4.4.2 Matériel d’enregistrement EEG (Biosemi)

Le système d’enregistrement offre une solution à tous les problèmes associés à l’impédance des électrodes et aux fibres de connectique. Un micro amplificateur intégré à l’électrode (Ag-AgCl) permet des mesures très peu bruitées sans aucune préparation de la peau. Ce type de capteur à impédance très faible permet d’éliminer tous les problèmes d’interférence, d’artefacts dûs à la connectique et aux mouvements éventuels du sujet. De plus elles sont spécialement conçues pour être montées sur une calotte en nylon adaptable à la tête du sujet.

La mise en place du matériel d’enregistrement est illustrée par la figure 56. Le sujet s’installe confortablement en position assise. On pose la calotte sur la tête du sujet, puis à l’aide d’une seringue dédiée à cet effet on procède à l’injection du gel conducteur (Sigma gel) dans chacun des trous qui accueillera une électrode d’enregistrement. On procède à la pose des électrodes en suivant le code couleur et les numéros inscrits sur chaque électrode et sur chaque emplacement de la calotte. On finit par la pose des électrodes de référence et de masse. Le système est relié à un ordinateur, dans une pièce expérimentale voisine, qui synchronise l’enregistrement EEG et les stimulations olfactives.

Au total, 78 électrodes EEG ont été placées sur la tête des sujets. L’impédance des électrodes a toujours été inférieure à 5KΩ. Les enregistrements EEG bruts ont été digitalisés
«on-line» à une fréquence de 256 Hz par canaux. Le filtre du signal enregistré a été fixé à 50 Hz.

Fig. 56 : Dispositif expérimental mis en place pour l’expérience. Le sujet est installé en position assise dans la salle expérimentale, équipé avec la calotte et les électrodes d’enregistrements EEG (reliées à un boîtier de rassemblement de signaux enregistrés (Biosemi EEG). Durant l’expérience, les odeurs sont délivrées au sujet directement dans ses cavités nasales (stim.olf), il interagit grâce à l’interface mise à sa disposition (interface sujet). L’expérimentateur contrôle le déroulement de l’expérience depuis la salle de contrôle où se trouve l’olfactomètre, les écrans vidéo de surveillance et l’ordinateur d’enregistrement des signaux EEG.

• Sujets

L’expérience a été réalisée avec la participation de 8 étudiants (4 femmes et 4 hommes),de Washington & Lee University (Lexington, VA - USA) âgés en moyenne de 24,7 ans (± 6,5 ans). Parmi ces 8 sujets, 7 étaient droitiers et aucun n’était fumeur et ils ont déclaré n’avoir aucun problème olfactif.

Les sujets ont été rémunérés 40 US$ pour 3 jours de participation à l’expérience, soit 10 US$ par jour, avec une prime de 10 US$ s’ils arrivaient au bout de l’expérience.

• Stimuli visuels

Afin de s’assurer que les sujets se trouvent dans la même condition visuelle, nous avons programmé un diaporama de photographies à l’écran entre les périodes de stimulation olfactive.

La totalité des 48 stimulations visuelles utilisées dans cette expérience étaient des photographies de l’espace prises par le télescope « Hubble ». Elles ont été collectées sur Internet ¹ et ont déjà servies dans des expériences de recherche en olfaction et EEG (cf. travaux de Lorig). Ces images avaient une taille de 650 x 800 pixels et ont été présentées au centre de l’écran pendant 5 secondes chacune.

• Stimuli odorants

Une expérience préliminaire, dans laquelle un groupe de 10 sujets de notre laboratoire Lyonnais ont évalué la typicité odeur / nom de l’objet source deplusieurs concurrents odorants (fournis par différents fournisseurs), nous a permis de sélectionner les meilleurs représentants (prototypes olfactifs) des notes odorantes que nous voulions utiliser.

Ainsi, pour cette expérience, nous avons utilisé trois substances odorantes différentes : Un arôme complexe de beurre fourni par la société (McCormick), du 2-éthyle acide butyrique (Sigma Aldrich) utilisé pour mimer la note odorante « rance » du beurre et de la vanilline (IFF) couramment utilisée comme placebo de l’arôme de la vanille). Les différentes solutions odorantes ont été préparées en diluant les produits dans de l’huile minérale (Sigma) inodore.

