2.1.2. Exposition des établissements sensibles lyonnais à la pollution atmosphérique

Pour mener à bien cette démarche, nous avons tout d’abord sélectionné des établissements publics ou privés destinés à recevoir des populations soient sensibles, soient fragilisées. Pour cela nous avons choisi de porter un regard spécifique sur les crèches et haltes-garderies, les écoles maternelles, les écoles primaires, les hôpitaux et cliniques ainsi que sur les maisons de retraite. L’ensemble de ces structures a été précisément localisé au coeur de l’armature urbaine sur laquelle figure le jeu d’isolignes représentant les différents niveaux de concentration en dioxyde d’azote. Cette double localisation permet par conséquent d’identifier les niveaux de concentration en polluant auquel sont exposés ces établissements. Pour illustrer au mieux cette expérimentation, cinq cartographies ont été réalisées.

La carte V.6. localise l’ensemble des équipements liés à la petite enfance. La répartition de l’ensemble des crèches et haltes-garderies (établissements collectifs municipaux, associatifs ou mixtes) au regard des valeurs estimées de la pollution atmosphérique permet d’apprécier la qualité de l’implantation des équipements accueillant les tout-petits. Comme l’illustre cette représentation cartographique, sur les 130 établissements que compte la ville de Lyon, une large majorité reste en deçà d’une concentration en dioxyde d’azote de 50 µg/m3. En effet, 33% des crèches et haltes-garderies sont implantées sur des territoires où la concentration en dioxyde d’azote est comprise entre 40 et 45 µg/m3 alors que près de la moitié des établissements (48%) se trouvent déjà exposée à une concentration en polluant de 45 à 50 µg/m3. Il convient de signaler qu’aucune structure d’accueil des tout-petits ne bénéficie d’un environnement préservé des méfaits de la pollution atmosphérique car nulle n’est exposée à une concentration inférieure à 40 µg/m3. L’objectif de qualité en termes de préservation des effets nocifs de la pollution sur la santé des petits lyonnais semble encore hors d’atteinte. Ce constat est d’autant plus vrai que de nombreuses crèches et haltes-garderies sont localisées sur des axes importants de circulation automobile où la pollution atmosphérique atteint par conséquent des niveaux préoccupants. Il est ainsi regrettable de constater que 17% des structures d’accueil se localisent sur des territoires exposés à une concentration en polluant comprise entre 50 et 55 µg/m3 alors que 3% d’entre elles sont quotidiennement soumises à une concentration supérieure à 56 µg/m3.

Carte V-6 : crêches et halte-garderies face à la pollution atmosphérique
Carte V-6 : crêches et halte-garderies face à la pollution atmosphérique

Cette analyse dresse donc un bilan inquiétant de l’implantation des établissements voués à l’accueil de jeunes enfants. Leur exposition journalière à des niveaux élevés de concentration en polluant interroge sur la préservation de la santé des petits lyonnais.

La carte V.7. se propose de mener le même exercice en analysant la localisation des écoles maternelles. Le constat reste quasiment identique. Sur l’ensemble des établissements préélémentaires lyonnais, 38% sont exposés à une concentration en dioxyde d’azote de 40 à 45 µg/m3. Les territoires les plus préservés correspondent essentiellement à l’ouest de la commune comme les secteurs de Saint Rambert (nord du 9ème arrondissement), de la Duchère (9ème arrondissement), de Fourvière, de Champvert, du Point du Jour (5ème arrondissement), des Chartreux (1er arrondissement), du Serin (ouest du 4ème arrondissement) ainsi que des secteurs plus éparses à l’est des 3ème et 8ème arrondissements. Près de la moitié des écoles maternelles (soit 48% des établissements) est ensuite implantée sur des secteurs exposés à une concentration en polluant comprise entre 45 et 50 µg/m3. Les niveaux supérieurs de pollution ne concernent par conséquent qu’une part limitée des structures scolaires et touchent essentiellement les secteurs de l’hypercentre, de la rive gauche du Rhône ainsi que les centres plus secondaires comme ceux de Vaise (9ème arrondissement), Saint-Just (5ème arrondissement) ou les zones bordant les grands axes de circulation automobile comme le cours Albert Thomas (limite entre les 3ème et 8ème arrondissements), l’avenue Jean Mermoz et le boulevard des Etats-Unis (8ème arrondissement). Il convient néanmoins de noter que 9% des écoles maternelles sont exposées à une concentration de 50 à 55 µg/m3 alors que 5% des écoles subissent une exposition de plus de 56 µg/m3.

