Benston et Smith (1976) sont les premiers à avoir appliqué, de façon élaborée, la notion de coûts de transaction à la banque et aux autres intermédiaires financiers. En effet, comme le signale ces auteurs (p.215, p.217) : ‘«’ ‘ La raison d’être de l’industrie (financière) est l’existence de coûts de transaction […] Dans un marché parfait exempt de frictions comme les coûts de transaction, d’information et d’indivisibilité, les intermédiaires financiers n’existeraient pas ’ ‘»’ ‘. ’
Ces auteurs distinguent trois grandes catégories d’intermédiaires financiers. D’abord, ceux qui centralisent et confrontent les offres et les demandes d’actifs financiers (les market makers).
Ils procurent un lieu d’échange, mais ne créent pas d’actifs financiers. Le New York Stock Exchange est l’exemple type de ce genre d’intermédiaires (qui recouvre ce qu’on appelle aujourd’hui les marchés organisés). Ensuite, ceux plus « sophistiqués » qui prennent des positions risquées en achetant et revendant des actifs (les dealers), à l’exemple des maisons de titres (market specialist on a securities exchange). Enfin, ceux plus « complexes » qui créent des actifs financiers à l’image des banques et des Mutual Funds.
Les auteurs se focalisent sur cette troisième catégorie d’intermédiaires financiers qui, selon eux, dispose d’importants avantages comparatifs par rapport aux marchés financiers dans la fourniture d’actifs spécifiques, permettant aux agents économiques de mieux répartir leurs décisions de consommation à travers le temps. L’objectif poursuivi est de montrer qu’en acquérant les actifs de ces intermédiaires, les agents économiques réduisent les coûts de transaction liés aux décisions de consommation inter et intra-temporelles.
Les agents économiques sont donc appréhendés uniquement comme des consommateurs cherchant la maximisation de leur fonction d’utilité. Ils peuvent consommer plusieurs biens et services, à n’importe quel moment du temps et selon des états du monde différents. En fonction de leurs préférences intra et inter-temporelles de consommation, ces agents vont détenir des actifs financiers directs et/ou intermédiés.
Dans un premier temps, les auteurs s’intéressent aux décisions de consommation inter-temporelles. Les coûts de transaction sont alors ignorés provisoirement. Le recours au modèle de Sharpe-Lintner-Treynor-Mossin connu sous le nom de CAPM (Capital Asset Pricing Model), soit en français MEDAF (Modèle d’Evaluation des Actifs Financiers) fournit la solution optimale aux problèmes de consommation inter-temporelle des agents. En effet, ce modèle donne la combinaison idéale d’actifs risqués et non risqués correspondant au plan de consommation inter-temporelle de chaque agent (sur au moins deux périodes), de sorte à maximiser son utilité. Toutefois, la prise en compte des coûts de transaction amène les auteurs à trois résultats :
Les auteurs en déduisent qu’en détenant un portefeuille d’actifs financiers intermédiés, les agents accroissent leur fonction d’utilité du fait de la moindre importance des coûts de transaction, comparativement à un portefeuille d’actifs de marché. Dans un second temps, les auteurs s’intéressent à la consommation intra-temporelle.
Ils montrent que les agents cherchent à détenir des actifs liquides et facilement transformables en biens de consommation à moindres coûts de transaction.
Etant donnée la corrélation généralement négative entre la liquidité et le rendement espéré, les agents économiques détiendront un portefeuille d’actifs de telle sorte que le bénéfice marginal tiré de l’accroissement de la liquidité des actifs (de la baisse des coûts de transaction) soit égal au coût marginal lié à la baisse du rendement espéré. Les dépôts et les crédits bancaires sont alors considérés comme étant les actifs répondant le mieux au besoin de liquidité à moindres coûts.
En effet, à la différence d’un bon du Trésor qui doit être transformé en numéraire avant toute consommation, le dépôt à vue bancaire permet de consommer directement, par simple émission de chèques et sans frais notables. De même, un crédit bancaire offre une plus grande flexibilité de consommation à un emprunteur, contrairement à un titre de dette qui l’oblige souvent à emprunter un montant minimum pour une période relativement longue, chose qui ne correspond pas nécessairement à ses préférences de consommation.
Donc, les banques répondent parfaitement aux besoins de consommation intra-temporelles des agents économiques à travers la fourniture’« d’unités dotées d’un pouvoir d’achat généralisé » (units of generalized purchasing power) pouvant être instantanément transformées en biens et services, à moindres coûts de transaction et à la convenance de ces agents (en montant et au moment désirés). L’offre de produits financiers (financial commodities) par les banques est expliquée par l’avantage comparatif que celles-ci détiennent en matière de traitement des documents (processing documents), d’acquisition d’information sur les emprunteurs (monitoring) et de gestion des paiements.
Trois éléments expliquent cet avantage comparatif. Premièrement, la réalisation d’économies d’échelle liées à la spécialisation et à la grande quantité d’actifs traités, ainsi que d’économies de production jointe liées à la diversification des actifs 78 . Deuxièmement, la confidentialité des rapports entre les banques et leurs clients, qui permet de soutirer d’importantes informations à moindres coûts.
Troisièmement, la réduction des coûts de transaction liés à la recherche d’un cocontractant, les agents économiques pouvant trouver les actifs qui répondent à leurs besoins auprès de la même banque (ce qu’on appelle communément le one stop shop).
Au final, malgré certaines critiques comme l’absence d’explicitation de la notion de coûts de transaction, la contribution de Benston et Smith (1976) a permis de rationaliser le rôle économique des intermédiaires financiers, parmi lesquels les banques, eu égard à cette notion. Ainsi, ces intermédiaires offrent des actifs financiers qui permettent aux agents économiques d’échelonner leur consommation inter et intra-temporelle, en fonction de leurs préférences.
Ces agents feront appel à ces actifs intermédiés tant que les coûts de transaction et de production de ces actifs seront inférieurs à ceux du marché financier. Toute modification d’ordre technologique, réglementaire ou autre affectant ces coûts, peut alors être à l’origine de la recomposition du portefeuille de ces agents au profit des actifs directs du marché.
Selon Benston et Smith (1976, p224), les banques égalisent rendement marginal de la diversification et coût marginal d’une moindre spécialisation.