• B1 : Une solution d’arome de beurre diluée par un rapport 10-1

Trois solutions d’acide butyrique diluée dans de l’huile minérale, à concentrations différentes ont été également préparées, comme suit :

• R1 : Une solution d’acide butyrique diluée par un rapport 10-2
• R2 : Une solution d’acide butyrique diluée par un rapport 10-3
• R3 : Une solution d’acide butyrique diluée par un rapport 10-4

Trois solutions de vanilline diluée dans de l’huile minérale ont été préparées à partir d’une solution saturée de vanilline (13%) comme suit :

• V1 : Une solution de vanilline saturée à 10-1
• V2 : Une solution de vanilline diluée par un rapport 10-2
• V3 : Une solution de vanilline diluée par un rapport 10-3

A partir des ces solutions mères, les différents mélanges binaires odorants (beurre rance et beurre vanillé) ont été préparés (tab. 29).

Tab. 29 : Stimulations odorantes utilisées dans l’expérience. Une solution de beurre (B), 3 mélanges binaires mimant des beurres rances de concentrations différentes (B1R1, B1R2, B1R3) et 3 mélanges binaires mimant des beurres vanillés de concentrations différentes (B1V1, B1V2, B1V3).

Solutions odorantes	Notes olfactives	Composition
B1	Beurre	10-1
B1R1	Beurre rance +++	10-1 + 10-2
B1R2	Beurre rance ++	10-1 + 10-3
B1R2	Beurre rance +	10-1 + 10-4
B1V1	Beurre Vanillé +++	10-1 + 10-1
B1V2	Beurre Vanillé ++	10-1 + 10-2
B1V3	Beurre Vanillé +	10-1 + 10-3

Un volume fixe de 25 l est injecté la veille des jours d’enregistrement dans les capsules de stimulations de l’olfactomètre.

• Procédure expérimentale
• • Phase 1 - Enregistrement des potentiels évoqués olfactifs de base EEG_1

Lors d’une première journée, les sujets étaient convoqués pour remplir un formulaire de consentement relatif à l’expérience, puis ils devaient répondre à un questionnaire de santé. Les sujets étaient renseignés sur le fait que malgré la rémunération, ils pouvaient interrompre le déroulement de l’expérience sur simple demande, mais que dans ce cas, ils ne recevraient pas la totalité de la rémunération (40 US$).

Lorsque les sujets donnaient leur accord à l’expérience, ils étaient immédiatement conduits dans la salle expérimentale et équipés pour une séance d’enregistrement des activités électriques de base.

Les sujets étaient installés dans le fauteuil et l’expérimentateur les équipait avec le matériel EEG et positionnait le stimulateur olfactif en position sous le nez du sujet, comme décrit dans la partie méthodologique de cette expérience (cf. 1.2.2.5). La consigne de la tâche affichée à l’écran était la suivante :

« Il s’agit d’une expérience sur la perception des odeurs. Vous allez voir plusieurs photographies de l’espace et des écrans blancs. Parfois, vous sentirez des odeurs.

Nous vous demandons de rester éveillé, de respirer normalement et régulièrement.

Après chaque odeur, nous vous demanderons d’évaluer certaines caractéristiques des odeurs senties, vous répondrez sur les échelles présentées à l’écran en cliquant dans la case qui correspond à votre réponse. »

Après chaque stimulation odorante, les sujets devaient évaluer l’intensité, l’hédonicité, la familiarité et la comestibilité de la source à laquelle l’odeur faisait référence. Les évaluations ont été réalisées à l’aide d’échelles psychophysiques en 9 points, bornées (de pas du tout ‘intense’, ‘agréable’, ‘familier’, ‘comestible’ à extrêmement ‘intense’, ‘agréable’, ‘familier’, ‘comestible’) présentées à l’écran l’une après l’autre.

Tous les sujets ont été stimulés avec l’odeur de beurre B1 et avec les solutions de beurre rance de concentrations différentes B1R1, B1R2 et B1R3. Chaque stimulation a été répétée 12 fois dans un ordre aléatoire. Ainsi, 48 stimulations au total ont été délivrées aux sujets (selon la séquence temporelle fig. 57) et la durée moyenne de cette phase était de 1h30 (pose du matériel d’enregistrement comprise).

