Les économistes sont unanimes sur le fait que les importants changements survenus au cours des deux dernières décennies au niveau de la sphère financière, en l’occurrence, la libéralisation, la mondialisation, la globalisation, les innovations et surtout l’incorporation des NTIC, ont débouché sur une baisse généralisée des coûts de transaction et des asymétries d’information.
Intéressons-nous d’abord à la baisse des coûts de transaction. Il faut d’abord rappeler qu’une transaction correspond à un échange commercial sur le marché (au sens large), échange qui suppose un contact entre des contractants potentiels, et nécessite du temps et des frais pécuniaires qu’on qualifie souvent de coûts de transaction.
Ces derniers ont été fortement réduits ces dernières décennies du fait de l’utilisation généralisée de NTIC dans les différents secteurs économiques. A titre indicatif, dans un rapport annuel de 1995 87 , la Banque Mondiale note, que le coût du traitement de l’information et des télécommunications de longue distance a baissé d’une manière considérable depuis le début des années quatre-vingts. Ainsi, le prix d’un ordinateur a, par exemple, chuté de 28% en moyenne par an entre 1982 et 1988 (en termes réels). Si le traitement de l’information coûtait 100 en 1975 (avec 100 = 1 dollar par instruction à la seconde), il coûtait 0,01 en 1995. Par ailleurs, un appel téléphonique de 3 minutes de New York à Londres qui coûtait l’équivalent de 40 dollars (de 1990) en 1970, coûtait 3,3 dollars en 1990. Il va de soit que ces chiffres sont aujourd’hui désuets vu l’accélération des innovations technologiques au cours des dernières années.
Plusieurs auteurs se sont intéressés aux effets des innovations technologiques sur les coûts de transaction. Par exemple, Gurbaxani et Whang (1991) montrent comment l’informatique a considérablement fait baisser les coûts de transaction et de coordination entre les acteurs du marché. Plus précisément, l’informatique a permis de diminuer :
Les auteurs relèvent, par ailleurs, que l’informatique accroît les économies d’échelle et d’envergure du fait, notamment, des usages multiples de la même information et des mêmes équipements et logiciels. En outre, elle permet une forte baisse des coûts de traitement des transactions et des ordres d’achat et de vente sur les marchés.
Il est clair que les NTIC ont modifié en profondeur le fonctionnement (microstructure et macrostructure) des marchés financiers, à tel point que l’on voit se multiplier des marchés financiers totalement électroniques. De par leur nature, ces derniers supportent, d’un côté, des coûts de fonctionnement moindres que les marchés traditionnels, étant donnés, entre autres, le nombre réduit de leur personnel et l’absence d’infrastructures physiques lourdes.
D’un autre côté, ils offrent d’importants avantages à leurs utilisateurs comme par exemple : La rapidité d’exécution, la puissance de traitement, l’automatisation des opérations, la souplesse d’utilisation et la réduction des risques opérationnels (erreurs humaines).
Dans le même ordre d’idées, les NTIC sont à l’origine de la montée en puissance de courtiers électroniques, profession traditionnellement soumise à une très forte pression concurrentielle, ce qui a significativement réduit les frais de courtage. Au total, le « ticket d’entrée » aux différents marchés financiers est désormais à la portée de la grande majorité des investisseurs individuels.
Dans une récente étude empirique, Domowitz (2002) montre que les marchés financiers électroniques réduisent considérablement les coûts de transaction des opérateurs. A une première question – l’adoption de systèmes automatisés de négociation des ordres se traduit-elle par une réduction des coûts pour les opérateurs ? – l’auteur répond par l’affirmative. Ses résultats sont basés sur des régressions transversales multi-pays des coûts de transaction sur la volatilité, le volume d’activité, la capitalisation boursière et une variable latente, qui est un indice du degré d’automatisation de l’exécution des ordres. Ils montrent que l’automatisation des opérations a donné lieu à une réduction des coûts de transaction de l’ordre de 33 à 46 points de base.
Dans le même cadre Domowitz et Steil (1999) avaient déjà montré que les coûts fixes associés à la mise en place de systèmes automatisés de négociation (qui vont de 10 à 100 millions de dollars) sont bien inférieurs à ceux des marchés à la criée (qui vont de 200 à 400 millions de dollars).
A une seconde question – par quels mécanismes les systèmes automatisés font-ils baisser les coûts de transaction ? – l’auteur répond : par la « gestion stratégique de la liquidité ». Cette dernière consiste à faire en sorte que les ordres soient exécutés aux moments de la journée où l’activité est plus intense et le marché plus profond. Dans ce cadre, l’utilisation d’un carnet d’ordres électronique facilite les choses en permettant d’évaluer la liquidité en temps réel et en rendant moins coûteux le suivi du marché.
Au final, les résultats de Domowitz (2002) corroborent ceux déjà obtenus par des auteurs comme Pagano et Röell (1990), Pirrong (1996) et Schack (1999).
S’agissant de la baisse des asymétries d’information sur les marchés financiers, on note de prime abord que l’information financière tend à devenir collective et à se démocratiser. En effet, les agents économiques peuvent de nos jours accéder à ce genre d’information très facilement. Par exemple, sur les marchés organisés, des règles strictes obligent les intervenants (firmes) à divulguer certaines informations (bilans, comptes résultas, etc.) au grand public.
Par ailleurs, une variété considérable d’agences de rating (Moodys, S&P,…), d’organismes de traitement de données (Lexis/Nexis, Datastream, Dafsa,…) et d’agences d’information (Reuters, Bloomberg…) fournissent ce genre d’information à moindre coût, voire gratuitement (Bernou et Saidane, 2000, p. 22). Pour ces prestataires, la possibilité d’extraire, de traiter, de manipuler et de transmettre d’importantes masses de données, à des coûts faibles, a permis la réalisation d’importantes économies d’échelle et d’envergure.
Au total, l’utilisation des NTIC a permis d’augmenter exponentiellement la masse d’information mise simultanément à la disposition des acteurs du marché financier, élément qui rend l’hypothèse néoclassique d’information parfaite de plus en plus réaliste.
De ce qui précède, il est indéniable que les coûts de transaction et les asymétries d’information qui pénalisaient autrefois le recours des agents aux marchés financiers traditionnels, ont significativement baissé ces dernières années, suite notamment aux avancées technologiques. Ce constat remet-il en cause le cadre théorique conventionnel qui fait émerger de la banque à partir des arguments de coûts de transaction et d’asymétries d’information ? C’est ce que nous allons voir dans ce qui suit.
Global Economic Prospects and the developing countries.