La libéralisation financière peut être appréhendée à travers la diffusion des principes fondamentaux de l’économie de marché dans la sphère financière. Ces principes partent de l’idée que : ‘«’ ‘ sous certaines conditions, le libre jeu des forces du marché – chaque agent n’étant plus (ou étant moins) entravé inutilement dans l’effort de maximisation de sa fonction d’utilité – accroît l’efficacité globale des activités économiques et financières. ’ ‘»’ (Banque de France, 1998, p.14).
Le mouvement de libéralisation financière que connaît aujourd’hui le monde entier a essentiellement été amorcé à partir de la fin des années soixante-dix, dans les pays industrialisés. Cette période coïncide avec deux faits majeurs. D’une part, l’arrivée au pouvoir exécutif d’un certain nombre de décideurs qui mettent en pratique les enseignements néo-libéraux 26 . D’autre part, la multiplication des déboires liés à la gestion publique des affaires économiques et financières, en partie du fait du laxisme des autorités de tutelle.
Les principaux pays de l’OCDE sont les premiers à promouvoir la libéralisation des activités financières et à accorder une plus grande marge de manœuvre aux intermédiaires financiers. Cela se fait à travers, soit l’abandon des réglementations qui ne sont pas clairement justifiées sur le plan économique (déréglementation), soit la révision et l’actualisation de celles jugées encore utiles (re-réglementation). Quoi qu’il en soit, dans la plupart des pays, la priorité est donnée à la promotion des mécanismes de la finance de marché.
En France, ce phénomène se traduit, à cette époque, par plusieurs réformes qui sonnent le glas de l’administration du système financier par le ministère de l’économie et des finances (Trésor public), en vigueur depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Parmi ces réformes, on peut citer :
Aux Etats-Unis, l’histoire tragique qu’a connue l’économie suite aux événements d’octobre 1929 a conduit les autorités publiques à sévèrement réglementer les activités financières, et particulièrement celles propres aux banques, accusées d’être à l’origine de la crise 29 . Ainsi, à partir des années trente et jusqu’aux années soixante-dix, des dispositifs réglementaires prudentiels alors uniques au monde, sont mis en place, à l’exemple du Banking Act 30 (Glass-Steagall Act) de 1933. Toutefois, le pays étant historiquement porté sur l’économie de marché, beaucoup d’acteurs de la sphère financière voient d’un très mauvais œil la restriction de leur liberté d’action. Aussi, les réglementations contraignantes sont régulièrement contournées par le biais, entre autres, des innovations financières.
Cette situation s’intensifie, dans les années soixante-dix, avec la diffusion de nouvelles technologies au sein de la sphère financière. Voyant certains dispositifs réglementaires devenir inefficaces, voire économiquement préjudiciables, les autorités publiques amorcent, à partir de la fin des années soixante-dix, un mouvement général de déréglementation financière. Parmi les réformes que comporte ce mouvement, on peut citer :
Au total, si le mouvement de libéralisation financière sous-tend une plus grande liberté d’action pour les prestataires de services financiers, il met surtout un terme aux barrières à l’entrée réglementaires qui enclavaient, jusque là, la profession bancaire 35 .
Aussi, après un monopole presque total sur certaines activités, les banques voient arriver sur leur marché de nouveaux acteurs qui développent, en marge de leur activité principale, une activité quasi bancaire, à l’instar des OPCVM, de l’assurance et même de la grande distribution. La banalisation et le décloisonnement des activités financières connexes ouvrent sur une rude concurrence qui va déboucher sur une vague de fusions/acquisitions/partenariats sans précédents 36 .
L’émergence de conglomérats financiers regroupant les métiers de la banque, de l’assurance et du titre est l’aboutissement de cette situation. Cependant, si les métiers de la finance se centralisent en amont, ils restent le plus souvent distincts et spécialisés en aval pour des raisons d’efficience et de rentabilité.
