2.2.2. Les activités de hors-bilan : des activités hors intermédiation financière

Comme le soulignent Courbis, Froment et Karlin (1990, p.1592) : ‘«’ ‘ L’intermédiation est assurée par une tierce personne, l’intermédiaire financier, dont la raison d’être est d’apporter un plus à deux autres personnes ’ ‘»’ ‘.’

Or, dès lors que le rôle de la banque ne consiste plus à s’interposer entre deux autres agents, mais à fournir, via une relation de clientèle bilatérale, des services comme : le conseil, l’expertise financière, l’introduction en bourse, la gestion de portefeuille, les engagements de signature, les montages financiers, les produits dérivés, le traitement de données, etc., pourquoi chercher à analyser ce rôle à la lumière de la théorie de l’intermédiation financière ? Ne serait-il pas plus simple de considérer la banque comme une entreprise offrant à la fois des services d’intermédiation et des services hors intermédiation ?


Courbis, Froment et Karlin (1990, p.1604) se posent eux-même la question : ‘«’ ‘ La théorie de l’intermédiation financière s’est en effet constituée pour analyser des actifs financiers qui, au-delà de leur diversité (actions, obligations, bons, crédits, dépôts à terme, monnaie, réserves techniques d’assurance…), ont tous la caractéristique commune d’être inscrits à la fois au passif d’un émetteur et à l’actif d’un détenteur, d’être des éléments de bilan. Cette théorie reste-t-elle pertinente pour analyser d’un point de vue macro-économique des éléments hors-bilan ? ’ ‘»’ ‘.’

A notre sens, si l’on veut capturer la véritable nature de l’activité des banques contemporaines, il est nécessaire d’aller au-delà de la grille de lecture en terme d’intermédiation financière.

D’ailleurs, cette nouvelle vision de la banque fait aujourd’hui son chemin auprès de certains économistes comme Cappelle-Blancard et Couppey-Soubeyran, (2004, p.46), pour qui : ‘«’ ‘ La banque apparaît, de plus en plus, comme une entreprise de services et de gestion des risques adossée au marché de capitaux ’ ‘»’ ‘.’

Lewis (1992) est sûrement l’un des premiers à avoir saisi cette nouvelle orientation et à relever l’existence d’un énorme décalage entre la « théorie bancaire » et la « pratique bancaire ». En effet, la première reste focalisée sur l’intermédiation financière, tandis que la seconde s’engage de plus en plus dans des activités hors intermédiation.

Parmi les éléments qui semblent expliquer ce décalage, le fait que la quasi-totalité des économistes ne s’intéressent qu’aux bilans bancaires, alors que les nouvelles activités n’y apparaissent pas. Et pour cause, elles ne correspondent pas aux règles de comptabilisation conventionnelles comme éléments de l’actif ou du passif.

C’est pourquoi, Lewis regroupe l’ensemble de ces nouvelles activités hors intermédiation au sein du hors-bilan bancaire. Celui-ci prend alors toute sa consistance en tant que nouveau moteur de la rentabilité bancaire. Le tableau qui suit permet de visualiser l’essentiel de ces activités.


Tableau n°27 : Représentation du hors-bilan bancaire
Actifs Contingents Services Financiers

Engagements de financement
Facilités de découvert
Lignes de crédit de substitution
Lignes de substitution de billets de trésorerie
Lignes de crédit stand-by
Lignes de crédit renouvelable
Accords de dépôt réciproque
Accords de réméré
Facilités d’émission de titres

Engagements de garantie
Acceptations
Cautions
Ventes avec réméré
Lettres de crédit stand-by
Lettres de crédit documentaire
Warranties & indemnities
Avals et endos

Produits dérivés
Forwards
Futures
Swaps
Options
Dérivés de crédits
Caps
Floors
Collars

Activités d’investissement

Garanties d’émission
Concession et placement de titres
Opérations sur or et valeurs précieuses
Tenue de marché (Market-making)



Services liés aux prêts
Montage de crédits
Services de renégociation
Services de refinancement
Direction de syndicats de prêts
Loan Pass-throughs (titrisation)
Ventes ferme de prêts (titrisation)

Services de fiducie et de conseil
Gestion de portefeuille et de fortune
Gestion immobilière
Gestion de plans de retraite
Conseil en investissement et placement
Conseil en fiscalité
Garde de valeurs mobilières
Services extraterritoriaux (Offshore)

Services de courtage et d’agence
Courtage de valeurs mobilières
Courtage pour OPCVM
Courtage d’assurance
Courtage d’assurance-vie
Agence immobilière
Agencier en immobilier
Agencier en voyage

Services de paiement
Traitement de flux (données)
Services de compensation
Services de règlement-livraison
Services liés aux moyens de paiement
Services liés aux NTIC (banque directe)

Services Import / Export
Services de correspondance
Conseil en commerce international
Assurance-export
Echanges compensés

Source : Etabli d’après Lewis (1992, p.222).

On peut aisément constater que plusieurs des activités représentées dans le tableau précédent apparaissent uniquement sous forme de commissions et autres revenus au niveau du compte de résultats.

Aussi, si l’on veut donner une image fidèle des pratiques bancaires modernes, il semble aujourd’hui fondamental d’attribuer une nouvelle dimension au hors-bilan dans la théorie bancaire. A ce titre, plus de travaux sont nécessaires pour mettre en relief la nature des activités hors intermédiation, leurs fondements théoriques, leurs effets sur le rôle des banques dans l’économie, etc.

De ce qui précède, on peut envisager une nouvelle représentation de l’activité bancaire telle que le montre la figure qui suit.

Figure n°04 : Représentation fonctionnelle de l’activité bancaire
Figure n°04 : Représentation fonctionnelle de l’activité bancaire

Source : Etabli par l’auteur.

La banque apparaît comme une activité organisée autour de deux grands pôles : les activités d’intermédiation et les activités hors intermédiation. Au sein des premières, on peut distinguer l’intermédiation de bilan qui génère des revenus essentiellement sous forme d’intérêts, et l’intermédiation de marché qui génère des revenus essentiellement sous forme de spread (écart entre prix d’achat et prix de vente).


Les activités hors intermédiation, quant à elles, génèrent des revenus essentiellement sous forme de commissions. Ainsi, la nature des revenus générés (intérêts, spread, commissions) nous semble représenter un bon critère d’identification des diverses activités exercées par la banque.

Cela étant, il faut souligner que nombre d’activités hors intermédiation dépendent largement des activités d’intermédiation. Par exemple, les services de paiement, la titrisation, les engagements de signature et de garantie n’existent qu’au regard des activités traditionnelles de collecte des dépôts et de distribution des crédits. Aussi, dire que les activités hors intermédiation pourraient un jour remplacer les activités d’intermédiation relève de la méconnaissance de la réalité de ces activités. Au vu de ces nouveaux éléments, nous allons maintenant réexaminer la question de la spécificité des banques.