Problématique de nos travaux

- Les accords aromatiques

Parmi les effets utilisés empiriquement par les parfumeurs et les aromaticiens, l’accord aromatique occupe une place de choix. Cependant, la définition même de l’accord semblait poser problème. En effet, est-il possible d’obtenir une odeur nouvelle en mélangeant deux composés odorants différents dans des proportions bien précises ? Les cas « d’accords » en parfumerie sont apparemment nombreux, mais ils reposent presque exclusivement sur des combinaisons de multiples composés odorants, chacun pouvant apporter une facette à l’odeur finale (Poucher, 1975).

Dans la première expérience de ce travail, nous proposons tout d’abord de rappeler les principaux résultats d’une étude relative à un accord aromatique, l’accord « Ananas ». Dans un second temps, nous rapportons des données obtenues au cours d’une collaboration avec l’équipe de recherche « Arômes » de l’INRA (Dijon), et pour laquelle nous avons élaboré un nouveau protocole expérimental visant à mieux cerner le modèle d’accord fusion total (fusion des notes odorantes individuelles remplacée par une nouvelle note odorante, absente dans les composés flairés isolés).

Après cette acquisition, nous avons vérifié la pertinence de notre approche sur d’autres modèles de mélanges binaires conduisant à la perception d’un accord odorant. En 2002, « The Emperor’s new theory » (Burr, 2002) est publié. Cet ouvrage traite, entre autres, des recherches de Luca Turin, physiologiste passionné de chimie et de physique qui a repris l’idée selon laquelle la perception des odeurs est gouvernée par un mécanisme de transduction qui transforme les vibrations intramoléculaires des substances odorantes en un message neuronal. Une telle théorie, dite vibratoire, a été élaborée en 1930 mais fut abandonnée par la communauté scientifique internationale jusqu’à ce que Turin lui donne une forme moderne, en 1990.

Dans le présent travail, nous ne voulons pas alimenter ce débat qui concerne d’avantage les physiologistes que les psychophysiciens. Néanmoins, parmi les arguments de Turin, un exemple surprenant d’accord aromatique a été évoqué et a attiré notre attention. Selon l’auteur, un mélange en proportion déterminée de guaiacol et de benzaldéhyde provoquerait la perception d’une odeur de vanille, car selon l’auteur, les molécules de ce mélange binaire produiraient une vibration résultante proche de celle que produit la vanilline, molécule dont l’odeur évoque, à elle seule, la vanille.

Ainsi, dans la seconde partie de ce chapitre, nous rappellerons dans un premier temps les grandes lignes des différentes théories relatives à la perception de la qualité des odeurs, puis nous relaterons une expérience où nous avons mis en oeuvre deux protocoles d’expérience distincts. Le premier de ces protocoles nous a permis de tester des proportions des deux composants du mélange binaire différentes, afin de vérifier la manifestation éventuelle d’un consensus quant à la perception d’une note odorante «vanille» dans ces mélanges de guaiacol et de benzaldéhyde.

Dans un second protocole, nous avons voulu confronter le mélange le plus compétitif quant à l’odeur de vanille avec un certain nombre de molécules odorantes connues pour présenter une note vanille.

- Le masquage olfactif

Le masquage des odeurs peut se définir comme le résultat d’interactions qui se produisent à différents niveaux de la perception olfactive. Il s’agit d’un phénomène qui concerne des mélanges déterminés tant au niveau des molécules odorantes utilisées que dans les proportions appliquées. Dans la littérature, un certain nombre de théories tentent d’expliquer le masquage olfactif ; certaines, très spécifiques, ne concernent que ce phénomène, tandis que d’autres concernent de manière plus générale les interactions qui peuvent survenir dans les mélanges odorants.

Dans une expérience, nous rappellerons brièvement ces théories avant de nous pencher plus précisément sur deux exemples illustrant un concept déjà connu : le masquage de l’odeur d’un acide par l’odeur de son éthyle ester.

Expérience 1. La perception de la qualité des accords aromatiques : Cas d’un mélange binaire