Théoriquement, la libéralisation financière vise à améliorer l’efficience (la performance) du système financier dans son ensemble, et à promouvoir son rôle vital en matière de croissance et de développement économiques.
Cela passe par l’instauration d’une concurrence saine entre les différents prestataires financiers, élément qui permettra d’augmenter la qualité et la quantité des produits financiers, tout en réduisant leurs coûts de production et d’acquisition, pour le plus grand bénéfice des consommateurs.
Toutefois, dans la réalité vécue, les faits sont souvent loin de cette représentation théorique. En effet, lorsque la libéralisation financière débouche sur une concurrence destructrice et une prise de risques excessifs, des événements déstabilisants, à l’exemple de ceux qui ont caractérisé les caisses d’épargne et les banques américaines durant la période 1981-1992, ou ceux qui ont ébranlé les banques françaises entre 1992 et 1995, apparaissent 37 .
C’est pourquoi, il est indispensable de soigneusement cadrer le processus de libéralisation financière afin d’en accroître les bienfaits et d’en réduire les inconvénients. Dans cette optique, le renforcement de la réglementation prudentielle des acteurs, notamment bancaires, représente la meilleure façon de garantir le bon fonctionnement et la pérennité de l’ensemble du système financier (Bernou et Grondin, 2001, p.23).
En effet, il apparaît de plus en plus qu’un système financier libéralisé ne fonctionnera correctement que si les agents qui le composent ont le sentiment qu’un contexte réglementaire réduisant l’aléa moral et les déséquilibres économiques majeurs encadre leurs actions. D’ailleurs, il est tout à fait clair, aujourd’hui, que c’est à travers des réactions suffisamment précoces et rapides de la part des autorités monétaires et financières, que l’on peut espérer éviter les événements déstabilisateurs. D’autant plus que ces derniers sont, de nos jours, plus menaçants que dans le passé, étant donnée, la globalisation et la mondialisation qui caractérisent l’économie internationale.
Comme Reagan aux Etats-Unis, Thatcher au Royaume-Uni, Kohl en Allemagne et Giscard d’Estaing en France (1974-1981, avec Barre comme Premier ministre).
Les SICAV et FCP, initialement mis en place par la loi du 26 juin 1957 dans le cadre de la participation des employés aux fruits de la croissance des entreprises, n’ont pu exercer (de manière très limitée) qu’après la promulgation du décret du 20 septembre 1963. Mais, c’est la loi du 13 juillet 1979 et son décret d’application du 27 septembre 1979 qui amorce véritablement l’activité des OPCVM.
Avec beaucoup de retard, la dernière grande banque à être privatisée sera le Crédit lyonnais en début d’année 2000.
Il faut rappeler qu’entre 1929 et 1933, environ 10 000 des 25 000 banques américaines firent faillite, la masse monétaire baissa de 33%, le PIB chuta de 50% et le taux de chômage passa de 3% à 25% de la population active (Bruton et Lombra, 2003, p.253).
Les principales dispositions du Banking Act de 1933 sont :
La création du FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation), organisme fédéral d’assurance des dépôts,
La séparation fonctionnelle entre banques commerciales et banques d’investissement,
L’entérinement du McFadden Act de 1927, portant le cloisonnement géographique de l’activité des banques,
L’interdiction de rémunérer les dépôts à vue et la restriction de leur offre aux seules banques commerciales,
Le plafonnement des taux d’intérêt versés sur les dépôts à terme.
Parmi des dispositions que comporte la loi DIDMCA de 1980 :
La suppression progressive du plafonnement des taux d’intérêt créditeurs,
L’autorisation de commercialiser au niveau national, les comptes NOW (Negotiable Order of Withdrawal) apparus en 1972 et initialement limités aux établissements de la Nouvelle-Angleterre. Ces « ordres négociables de retrait » sont des comptes rémunérés (comptabilisés dans l’agrégat M1) permettant à leur titulaire de retirer une partie de ses fonds (à condition de laisser un solde minimum) et d’émettre des chèques (interest-bearing checkable deposits),
L’élargissement des activités des caisses d’épargne qui peuvent désormais octroyer des crédits à la consommation ainsi que des prêts non hypothécaires et acquérir des Commercial Papers et des Corporate Debt Instruments (dans la limite de 20% du total de leurs actifs),
L’unification des mécanismes d’assurance des dépôts des banques et des caisses d’épargne, et l’augmentation du plafond de cette assurance de 40 000 dollars à 100 000 dollars par compte.
