3.4.1 Les accords aromatiques : l’Accord-Fusion

Comme nous l’avons définit dans le second chapitre, l’accord est le fruit d’une interaction perceptive très spécifique entre des composés aromatiques mis en mélange et le système olfactif. Une interaction peut se produit dès le niveau de la muqueuse olfactive, là ou les odeurs se fixent aux récepteurs sensoriels qui leur sont spécifiques. Mais des interactions peuvent prendre place à bien d’autres niveaux du système olfactif. Comme dans les autres modalités sensorielles, en olfaction, l’accord, plus précisément l’accord-fusion, est un phénomène perceptif dans lequel les odeurs des composants du mélange fusionnent pour faire apparaître une nouvelle note odorante.

Mais, en pratique, un mélange odorant peut générer différents types d’accords :

Si le mélange conduit à l’émergence d’une nouvelle note odorante, distincte, mais qu’il reste possible de percevoir une ou plusieurs des notes odorantes typiques des composants du mélange, on dit qu’il s’agit d’un « accord-fusion partiel ».

Si le mélange conduit à la perception d’une note odorante distincte et unique, qui remplace les notes odorantes des constituants du mélange, on dit qu’il s’agit d’un « accord-fusion total ».

Mais, dans la pratique, comment le sujet humain perçoit-il la qualité d’un mélange odorant et d’un point de vue sensoriel, comment discrimine t-il les différents constituants ? Les données de la littérature nous renseignent sur cette question délicate.

En effet, plusieurs études ont porté sur les capacités à discriminer et identifier les notes odorantes émanant de mélanges odorants (Laing & Jinks, 2001). D’une manière générale, ces études ont montré que la qualité d’un mélange odorant est fréquemment un intermédiaire entre la qualité des chacun des constituants du mélange (Moskowitz & Barbe, 1977; Gregson, 1984; Olsson & Cain, 2000). De plus, d’un point de vue hédonique − caractère le plus saillant en olfaction − il a été indiqué que la valence émotionnelle d’un mélange binaire, en accord avec la qualité perçue, semble toujours être un intermédiaire entre les différents constituants (Lawless, 1977).

D’autre part, des études ont fait le lien entre intensité et qualité perçues dans les mélanges binaires. Selon ces études, l’aptitude à discriminer les différents constituants d’un mélange est améliorée lorsque ces composés, présentés séparément, sont perçus comme ayant la même intensité (Laing & Willcox, 1983; Laing et al., 1984; Laing & Francis, 1989). De plus, le système olfactif accentue la différence entre l’intensité des constituants d’un mélange pour en déterminer sa qualité (Olsson & Cain, 2000).

Ainsi, s’il est entendu que l’humain possède des capacités limitées à analyser la qualité des mélanges odorants, limitations inhérentes au sens de l’olfaction (Jinks & Laing, 2001) telles que l’expérience individuelle des sujets testés (Livermore & Hummel, 2004) ou encore les caractéristiques intrinsèques aux odorants (Livermore & Laing, 1998). Il n’empêche que ces limites perceptives ne semblent pas altérer l’aptitude des humains à discriminer la qualité des odorants mis en mélange, et ce, même lorsque les constituants sont proches d’un point de vue qualitatif (Laska & Hudson, 1992). Par exemple, nous sommes tous capables de détecter à quel moment un fruit aura atteint sa maturité optimale pour être consommé, ou plus simplement de déterminer la qialité d’un produit dans une chaine de qualité. Certains chasseurs sont même capables de déterminer avec précision la direction prise par le gibier.