Fig. 57 : Séquence de stimulation EEG_1. L’affichage de photographies de l’espace (pendant 10 secondes) est suivi par un écran blanc de 5 secondes. Le système attend une phase d’expiration et une stimulation olfactive d’une durée de 0,5 secondes est délivrée au sujet. Une période de 5 secondes fait suite à la stimulation. Une boite START NEW à cliquer permet au sujet d’enchaîner par lui-même les stimulations les unes après les autres. L’enregistrement EEG était automatiquement déclenché par un trigger et durait 5 secondes autour de la stimulation (1 seconde avant / 4 secondes après).

• Phase 2 – Sensibilisation perceptive aux odeurs

Le lendemain, en arrivant, les sujets étaient directement installés dans le même fauteuil que la veille mais n’étaient pas équipés des électrodes d’enregistrement. Lors de cette phase expérimentale, la consigne était identique à celle donnée en phase 1 : après chaque odeur, les sujets avaient pour consigne d’évaluer l’intensité, l’hédonicité, la familiarité et la comestibilité de la source à laquelle l’odeur faisait référence. Les évaluations ont été réalisées à l’aide d’échelles psychophysiques en 9 points, bornées (de pas du tout ‘intense’, ‘agréable’, ‘familier’, ‘comestible’ à extrêmement ‘intense’, ‘agréable’, ‘familier’, ‘comestible’) et présentées à l’écran l’une après l’autre.

Les sujets étaient convoqués pour la phase de sensibilisation. La moitié des sujets, (2femmes, 2 hommes : groupe « TEST ») a été stimulée à l’odeur de beurre (B1) et aux trois mélanges odorants imitant le beurre rance (B1R1, B1R2 et B1R3). L’autre moitié, le groupe « Contrôle » a été stimulée à l’odeur de beurre (B1) et aux trois mélanges de beurre vanillé (B1V1, B1V2 et B1V3).

Chaque échantillon a été évalué 4 fois, dans un ordre totalement aléatoire. Au total, 48 (12 x 4) évaluations psychophysiques ont été réalisées selon la séquence temporelle présentée par la figure 58.

Fig. 58 : Séquence de stimulation EEG_1. L’affichage de photographies de l’espace (pendant 10 secondes) est suivi par un écran blanc de 5 secondes. Le système attend une phase d’expiration et une stimulation olfactive d’une durée de 0,5 secondes est délivrée au sujet. Une période de 5 secondes fait suite à la stimulation. Une boite START NEW à cliquer permet au sujet d’enchaîner par lui-même les stimulations les unes après les autres.

• Phase 3 - Enregistrement des potentiels évoqués olfactifs EEG_ 2

Le troisième et dernier jour, les sujets devaient revenir au laboratoire pour terminer l’expérience. Durant cette phase, ils étaient immédiatement équipés du matériel d’enregistrement et installés dans la salle expérimentale.

Ils devaient réaliser une tâche de jugement de similarité selon la procédure de Gross-Isseroff et Lancet (Gross-Isseroff & Lancet, 1988). Immédiatement après la présentation d’une paire d’odeur, le sujet doit évaluer leur ressemblance : soit identiques, soit différentes.

La consigne était affichée à l’écran était la suivante :

“Il s’agit d’une expérience sur la perception des odeurs et la mémoire. Pour chaque essai, vous allez voir plusieurs images de l’espace et ensuite, sentirez deux odeurs successives.

Pour chacun des essais, nous vous demandons de déterminer si les deux odeurs présentées étaient identiques ou différentes en terme de qualité uniquement en cliquant la case qui correspond à votre réponse.

N’oubliez pas la qualité : par exemple, une odeur intense de chocolat sera identique à une faible odeur de chocolat. Mais une odeur d’orange sera toujours différente de l’odeur de chocolat. »

Les paires d’odeurs ont été systématiquement construites avec l’odeur de beurre B1 et une des quatre odeurs de rance (tab. 30) ; elles ont été présentées aléatoirement selon la séquence temporelle de la figure 59. Chacune des paires d’odeurs a été présentée 12 fois. Au total 48 jugements de similarité ont été réalisés.

Tab. 30 : Paires d’odeurs présentées 12 fois chacune dans un ordre aléatoire durant la phase d’enregistrements EEG_2.

