de surveillance Air et Santé. 9 villes. Paris, Ministère de l’écologie et du développement durable, Maulde & Renou, 181 pages.
Institut de Veille Sanitaire – Département Santé Environnement, 2003, Evaluation de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique dans 26 villes européennes. Paris, Maulde & Renou, 143 pages.
À cet égard, nous tenons à remercier le Docteur Jean-François JUSOT pour son aimable contribution.