1.1.2. L’origine des coûts de transaction

Les coûts de transaction découlent de facteurs comportementaux caractérisant la nature humaine. Williamson (1987) a bien mis en évidence ces facteurs « béhavioristes » lorsqu’il a placé deux postulats de comportement à l’origine de la théorie des coûts de transaction : la rationalité limitée et l’opportunisme.

Le postulat de rationalité limitée signifie que les individus ne fonctionnent pas selon le modèle de la rationalité pure (williamson, 1998). Ils sont rationnels, au regard seulement de leur capacité à prendre en compte la complexité de leur environnement dans leur processus décisionnel. Mais, ils manquent d’information, sont confrontés à l’incertitude et leurs capacités cognitives sont limitées. Aussi, lorsqu’ils ont une décision à prendre, les agents économiques ne calculent pas toutes les solutions possibles. Ils choisissent communément une solution « satisfaisante » qui n’est pas nécessairement la solution « idéale ».

Williamson développe ce postulat à partir des travaux de son ancien professeur Simon (1955, 1972). Ce dernier considère que pour prévoir la façon dont l’agent économique va se comporter, il faut savoir non seulement qu’il est rationnel, mais aussi comment il perçoit le monde, quelles possibilités il y voit et quelles conséquences il en tire. Aussi, Simon parvient à l’idée que même s’il est intentionnellement rationnel, l’être humain dispose d’une rationalité bornée par ses capacités cognitives.

Le postulat de rationalité limitée explique les obstacles rencontrés par les agents économiques pour élaborer des contrats « complets », prévoyants toutes les éventualités des « états du monde». La firme est alors envisagée comme une solution permettant de repousser les limites de la rationalité « individuelle » et d’accroître le degré de « complétude » des contrats. Williamson reconnaît donc que la firme (résultat) existe comme réponse à des comportements humains déficients (cause).

Chevallier-Farat (1992, p.641) distingue entre deux sortes de rationalité limitée : relative et absolue. Dans le cadre de la première, les agents se heurtent à des limites en essayant de collecter et de traiter des informations nécessaires à leurs échanges. La seconde est liée à l’incertitude qui caractérise les « états de la nature» dans l’avenir. Cela conduit les agents à conclure des contrats imparfaits, ce qui va engendrer des comportements opportunistes avant et durant l’exécution des contrats.

S’agissant du postulat d’opportunisme, il est défini par Williamson comme étant un comportement de recherche de « l’intérêt personnel stratégique » par le moyen de la tromperie, de la ruse, ou par la divulgation d’informations incomplètes ou dénaturées.


Autrement dit, l’opportunisme est un acte de mauvaise foi par lequel un agent dégage un profit individuel supérieur à celui prévu normalement dans l’échange ou dans le contrat (Lobez, 1997, p.141). Williamson distingue l’opportunisme ex ante, c’est-à-dire la volonté délibérée de tromper son cocontractant de l’opportunisme ex post, qui a trait à l’adaptation à une situation non prévisible.

Le postulat d’opportunisme a un caractère « auto-réalisateur » dans le sens où il sous-tend un comportement opportuniste dès lors qu’il existe simplement le risque que certains agents s’y livrent. Si l’intérêt de chacun est d’adopter un comportement opportuniste, l’intérêt de la collectivité dans son ensemble est, en revanche, de se coordonner pour éviter les coûts inutiles liés à l’échange. Au final, le risque d’opportunisme accroît les coûts de transaction. La firme, en favorisant les solutions coopératives, et en contrôlant l’exécution des engagements souscrits, atténue les comportements opportunistes : elle est alors plus efficace que le marché.