Stimulations olfactives
Odeur 1	Odeur 2
B1	B1
B1	B1R1
B1	B1R2
B1	B1R3

Fig. 59 : Séquence temporelle de stimulation lors de la phase EEG_2. Une période de 10 secondes pendant laquelle des photographies de l’espace sont affichées est suivie par un écran blanc. Le système synchronise deux phases successives d’expiration / inspiration et délivre les stimulus odorants (Od1 et Od2). Immédiatement après, un écran présentant le choix de réponse à la tâche de similarité était affiché. Les sujets devaient répondre en cochant la case adéquate. Lorsqu’ils avaient coché une des deux case, une boîte START NEW apparaissait pour enchaîner un nouvel essai. L’enregistrement EEG était automatiquement déclenché par un trigger juste avant la seconde stimulation (Od. 2) et durait 5 secondes autour de la stimulation (1 seconde avant / 4 secondes après).

Dans cette phase expérimentale, nous avons uniquement enregistré le potentiel évoqué par la seconde odeur (Od. 2) de chaque paire présentée.

• Analyse des résultats
• • Evaluations psychophysiques des stimuli odorants

Les évaluations des caractéristiques psychophysiques des odorants réalisées par les sujets lors des phases expérimentales 1 et 2 ont été moyennées pour chaque groupe de sujets (Contrôle et Test) et pour chaque phase (phase 1 et phase 2).

Une Analyse de la variance (ANOVA) à plusieurs facteurs contrôlés a été effectuée pour déterminer l’effet du groupe expérimental (2 : Test, Contrôle), de l’odeur (4 : B1, B1R1, B1R2, B1R3), de répétitions de la stimulation (12 répétitions par stimulus odorant) et du type d’évaluation (4 : Intensité, hédonicité, familiarité, comestibilité de la source suscitée par l’odeur).

• Traitements des signaux EEG

La segmentation et le moyennage des enregistrements EEG ont été réalisés « off line » dans une fenêtre temporelle de 5 secondes autour du stimulus olfactif (1 seconde avant la présentation de l’odeur et 4 secondes après, voir séquence temporelle des phases 1 et 3). Avant d'être traitées, les données sont filtrées avec un filtre basé sur les fréquences digitales passe-bas (10 Hz) de manières à éliminer les artefacts dus aux problèmes d’impédance, de mouvements…etc.

La boite à outils EEGLAB (Delorme & Makeig, 2004) développée pour Matlab (The MathWorks, Inc) a été utilisée pour l’amplitude maximum des ondes électroencéphalographiques chez les sujets des 2 groupes expérimentaux en fonction du décours temporel (de 50 ms après le trigger de la stimulation jusqu’à 1200 ms après la stimulation). Ainsi, nous avons relevé le « pic maximal », c'est-à-dire l’amplitude maximale de la réponse électroencéphalographique atteinte dans les différentes fenêtres temporelles d’une durée 200 ms. Les 11 fenêtres temporelles sont chevauchantes de façon à perdre le moins d’informations.

Une analyse de la variance (ANOVA) à plusieurs facteurs a été effectuée pour déterminer l’effet du groupe (2 : Test, Contrôle), de l’odeur (4 : B1, B1R1, B1R2, B1R3) sur l’activité électrique mesurée en potentiels évoqués. Pour cela, nous avons distingué plusieurs « zones » cérébrales différentes en fonction d’axes orthogonaux déterminés comme indiqué sur la figure 60. Ainsi, on a considéré un axe hémisphérique séparant l’encéphale en 2 hémisphères (Gauche et Droit) ; un axe antéropostérieur qui scinde le cerveau en une zone avant (frontale), une zone médiane (temporale) et une zone arrière (occipitale). De plus, chaque hémisphère a été « divisé » en 2 de manière à distinguer un côté externe d’un côté interne. Ces différents axes ont également été intégrés dans nos analyses en tant que facteurs.

Fig. 60 : L’encéphale a été divisé selon différents axes permettant de distinguer un axe hémisphérique séparant un l’hémisphère droit l’hémisphère gauche, eux-mêmes séparés en 2 côtés (interne et externe) ; et selon un axe antéropostérieur, une zone frontale (avant), temporale (médiane) et occipitale (arrière).

• Performances des sujets lors de la tâche de similarité :

La proportion de réponses correctes issues de la tâche de jugement de similarité des paires d’odeurs (phase 3) a été calculée pour chaque sujet et pour chaque groupe (‘Contrôle’ vs. ‘Test’). Une analyse de la variance a été effectuée pour déterminer l’effet de groupe (2 : C, T) et l’effet de l’odeur (4 : B1, B1R1, B1R2, B1R3) sur les performances de discrimination devant les mélanges binaires odorants.