Cette loi autorise, entre autres, les banques et les caisses d’épargne à offrir des Money Market Deposit Accounts (MMDA). Ces derniers sont des comptes d’épargne rémunérés qui permettent à leurs titulaires de tirer un nombre limité de chèques périodiquement (3 chèques par mois). Cette disposition s’inscrit dans la perspective de permettre aux banques et aux caisses d’épargne de faire face à la montée concurrentielle des Money Market Mutual Funds (MMMF).
En vertu de cette réglementation, la FED a décidé de plafonner les taux d’intérêt créditeurs à 6,25% pour les dépôts de 30 à 59 jours et de 7,5% pour les dépôts à plus d’un an. La non-rémunération des dépôts à vue est actuellement toujours en vigueur, malgré l'abrogation de la plupart des dispositions du Glass-Steagall Act par le Gramm-Leach-Bliley Act de 1999. Les concepteurs de la réglementation « Q » pensaient qu’une moindre rémunération des dépôts bancaires engendrerait une moindre tarification des crédits et donc une meilleure qualité de ces derniers (les crédits les plus chers étant les plus risqués). En outre, en modifiant les plafonds de cette réglementation, les autorités monétaires pouvaient, selon la conjoncture, augmenter ou baisser la création monétaire, et donc agir rapidement sur le niveau de la masse monétaire (lorsque les taux de rémunération sont attrayants, les dépôts bancaires augmentent et les banques peuvent consentir plus de prêts et vice versa).
Il s’agit de la loi sur la réforme des services financiers adoptée par le congrès américain le 12 novembre 1999 et qui vise à moderniser et libérer l’industrie des services financiers de la fragmentation traditionnelle entre l’activité bancaire et le commerce des valeurs mobilières. Elle autorise la création de FHC « Financial Holding Company ». Ces derniers sont de véritables conglomérats financiers qui peuvent détenir des banques, des maisons de titres et des compagnies d’assurance.
Selon Padoa- Schioppa (1999, p.11) : « Il est vrai qu'au lendemain de la crise des années 30, la législation bancaire ait été remodelée afin d’aider à établir une structure oligopolistique permettant la génération de profits suffisants pour protéger l’industrie (bancaire) des pertes ». D’après Dietsch (1993, p.03) : « […]jusqu’au début des années 1980, la réglementation bancaire permettait la couverture des différents risques (risque de crédit, risque de liquidité, risque de taux et risque de transformation) en assurant aux banques une marge d’intermédiation suffisante pour constituer un matelas de sécurité ».
Pour une récente analyse des restructurations bancaires en Europe, voir de Boissieu (2004).
Aux Etats-Unis, des 3996 caisses d’épargne existant en 1980, il n’en restait plus que 2400 au début de l’année 1991. Par ailleurs, sur un total de plus de 13 000 banques, 1296 ont été fusionnées ou liquidées par le FDIC entre 1984 et 1992 (de Carmoy, 1996, p.33). En France, la crise que connaissent les banques à partir de 1992 est surtout liée à la chute des prix de l’immobilier et à la faillite d’entreprises clientes incapables de rembourser leurs dettes du fait de la récession économique. Dans les deux cas, les grandes banques n’ont dû leur salut qu’à une intervention des fonds publics. Aglietta (1997, p.49) chiffre le coût total des crises bancaires américaine (1981-1992) et française (1992-1995) respectivement à 440 milliards de dollars et entre 100 et 280 milliards de francs (ce coût comprend l’aide publique, l’assurance des dépôts et l’aide directe de la BC).