Plusieurs auteurs se sont focalises sur la gestion microeconomique des risques financiers pour expliquer l’activite des banques. Selon kaufman (1998, p.08), si celles-ci s’exposent volontairement a certains risques, c’est qu’elles pensent mieux les assumer que tout autre agent economique. Ce sentiment serait lie a un avantage comparatif en matiere d’expertise, d’ingenierie et de monitoring, developpe au cours d’un long processus evolutionniste 97 .
Ceci expliquerait le fait que les banques proposent leurs services a des agents economiques moins armes et/ou plus averses a l’egard des risques, contribuant de la sorte a l’efficience economique. D’ailleurs, certains economistes vont jusqu’a affirmer que sans l’intervention des banques, beaucoup de transactions n’auraient surement pas lieu, etant donnes, la mefiance, l’opportunisme et l’aversion differenciee aux risques des agents economiques (williamson, 1986, p.168).
Telle est egalement la position de de boyer (1998, p.272, p.283) qui note qu’en offrant des depots a vue, les banques emettent des monnaies-dettes pour faciliter les echanges et supportent les risques y afferents a la place des individus.
Mais, en realite, elles ne parviennent a reduire l’exposition de leurs clients aux risques, notamment de contrepartie et d’illiquidite, que dans la mesure ou elles limitent leur propre exposition a ces memes risques.
Il revient a pyle (1971) et hart et jaffee (1974) d’avoir les premiers appliques les enseignements de la theorie des choix de portefeuille 98 a la banque et aux autres intermediaires financiers. Par la suite, d’autres auteurs, a l’instar de kahane (1977), koehn et santomero (1980), kim et santomero (1988), rochet (1992), caprio (1996), ont approfondi cette demarche.
La theorie des choix de portefeuille est basee sur deux grands principes. D’une part, le risque represente le principal moteur de la diversification. D’autre part, chaque gestionnaire de portefeuille recherche la meilleure rentabilite esperee. Pour cela, il doit prendre deux decisions distinctes. D’abord, choisir la proportion du portefeuille qui va etre composee d’actifs a risque, ce qui va determiner l’ampleur de sa preference pour la liquidite. Puis, une fois le niveau de risque fixe, selectionner les titres a risque parmi l’ensemble de ceux qui sont proposes par les emetteurs.
Pyle (1971) considere que la caracteristique essentielle d’une banque est d’emettre des dettes sur elle-meme et d’utiliser les fonds ainsi leves pour acquerir d’autres actifs financiers. Il cherche alors a savoir sous quelles conditions il est rentable pour une banque de vendre des engagements sous forme de depots pour acquerir des emplois sous forme de credits.
Afin de repondre a cette question, pyle developpe un modele dans lequel la banque est assimilee a un gestionnaire de portefeuille averse au risque. Elle poursuit la maximisation de sa fonction d’utilite au regard de trois possibilites (titres) de placement : deux actifs risques aux rendements incertains, en l’occurrence, des credits et des depots, et un actif sans risque assimile a des reserves liquides 99 . La banque est supposee intervenir dans un univers incertain et parfaitement concurrentiel.
A partir d’une richesse ou d’un capital initial, la banque doit choisir la composition de son portefeuille, de sorte a maximiser sa fonction-objectif qui prend la forme d’une fonction d’utilite concave. Celle-ci est croissante de l’esperance de rendement du portefeuille et decroissante de sa variance. La banque vend des depots (traites comme des actifs negatifs) assurant aux souscripteurs un taux de rendement incertain, au moment de la transaction, dans le but d’acquerir des credits (actifs positifs) dont le taux de rendement est egalement incertain au moment de l’operation.
Pyle compare la valeur des actifs achetes (credits) et des actifs vendus (depots) par la banque, en fonction des rendements esperes, en debut et en fin de periode. Il releve que les conditions necessaires et suffisantes de profitabilite de l’intermediation bancaire sont obtenues si la prime de risque servie sur les depots est negative et que celle servie sur les credits est positive ; toutes choses egales par ailleurs, s’il existe une difference positive entre taux debiteurs et crediteurs (une marge d’intermediation positive), les rendements des credits et des depots etant independants ou pas. Toutefois, lorsque ces rendements sont interdependants (soit positivement correles), les conditions d’intermediation deviennent encore plus favorables.
Malgré les riches enseignements du modèle de Pyle qui contribuent à une meilleure compréhension de l’activité d’intermédiation bancaire axée sur la collecte de dépôts et l’octroi de crédits, il n’échappe pas à certaines critiques.
Ainsi, Baltensperger (1980, pp.25-28) regrette la non prise en compte des contraintes inhérentes à l’activité d’intermédiation bancaire comme les coûts de transaction et d’information, les coûts de production, le risque d’illiquidité ainsi que le risque d’insolvabilité. En outre, il souligne qu’aucune explication n’est donnée quant à l’origine du différentiel d’intérêt qui existe entre les dépôts et les crédits sur le marché financier.