Carte V-7 : écoles maternelles face à la pollution atmosphérique
Carte V-7 : écoles maternelles face à la pollution atmosphérique

La carte V.8. qui fait suite, reprend la démarche pour l’ensemble des écoles primaires. Cette analyse présente une situation comparable à la précédente en termes d’exposition et de localisation géographique. Tout d’abord, aucun établissement ne bénéfice d’une exposition inférieure à 40 µg/m3. La majorité des écoles primaires se situe en deçà d’une concentration en dioxyde d’azote de 50 µg/m3. En effet, 34% des établissements sont implantés sur des territoires où la concentration en dioxyde d’azote est comprise entre 40 et 45 µg/m3. Ces secteurs concernent principalement le nord du 9ème arrondissement, la Duchère (9ème arrondissement), l’ouest de la commune (5ème arrondissement), l’ouest des 1er et 4ème arrondissements, ainsi que des secteurs plus éparses à l’est de la commune (3ème et 8ème arrondissements). Près de la moitié des écoles primaires (48%) est ensuite exposée à une concentration en polluant de 45 à 50 µg/m3. Les établissements les plus touchés sont principalement localisés au centre de la ville, en rive gauche ainsi qu’au coeur des centres secondaires ou le long des axes de circulation structurant le reste de la ville. 15% des structures scolaires sont ainsi exposées à une concentration comprise entre 50 et 56 µg/m3 alors que 3% d’entre elles sont soumises à une concentration supérieure à 56 µg/m3. Ces deux cartes montrent par conséquent que l’exposition aux polluants des jeunes enfants au sein même des structures scolaires fréquentées quotidiennement ne semble pas les préserver des effets nocifs de la pollution atmosphérique. La prise en compte de l’impact sanitaire de la pollution au voisinage des écoles soulève donc d’inquiétantes questions.

Après l’étude des établissements voués à l’accueil des plus jeunes, notre approche se propose de considérer les structures d’accueil des personnes âgées. La carte V.9. s’attache ainsi à la localisation des maisons de retraite au regard des valeurs estimées de concentration en dioxyde d’azote. La répartition de ces établissements suit les grandes tendances précédemment décrites. Cependant, quelques différences sont à signaler. Tout d’abord, sur l’ensemble des 82 maisons de retraite que compte la ville de Lyon, un établissement bénéficie d’une exposition inférieure à 40 µg/m3. 32% de ces structures spécialisées sont ensuite soumises à une concentration en dioxyde d’azote comprise entre 40 et 45 µg/m3. Les établissements profitant d’une localisation favorable sont essentiellement situés à l’ouest de la commune (9ème, 5ème, 4ème et 1er arrondissements) alors que l’est est plus marginalement concerné. Pour 44% des maisons de retraite lyonnaise, l’exposition au polluant s’échelonne de 45 à 50 µg/m3. Près d’un cinquième de ces lieux de séjour (soit 19% des établissements) subit des concentrations de 50 à 55 µg/m3 alors que 4% d’entre eux sont exposés à des niveaux de concentration jugés préjudiciables pour la santé (soit supérieurs à 56 µg/m3).

Carte V-8 : écoles primaires face à la pollution atmosphérique
Carte V-8 : écoles primaires face à la pollution atmosphérique
Carte V-9 : maisons de retraite face à la pollution atmosphérique
Carte V-9 : maisons de retraite face à la pollution atmosphérique

Au regard de ce jeu de quatre cartes décrivant l’exposition des structures d’accueil vouées à la prise en charge des populations les plus vulnérables, l’inquiétude s’impose comme une évidence. Comment ne pas craindre pour la santé des individus les plus fragiles à la vue de tels constats. La localisation des crèches et haltes-garderies, des écoles maternelles et primaires, des maisons de retraite est loin d’être favorable à la réduction des effets dommageables de la pollution atmosphérique sur la santé des populations sensibles.

Pour parfaire notre approche, nous avons tenu à compléter cette analyse de l’impact sanitaire de la localisation des établissements destinés à l’accueil des populations sensibles par celle des établissements abritant des personnes fragilisées ou souffrantes. Pour cela, nous avons réitéré l’exercice en considérant cette fois la localisation des hôpitaux et cliniques de la ville de Lyon. La répartition de l’exposition à la pollution atmosphérique est dans ce cas plus équilibrée. En effet, comme le montre la carte V.10., aucun établissement de santé n’est situé dans un secteur où la concentration en dioxyde d’azote est inférieure à 40 µg/m3 mais à l’inverse aucun d’entre eux ne déplore une concentration de plus de 56 µg/m3. Il convient néanmoins de noter que 28% des hôpitaux et cliniques sont alors exposés à une concentration de 40 à 45 µg/m3. Cependant, l’essentiel des équipements de santé se trouve à proximité des grandes voies de circulation automobile ce qui engendre une exposition à des niveaux élevés de concentration en polluant. Il est par conséquent important de préciser que 37% des hôpitaux et cliniques déplorent une concentration de 45 à 50 µg/m3 alors que 35% d’entre eux sont soumis à des concentrations comprises entre 50 à 56 µg/m3.

