4.2 Preuves électrophysiologiques de l'effet des odeurs sur la cognition

4.2.1 Les odeurs modulent les ondes α et β du tracé éléctroencéphalographique

Dans l'objectif d'évaluer les effets des odeurs sur l'EEG, Lorig et Schwartz (Lorig & Schwartz, 1988) ont enregistré l'EEG de sujets humains, alors que ces derniers devaient sentir différentes odeurs (ces odeurs étaient très semblables, i.e. : cinq parfums ayant une note florale). Après la présentation de chacune des odeurs, les sujets avaient pour tâche de les évaluer selon différents critères. Les résultats de ces évaluations subjectives n'ont indiqué aucune différence entre les odeurs, alors que les activités  et  étaient différentes selon l'odeur présentée. Ce résultat suggère, selon les auteurs, que des différences chimiques non détectées peuvent influencer l'EEG mais pas la perception.

Afin de tester l'hypothèse que des composés chimiques non détectés peuvent modifier l'EEG, Lorig et collaborateurs ont réalisé une expérience en utilisant plusieurs concentrations de deux odeurs différentes, la lavande et la pomme épicée (Lorig et al., 1990). Les résultats vont dans le sens de l'hypothèse : lorsque les odeurs ne sont pas détectées, la lavande et la pomme épicée produisent des distributions d'activité différentes sur le scalp, avec notamment une plus grande activité  dans les parties postérieures pendant l'administration de lavande. Ces résultats qui suggèrent que les humains sont capables de traiter les odeurs à un niveau subliminal ont été confortés par les travaux de Schwartz et collaborateurs (Schwartz et al., 1992; Schwartz et al., 1992; Schwartz et al., 1993). Dans leurs études les auteurs ont stimulé les sujets avec différents odorants, alors que l'activité EEG est enregistrée. Les résultats indiquent une faible activité  (signe d'une forte activité corticale) dans les sites antérieurs, centraux et postérieurs quand des odeurs à concentrations perceptibles sont administrées. Lors de la diffusion d'odeurs à très faible concentration (non détectable), l'activité  est surtout diminuée dans les sites centraux.

Même si les expériences précédemment citées suggèrent que des odorants à très faible concentration peuvent influencer l’activité corticale, elles n'apportent pas la preuve que ces changements électrophysiologiques influencent le comportement des sujets. Pour répondre à cette question, Lorig a réalisé une expérience constituée de plusieurs étapes (Lorig, 1994). Dans une première phase expérimentale, les sujets devaient sentir 3 concentrations (faible, moyenne et forte) d'un même odorant, le galaxolide. Les deux concentrations les plus fortes étaient détectées alors qu'aucun sujet n'a détecté la plus faible. Après cette évaluation psychophysique, les sujets étaient exposés à toutes les concentrations d'odeurs et à une situation non odorisée, alors que l'EEG était enregistré. A la suite de la session d'enregistrement, les sujets devaient réaliser une tâche de recherche de cible visuelle selon deux conditions : non odorisée et odorisée (galaxolide à concentration non détectable). La tâche consistait en la localisation d'une lettre convenue présente dans une matrice de lettres. Les latences des détections correctes étaient enregistrées. Les résultats montrent que l'activité  était plus grande pendant la condition non odorisée que durant l'administration de galaxolide à concentration faible. Cependant, un des résultats les plus intéressants réside dans le fait que les sujets prenaient plus de temps pour isoler la cible correcte dans la condition odorisée (non détectable) par rapport à la condition non odorisée. Les résultats de cette expérience fournissent des preuves électrophysiologiques de l'effet des odeurs sur le comportement. Ainsi, des composés chimiques non détectables peuvent exercer une influence sur le comportement d'une part, et sur le système nerveux central d'autre part.