1.2.4. Le recul de la part des revenus d’intérêts dans le produit net bancaire

Economiquement parlant, le PNB mesure la contribution spécifique des banques à l’augmentation de la richesse nationale et peut en cela être rapproché de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises non financières. C’est également l’indicateur le plus représentatif de la santé financière des banques. En effet, au-delà du recoupement entre les différentes recettes et charges d’exploitation, il permet d’identifier les activités bancaires les plus rentables.

De manière synthétique, le PNB se décompose en deux grandes familles de produits (classification par nature 55 ) : d’une part, les revenus d’intérêts et assimilés (produits financiers nets) et, d’autre part, les commissions et revenus divers (produits non financiers nets). La première composante comptabilise les revenus nets ayant une nature d’intérêt, générés en grande partie par les activités d’intermédiation classique de bilan (opérations avec la clientèle et de trésorerie). La seconde composante, quant à elle, correspond aux rétributions des prestations de services rendus à la clientèle, ainsi que les gains (pertes) sur les activités de négociation (opérations sur produits dérivés) et autres produits accessoires.

Puisque les revenus d’intérêts nets correspondent au solde entre les rendements des prêts (crédits) et les charges financières des ressources (dépôts), nous pouvons donc apprécier l’assise financière de l’intermédiation traditionnelle de bilan en retraçant l’évolution de la part des intérêts nets dans le PNB des banques françaises et américaines. Dans la même perspective, les ratios (intérêts nets/bilan), (intérêts nets/crédits consentis) et (intérêts nets/frais d’exploitation) constituent trois indicateurs complémentaires qui vont nous permettre d’étayer davantage notre analyse.

En effet, le premier ratio nous renseignera sur l’évolution de la rentabilité économique de l’intermédiation traditionnelle. Le second ratio nous permettra de mesurer, plus précisément, l’évolution de la profitabilité de l’octroi des crédits. Enfin, le troisième ratio nous dévoilera la capacité de l’intermédiation traditionnelle à rémunérer les facteurs de production.

Cela étant, avant de commencer notre analyse, quelques précisions sur la méthode de calcul utilisée par l’OCDE pour l’élaboration du compte de résultats des banques françaises et américaines s’impose. Trois grandes raisons nous ont poussées à recourir à cette méthode. D’abord, sa clarté et sa simplicité qui permettent de distinguer facilement les revenus d’intérêts et assimilés des commissions et revenus divers. Ensuite, la dissemblance des méthodes utilisées au niveau national en fonction des autorités bancaires (Commission Bancaire (CB) / Comité de la Réglementation Bancaire et Financière (CRBF) en France, Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) / Federal Financial Institutions Examination Council (FFIEC) aux Etats-Unis).


Enfin, parce que la méthode de l’OCDE autorise une comparaison entre les résultats (homogénéisés) des banques françaises et américaines sur une assez longue période. L’encadré n° 2, ci-dessous, expose les grandes lignes de cette méthode.

Encadré n°02 : Compte de résultats bancaires selon la méthode de l’OCDE

Produits financiers (intérêts reçus)
 Frais financiers (intérêts payés)
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
= Produits financiers nets (1)
+ Produits non financiers nets (commissions et revenus divers) (2)
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
= Produit Net Bancaire (résultat brut)
 Frais d’exploitation (3)
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
= Résultat net
 Provisions nettes
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
= Bénéfice avant impôt


Notes :

(1) Les produits financiers nets comprennent l’ensemble des revenus et des charges d’exploitation sous forme d’intérêts ou de flux assimilés à des intérêts perçus et payés lors :
Des opérations de trésorerie avec les établissements de crédit,
Des opérations avec la clientèle, y compris sous forme de crédit-bail et de location simple,
De la détention ou de l’émission de titres à revenu fixe.

(2) Les produits non financiers nets comprennent :
Les frais et commissions à recevoir,
Les frais et commissions à payer,
Les profits ou pertes nets sur opérations financières (opérations sur titres, instruments financiers à terme, opérations de changes).
Autres (produits et charges d’opérations exceptionnelles, gains ou pertes sur actifs immobilisés).

(3) Les frais d’exploitation comprennent :
Les dépenses en personnel,
Les dépenses en immobilier,
Autres.