Carte IV-10 : hôpitaux et cliniques face à la pollution atmosphérique
Carte IV-10 : hôpitaux et cliniques face à la pollution atmosphérique

L’ampleur de la pollution est telle qu’elle n’épargne aucun établissement. Qu’il s’agisse de jeunes enfants, de personnes âgées ou de patients, la majorité de cette population vulnérable et sensible est donc en droit de craindre pour sa santé. L’impact sanitaire de la pollution atmosphérique doit ainsi être envisagé de manière globale par le biais de la localisation résidentielle mais aussi au travers de la préservation de la santé des populations sensibles au sein des établissements devant inévitablement les accueillir. Pour preuve, le tableau V.1. présente la synthèse de l’exposition estimée des différents établissements étudiés.

Tableau V.1. Synthèse de l’exposition des établissements sensibles au dioxyde d’azote
Concentration en dioxyde d’azote Moins de 40 µg/m3 De 40 à 45 µg/m3 De 45 à 50 µg/m3 De 50 à 56 µg/m3 Plus de 56 µg/m3
Crèches et haltes-garderies 0% 33% 48% 17% 2%
Ecoles maternelles 0% 38% 48% 9% 5%
Ecoles primaires 0% 34% 48% 15% 3%
Maisons de retraitre 1% 32% 44% 19% 4%
Hôpitaux et cliniques 0% 28% 37% 35% 0%

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2005.

Cette expérimentation prend d’autant plus de sens lorsque l’approche par la localisation se substitue à l’estimation des effectifs exposés. En effet, chaque établissement précédemment évoqué est décrit par sa capacité d’accueil (nombre de places, d’élèves, de lits, …). Cette information nous a ainsi permis de mesurer l’ampleur démographique de l’exposition à la pollution engendrée par la localisation des différents équipements sensibles. Le graphique présenté ci-après cumule par conséquent les effectifs recensés au sein de l’ensemble des établissements sensibles (crèches et haltes-garderies, écoles maternelles et primaires, maisons de retraites, hôpitaux et cliniques) en fonction des différents niveaux de concentration en dioxyde d’azote imposés par leur localisation géographique. Cette répartition s’effectue en fonction des effectifs (histogramme) puis les résultats sont présentés sous forme d’effectifs cumulés (courbe).

Graphique V.12. Effectifs des équipements sensibles exposés au dioxyde d’azote
Graphique V.12. Effectifs des équipements sensibles exposés au dioxyde d’azote

Le graphique V.12. montre clairement que l’essentiel des effectifs est soumis à une concentration de dioxyde d’azote de 44 à 48 µg/m3. Au total, ce sont plus de 25 600 personnes qui sont touchées. Moins de 9 500 individus sont potentiellement exposés à des concentrations inférieures à 43 µg/m3. Plus de 10 000 individus sont concernés par des concentrations en polluant comprises entre 49 et 53 µg/m3 alors qu’ils sont près de 2 000 à déplorer une exposition supérieure à 54 µg/m3. Comme le montre la courbe des effectifs cumulés, plus de la moitié des effectifs est soumise à une concentration inférieure à 46 µg/m3 ce qui indique à l’inverse que près de 50% des effectifs des établissements sensibles déplorent une exposition supérieure à 47 µg/m3.

Les approfondissements menés sur la thématique de la qualité de l’air font la démonstration des développements possibles de l’outil d’analyse qui vient d’être élaboré. Au-delà de l’exposition résidentielle aux méfaits de la pollution atmosphérique, cette méthode permet d’estimer l’impact sanitaire de l’implantation des équipements particulièrement sensibles de part le profil des populations qu’ils accueillent. Cette démarche permet par conséquent de croiser des indicateurs de qualité de vie avec des données de gestion urbaine. Cette interaction offre alors la possibilité d’optimiser l’exercice d’observation et présente une analyse plus opérationnelle du territoire. Pour convaincre ceux qui ne le seraient pas encore de la portée de cette méthode, nous nous proposons d’expérimenter une vision transversale et opérationnelle de l’accidentologie.