5.1. Une reproductibilité délicate

Cette méthode d’évaluation de la qualité de vie, telle qu’elle vient d’être expérimentée sur la ville de Lyon, demeure une étude de « faisabilité ». Certes, les fondements méthodologiques et les procédés élaborés pour mener à bien cette analyse des disparités spatiales de la qualité de vie lyonnaise élaborent des préceptes fiables et par conséquent transposables à d’autres territoires, d’autres populations. L’identification des critères de qualité de vie validés par la connaissance des systèmes perceptuels des individus a permis de tracer une voie originale à la justification des critères de mesure.

Notre volonté de sortir du carcan oppressant et stérile de la diversité des approches, des définitions, des méthodes d’évaluation de la qualité de vie au profit de la construction progressive de l’objet de recherche a montré sa capacité de résultat. Bien que cette démarche ait nécessité l’abandon d’un certain nombre de réflexes structurant les modes de pensée tout en requérant la modification des processus d’analyse, celle-ci a démonté son aptitude à répondre à la problématique complexe de la mesure de la qualité de vie. Qu’il s’agisse de la définition de cette notion, de sa mise en cohérence ou de l’élaboration de son système de mesure, cette construction méthodologique fournit de nouvelles clefs de lecture. Cette « nouveauté » ne vaut que par la légitimité des critères proposés pour évaluer la qualité de vie. C’est en cela que cette méthode met à disposition des principes pouvant servir et inspirer d’autres initiatives d’observation urbaine, d’autres expérimentations de la mesure de la qualité de vie. Seulement, cette reproductibilité s’arrête là où la production de résultats commence. Le transfert de compétence et la transposition méthodologique se bornent ainsi aux fondements de la résolution des problèmes sans pour autant être en mesure de fournir des résultats directement réutilisables et comparables. La méthode d’identification critériologique est donc en soi reproductible mais les résultats qu’elle produit reste socialement, spatialement et temporellement marqués.

La réalisation du diagnostic urbain pose à son tour la question de sa reproductibilité. Le système de référence géographique servant de base à la spatialisation des différents critères de qualité de vie correspond à une échelle de représentation particulièrement adaptée à la problématique. Son renseignement, sa fiabilité, son degré de précision ont contribué à la qualité des expertises produites. Cependant, le Système Urbain de Référence constitue une base de données unique en France. Il est bien évident que d’autres sources existent et peuvent satisfaire les exigences de démarches comparables. C’est par exemple le cas de la base de données BD Topo® produite par l’Institut Géographique Nationale (IGN). Il s’agit d’une description métrique en trois dimensions du territoire national et de ses infrastructures. Cette base de données vectorielle recense en effet les voies de communication, les voies ferrées et de transport d’énergie, les équipements publics, les bâtiments et la végétation. La surface des bâtiments de plus de 50 m² est ainsi très précisément répertoriée et catégorisée. Cependant, nous ne sommes pas garantis, faute d’expérimentation, ni de la nature, ni de la compatibilité de cette base de données. Cette limite de l’exercice contraint considérablement la reproductibilité de nos travaux. Cependant, il serait préjudiciable, faute de système de référence spatiale, de faire du « cas lyonnais » une « exception méthodologique ».

À l’heure d’une réflexion à l’échelle nationale sur la constitution d’un Référentiel Grande Echelle (RGE), cette étude montre le potentiel d’analyse qui pourrait émaner d’un référentiel de type cadastre vectoriel harmonisé. Notons enfin qu’avec le nouveau recensement de la population basé sur une base immeuble, l’INSEE s’oriente vers une démarche comparable et compatible avec notre approche. Si la méthode d’analyse n’est aujourd’hui pas systématiquement reproductible en l’état, gageons que l’évolution de la qualité, de la disponibilité et de la précision des bases de données la rendra accessible dans la décennie qui s’annonce.