1.2.3. La contraction de la marge d’intermédiation traditionnelle

Un troisieme element permettant de rendre compte du declin de l’intermediation bancaire traditionnelle de bilan, consiste a retracer l’evolution de la profitabilite de l’octroi des credits et de la collecte des depots. cela nous amene a l’analyse de la marge d’intermediation bancaire sur les operations avec la clientele ou « marge sur interets ». cette derniere se calcule de la façon suivante :

Faute de statistiques spécifiques aux seules banques françaises sur ce point, nous aurons recours à des données regroupant l’ensemble des établissements de crédit. Concernant les banques américaines, les chiffres que nous avons pu obtenir couvrent uniquement la dernière décennie.

En France, le graphique n°21 fait apparaître que l’écart entre coûts et rendements moyens des opérations avec la clientèle n’a pas cessé de se réduire régulièrement depuis dix-sept ans. Ainsi, le rendement moyen des crédits a été divisé par deux de 1986 à 2003, passant de 10,98% à 5,72%, soit un déclin global de 5,26 points, ce qui correspond à un taux de régression annuel moyen de –3,8%.

Graphique n°21: Evolution du coût et du rendement moyens des opérations avec la clientèle dans l'ensemble des établissements de crédit en France (1986-2003)
Graphique n°21: Evolution du coût et du rendement moyens des opérations avec la clientèle dans l'ensemble des établissements de crédit en France (1986-2003)

Source : Commission Bancaire, Rapport annuel, exercices 2002, p.210 et 2003, p.102.

Le coût moyen des dépôts de la clientèle a, quant à lui, perdu 1,75 points sur la même période, passant de 4,29% à 2,54%, avec un taux de régression annuel moyen de –3,04%. Au final, la marge bancaire sur les opérations avec la clientèle a chuté de moitié, passant de 6,69% à 3,18% entre 1986 et 2003, soit une baisse annuelle moyenne de –4,28% sur l’ensemble de la période, comme le montre le tableau n°21.

Tableau n°21 : La baisse de la marge bancaire sur les opérations avec la clientèle en France (1986-2003)
Année 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2001 2002 2003
Marge bancaire sur les opérations avec
la clientèle
6,69% 5,79% 5,12% 4,63% 4,14% 3,99% 3,76% 3,71% 3,41% 3,25% 3,18%

Source : Commission Bancaire, Rapport annuel, exercices 2002, p.210 et 2003, p.102.

Il ressort de ce constat que les activités bancaires relevant de l’intermédiation traditionnelle de bilan sont aujourd’hui moins rentables, qu’il y a quinze ans. Parmi les facteurs explicatifs de ce phénomène, on peut citer la concurrence aiguë, d’une part, entre les banques elles-mêmes et, d’autre part, entre les banques et les non-banques. Cette situation tire vers le bas les taux débiteurs et vers le haut les taux créditeurs (en dehors des comptes d’épargne à régime spécial dont les taux sont réglementés). Cela dit, la forte variation des taux d’intérêt sur les marchés de capitaux au cours des dernières années, associée à la mobiliérisation croissante des bilans bancaires, a aussi sa part de responsabilité dans la dégradation de la marge bancaire sur intérêts. En effet, les mouvements adverses de taux d’intérêt (renversement de la courbe des taux) peuvent, selon la structure du bilan, augmenter les charges financières au passif et réduire les recettes d’intérêt à l’actif, tout en dépréciant la valeur marchande de certains postes.

Concernant l’évolution aux Etats-Unis, le graphique n°22 nous indique que les banques américaines affichent des niveaux de marge sur intérêts nettement supérieurs à leurs homologues françaises.

Graphique n°22: Evolution des charges et des produits d'intérêts dans les banques aux Etats-Unis (1992-2003)
Graphique n°22: Evolution des charges et des produits d'intérêts dans les banques aux Etats-Unis (1992-2003)

Source : Données extraites du Banking Performance Summary, Federal Deposit Insurance Corporation, Septembre 2003 ( http://www2.fdic.gov ).

Toutefois, l’écart entre les charges et les produits d’intérêts ne cesse de s’amenuiser là-bas aussi. En effet, le rendement moyen des prêts a baissé de 8,43% à 5,34% entre 1992 et 2003, perdant 3,09 points, soit un taux de régression annuel moyen de –4,1%. Le coût moyen des emprunts a, quant à lui, glissé de 2,5 points sur la même période, passant de 4,02% à 1,52%, soit en termes annuels, un taux de –8,5%.

Au total, la marge bancaire sur intérêts (Net interest margin) des banques américaines a fléchi de 4,41% à 3,82% entre 1992 et 2003, comme le montre le tableau n°22, soit un taux de régression annuel moyen de –1,3%.

Tableau n°22 : La baisse de la marge bancaire sur intérêts aux Etats-Unis (1992-2003)
Année 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Marge bancaire sur intérêts* 4,41% 4,40% 4,36% 4,29% 4,27% 4,22% 4,08% 4,06% 3,94% 3,90% 4,09% 3,82%

Source : Données extraites du Banking Performance Summary, Federal Deposit Insurance Corporation, September 2003 ( http://www2.fdic.gov ).

Somme toute, l’évolution négative de la marge d’intermédiation sur les activités de collecte des dépôts et d’octroi des crédits confirme le déclin de l’intermédiation de bilan traditionnelle au sein des banques françaises et américaines. Afin de conforter davantage ce résultat, nous allons maintenant analyser l’évolution de la part des produits financiers (revenus d’intérêt) dans le produit net bancaire. Cela nous renseignera sur la capacité de l’intermédiation traditionnelle de bilan à rémunérer les facteurs de production dans les banques françaises et américaines.