2.8 Les théories du masquage olfactif

Des effets de masquages ont été mis en évidence à l’aide de différents composés odorants (Cain & Drexler, 1974; Cain, 1975). Dans l’étude de 1974, les auteurs soulignent la différence à faire entre masquage et contre-action. Cette idée a été précisée plus tard dans une étude d’Hoffman (Hoffman, 1986) qui indique que si l’intensité perçue augmente après l’ajout d’un produit quelconque alors que le caractère désagréable diminue, on doit parler de masquage. En revanche, si l’intensité perçue et le caractère désagréable diminuent simultanément après l’ajout du produit, il s’agit d’un phénomène de contre-action.

En 1975, il proposa une théorie de l’olfaction basée sur le modèle enzymatique (Schleppnik, 1975) et attribua les effets de masquage à des mécanismes périphériques. Selon l’auteur, les vecteurs d’odeur (i.e. molécules odorantes) interagissent avec les sites récepteurs selon des mécanismes « clé / serrure ». Ces interactions peuvent donner lieu à des phénomènes de coopérativité qui peuvent entraîner la « sur-activation » d’un site et conduisant à observer une synergie, soit à des phénomènes de compétition entraînant le blocage d’un site et expliquant ainsi l’effet de masquage.

En publiant une étude relative aux mécanismes conduisant à la suppression des odeurs (Laing & Willcox, 1987), les auteurs ont proposé une explication spatio-temporelle. Le masquage des odeurs mettrait en jeu principalement des différences de temps de latence relatifs à l’interaction des molécules odorantes avec le système récepteur. Plus les molécules odorantes interagissent rapidement avec le système, plus ils auraient de chance d’imposer leur image olfactive et donc de masquer les autres composants d’un mélange. Cette théorie, qui implique à la fois des mécanismes périphériques et centraux, est encore d’actualité et a fait l’objet de nombreuses études ces dernières années, sur l’animal (Simon & Derby, 1995) et chez l’homme (Rouby & Holley, 1995) pour tenter d’expliquer les effets de suppression et de masquage des odeurs.

Une autre théorie propose que le concept de masquage des odeurs repose sur le fait d’éliminer le caractère nauséabond d’une odeur, si faible en intensité soit elle (Calkin & Jellinek, 1994). Pour atteindre cet objectif, un moyen consiste à modifier le contexte du substrat du désagrément et de transformer ainsi l’aspect désagréable du stimulus en un caractère agréable ou neutre. Il est possible par exemple de masquer la composante désagréable provenant d’acides gras grâce à des extraits d’orange, en créant une composition identique aux extraits d’orange mais privé de ses acides gras. En ajoutant cette composition masquante à un mélange contenant des acides gras, l’accord « orange sera reformé » et transformera l’odeur et atténuera sa composante nauséabonde. Il y aura donc bien un effet de masquage qui pourrait s’apparenter à un camouflage.