b) L’approche en terme de gestion des risques

Dans le cadre de cette seconde approche, les auteurs tentent de savoir qui, des banques ou des marchés financiers, mettent en oeuvre les mécanismes les plus efficaces de gestion des risques. Les travaux d’Allen et Gale figurent parmi les plus élaborés en la matière. C’est pourquoi, nous limiterons notre analyse à ces derniers.

Allen et Gale (1995) comparent deux systèmes financiers, l’un fondé sur la banque (l’Allemagne) et le second fondé sur le marché financier (les Etats-Unis). Les auteurs effectuent cette comparaison au regard d’une grille d’analyse comprenant plusieurs éléments, parmi lesquels, la gestion des risques financiers. Ils constatent qu’un système financier fondé sur le marché permet une meilleure répartition de ces risques en coupe instantanée, c’est-à-dire, à un moment précis du temps (Cross-sectional risk-sharing). En revanche, un système financier fondé sur la banque permet une meilleure répartition des risques en série chronologique (Intertemporal risk-sharing).

Cela signifie que, comparativement à la banque, le marché financier offre un éventail plus large d’actifs destinés à la gestion des différents risques. Toutefois, il se caractérise par une mémoire courte et discontinue, alors que la banque a une mémoire longue et continue. En outre, cette dernière serait mieux équipée pour réaliser des engagements à LT (du fait de la relation de clientèle), ce qui lui permet d’effectuer une « lissage intergénérationnel » (Intergenerational Smoothing) des richesses et des risques.


En effet, d’après Allen et Gale, la banque offre une assurance contre la fluctuation des prix d’actifs à travers la compensation, dans le temps, entre les pertes et les gains réalisés sur ses actifs. En proposant des contrats de dépôt (pas nécessairement identiques) à plusieurs générations, elle peut leur assurer un rendement uniforme sur le LT : Cela correspond à un « optimum de Pareto presque uniforme » (Almost Uniform Pareto Improvement). Autrement dit, la banque « comble le vide entre les générations successives », contrairement au marché qui n’offre aucun mécanisme en la matière (Allen et Gale, 1995, p.191).

Dans un autre article, Allen et Gale (1997) reprennent l’ensemble de ces idées à travers un modèle théorique. Ils montrent que les risques qui ne peuvent être diversifiés à un moment donné du temps, peuvent être égalisés à travers le temps, de façon à réduire leur impact sur le bien être des agents concernés. La meilleure stratégie pour gérer un risque non diversifiable (les auteurs retiennent l’exemple d’un choc pétrolier qui affecte la valeur des actifs financiers) est de le répartir entre les générations. Or, la banque représente l’institution la mieux placée pour mettre en oeuvre cette stratégie.

Au total, Allen et Gale (1997) affirment que l’architecture optimale du système financier est celle qui allie efficacement banques et marchés financiers. Les premières apparaissent plus adaptées pour gérer les risques à LT (Intertemporal risk-smoothing), tandis que les seconds sont plus à même, de par la diversité de leurs instruments, de gérer les risques à CT (Cross-sectional risk-sharing).

En dehors de ce cadre, il convient de rappeler que la banque peut endogénéiser les risques (d’illiquidité, de contrepartie, de taux, etc.) grâce au principe de mutualisation et à la loi des grands nombres. En fait, elle met en « pool » différents actifs financiers à risques « indépendants », ce qui lui permet de réduire le risque unitaire par actif. De son côté, le marché ne peut que transférer les risques entre des agents économiques co-contractants. Toutefois, cela ne signifie aucunement que la banque élimine les risques. Au plus, elle réduit leur probabilité d’occurrence et, à une moindre échelle, leur ampleur.

Quoi qu’il en soit, il est de plus en plus évident que les banques et les marchés financiers se complètent au niveau de la gestion des risques. L’explosion des engagements sur produits dérivés au niveau des hors-bilans bancaires montre bien que les banques font désormais largement appel aux marchés financiers pour gérer certains de leurs risques.

De même, les marchés financiers se trouvent moins exposés au risque d’illiquidité grâce à l’intervention des banques en qualité de teneur de marché et de contrepartiste.