Autrement dit, pourquoi des déposants accepteraient-ils un taux d’intérêt créditeur inférieur à celui que la banque pourrait elle-même obtenir ? De même, pourquoi des emprunteurs accepteraient-ils de payer un taux d’intérêt débiteur supérieur à celui que la banque devrait elle-même payer pour se financer ? Seule la différence d’aversion pour le risque entre la banque et les agents non financiers permet d’expliquer que des arbitrages n’effacent pas le différentiel de taux d’intérêt qui bénéficie à la banque.
D’après Baltensperger (1980, p.27), ce différentiel qui est exogène dans le modèle de Pyle, serait vraisemblablement dû à des problèmes de coûts de transaction et d’information.
Hart et Jaffee (1974) ont également essayé d’expliquer le comportement d’une banque à travers les enseignements de la théorie des choix de portefeuille. Dans leur modèle, la banque est aussi appréhendée comme un intermédiaire financier qui émet des engagements sur lui-même (dépôts) et acquiert, en contrepartie, des titres primaires sur le marché financier. Les auteurs développent un modèle qui se veut à la fois plus complet et plus réaliste que celui élaboré par Pyle (1971).
Dans leur modèle, la banque a le choix entre n actifs et m passifs. Elle se comporte comme un gestionnaire de portefeuille qui cherche à maximiser sa fonction d’utilité dans un environnement concurrentiel et sous trois principales contraintes. Premièrement, la gamme de titres disponibles sur le marché financier est déterminée par des considérations institutionnelles exogènes aux acteurs : la réglementation. Deuxièmement, la banque ne peut pas revendre ses actifs dans le CT. Troisièmement, la banque est tenue de détenir des réserves obligatoires liquides.
Dans leur analyse, Hart et Jaffe notent qu’une banque dispose d’une « richesse nette » (fonds propres) très limitée, relativement au total de ses engagements. C’est pourquoi, ils préfèrent considérer que cette richesse nette est égale à zéro. Par ailleurs, comme dans le modèle de Pyle, les actifs bancaires sont traités comme des titres à rendement positif, tandis que les passifs bancaires sont considérés comme des titres à rendement négatif (le portefeuille de la banque n’est autre que son bilan). Les auteurs déterminent alors le portefeuille optimal de la banque en fonction des rendements espérés et d’une matrice de variance-covariance. La banque est supposée être quantity-setter et non price-setter. Autrement dit, elle détermine la quantité des titres composant son portefeuille en fonction des prix du marché, sur lesquels elle n’a aucune influence (elle est price-taker).
Le résultat majeur du modèle de Hart et Jaffee est l’existence d’un « théorème de séparation ». D’après ce théorème, la décision concernant la proportion relative des actifs risqués dans le portefeuille est, d’une part, indépendante des paramètres de la fonction d’utilité de la banque et, d’autre part, indépendante de la décision relative à la taille du portefeuille.
Freixas et Rochet (1997, p.239) soulignent les limites du modèle de Hart et Jaffee (1974), et plus généralement, l’application de la théorie des choix du portefeuille à la banque. Parmi ces limites, le traitement réservé aux fonds propres de la banque.
En effet, il semble contradictoire de calculer une fonction d’utilité conforme à l’intérêt des actionnaires alors que le capital de la banque est supposé nul. Si cependant, ce capital est traité comme un élément du passif, il doit figurer parmi les choix de portefeuille de la banque et ne pas être traité comme une variable exogène au modèle.
Par ailleurs, lorsque la possibilité que la banque fasse faillite est prise en compte, la symétrie entre ses actifs et ses passifs est rompue. Il n’est, en effet, plus possible d’assumer que le taux de rendement demandé par les créanciers de la banque soit indépendant des actifs choisis par celle-ci, dès lors que ces derniers affectent la probabilité de faillite de la banque.
Au total, la théorie des choix de portefeuille analyse le comportement de la banque comme celui d’un gestionnaire de portefeuille ordinaire, sans pour autant justifier son existence. Par ailleurs, les actifs et passifs bancaires sont appréhendés comme des titres standards du marché, et sont dépourvus de tous les éléments qui font leur spécificité (risque d’illiquidité, de contrepartie, etc.).
Nous ne nous attarderons pas davantage sur la gestion des risques par la banque, puisque ce point sera détaillé dans le dernier chapitre relatif aux fondements de la réglementation bancaire.
Kaufman (1998, p.08) : « Banks undertake some or all of these risks because they believe that they can manage them better than others; that is because they believe that they have a comparative advantage arising from greater knowledge and expertise in both measuring and managing the risks involved [… ]As a result, the banks believe that they can sell their risk-taking services for more than expected losses and generate a positive return on average».
Développée grâce aux travaux précurseurs de Markowitz (1952, 1959), Tobin (1958, 1965), et Sharpe (1964).
Il serait plus correct de parler d’actif à faible risque, celui-ci étant, au moins, affecté par l’inflation et sujet à un coût d’opportunité.