a) Rationalité limitée et opportunisme dans une relation de marché prêteur-emprunteur

La relation directe entre prêteur et emprunteur étant une relation humaine, elle est naturellement sujette à la rationalité limitée et à l’opportunisme. Alors que le premier facteur comportemental concerne surtout le prêteur, le second s’attache à l’emprunteur.

La rationalité limitée du prêteur est liée à l’incertitude qui caractérise les états futurs de la nature au moment de la conclusion du contrat de prêt. En effet, d’une part, ce contrat régit une relation qui s’inscrit dans le temps. D’autre part, il porte sur l’échange d’une épargne constituée ex ante par une créance dont la valeur ne se réalisera qu’ex post, au vu de la situation financière et de la solvabilité de l’emprunteur. Le fait que plusieurs paramètres futurs déterminants (évolution des taux d’intérêts, de l’inflation, du risque de signature de l’emprunteur, etc.) soient incertains et difficilement probabilisables au moment de la conclusion du contrat, rend donc celui-ci incomplet, dans le sens où il ne peut prendre en compte toutes les éventualités possibles.

S’agissant de l’opportunisme de l’emprunteur, il est suscité par la tentation d’un gain supérieur à ce que prévoit le contrat. En effet, l’emprunteur peut être attiré par le non-remboursement (total or partiel) du prêt ainsi que par la réaffectation des fonds, à l’insu du prêteur, vers une utilisation (souvent plus risquée) autre que celle prévue par le contrat.

Au regard des éléments précédents, il apparaît donc que la relation classique prêteur-emprunteur est bien sujette à la rationalité limitée et à l’opportunisme, d’où l’existence de coûts de transaction.

L’apparition d’une banque est alors économiquement justifiée, puisqu’en internalisant cette relation de marché, la banque peut élargir la rationalité limitée du prêteur (grâce à sa spécialisation et son savoir-faire) et limiter les comportements opportunistes de l’emprunteur (grâce au monitoring). Par ailleurs, la mutualisation du risque d’insolvabilité des emprunteurs, par le biais de la multiplication et de la diversification des opérations de prêt, permet de réduire le degré de l’incertitude (Couppey, 1998, p.60).