Source : OCDE, la « Rentabilité Bancaire », 2002, Note méthodologique.

En France, le graphique n° 23 indique que le poids des intérêts nets dans le PNB des banques est en chute libre 56 . En effet, alors que les revenus d’intérêts représentaient 81% du PNB en 1988, ils ne constituent plus que 37% du PNB en 2001, soit un recul de 44 points en l’espace de treize ans. En termes annuels, cela représente un taux de régression moyen de -5,85%.

Par ailleurs, on constate que rapportés aux crédits consentis, les intérêts nets ont baissé de 4,8% à 2,1% de 1988 à 2001, ce qui montre que les revenus financiers générés par l’activité de prêt ne cessent de s’effriter. La baisse généralisée des taux débiteurs bancaires du fait de la concurrence accrue est l’une des principales causes de cette situation (voir le paragraphe 1.2.2). De même, le rapport (intérêts nets/bilan) a chuté de 1,9% à 0,7% entre 1988 et 2001, ce qui indique le recul de la rentabilité économique des activités génératrices d’intérêts.

Graphique n°23: Evolution de la part des intérêts nets dans les banques en France (Ensemble des banques, 1988-2001)
Graphique n°23: Evolution de la part des intérêts nets dans les banques en France (Ensemble des banques, 1988-2001)

Source : Données extraites des statistiques de l’OCDE sur la « Rentabilité Bancaire », 2002 ( http://www.sourceoecd.org/ ).

Au total, ces indicateurs montrent très clairement que les activités bancaires relevant de l’intermédiation traditionnelle génèrent de moins en moins de revenus, et par conséquent, rémunèrent de moins en moins les facteurs de production. En effet, alors que les revenus d’intérêts couvraient les frais d’exploitation à hauteur de 115% en 1988, ils ne les couvrent plus, désormais, qu’à hauteur de 59% en 2001.

La même tendance baissière est également détectable pour ce qui concerne les banques américaines, comme l’illustre le graphique n°24. En effet, la part des intérêts nets dans le PNB a reculé de 78% à 55% entre 1980 et 2003, soit un taux de régression annuel moyen de –1,51%. Au cours de la même période, le rapport entre les intérêts nets et le bilan a enregistré une évolution mitigée, passant de 2,9% à 3,8% entre 1980 et 1992, puis de 3,8% à 3,2% entre 1992 et 2003.

Cette tendance qui est moins nette que celle observée dans les banques françaises est liée au fait que, contrairement à ces dernières, les revenus d’intérêts baissent moins rapidement dans le PNB des banques américaines.

Toutefois, la baisse soutenue du rapport (intérêts nets/crédits consentis) depuis le début des années quatre-vingt dix, qui passe de 6,3% à 5,4% entre 1992 et 2003, illustre clairement la diminution de la profitabilité de l’activité d’octroi de crédits. De même que la détérioration du rapport (intérêts nets/frais d’exploitation) qui fléchit de 117% à 98% entre 1980 et 2003 indique que les revenus d’intérêts couvrent de moins en moins les frais d’exploitation, d’où la nécessité de trouver de nouvelles sources de revenus en dehors de l’intermédiation traditionnelle.

Graphique n°24: Evolution de la part des intérêts nets dans les banques aux Etats-Unis (Ensemble des banques, 1980-2003)
Graphique n°24: Evolution de la part des intérêts nets dans les banques aux Etats-Unis (Ensemble des banques, 1980-2003)

Source : 1980-2001 : données extraites des statistiques de l’OCDE sur la « Rentabilité Bancaire », 2002 ( http://www.sourceoecd.org/ ); 2002-2003 : données extraites du Historical Statistics on Banking, FDIC ( http://www2.fdic.gov/hsob/ ).

Notes
55.

Une autre classification par activité distingue cinq contributions au PNB : les opérations avec la clientèle, les opérations sur titres, les opérations de trésorerie, les opérations de hors-bilan et les autres opérations d’exploitation.

56.

Les statistiques de l’OCDE sur la France sont établies sur une base sociale – ensemble des établissements de crédit – qui inclue l’activité et les résultats des succursales à l’étranger dont le siège est en France. Les filiales étrangères sont exclues, de même que les succursales d’établissements dont le siège est implanté dans un autre pays de l’Union européenne.