La production est l’acte de produire, son résultat est le produit : bien ou service. Le concept de production a toujours été au centre de l’analyse économique, et sa définition a donné lieu à de grandes controverses entre les courants théoriques. Les physiocrates, par exemple, soutenaient que seul le travail agricole avait ce caractère, alors qu’Adam Smith élargissait le terme à tout travail fournissant une utilité et transitant par le marché.
C’est sans doute à l’époque des classiques puis néoclassiques, et notamment à la suite des travaux de Ricardo, Von Thünen, Marshall, Walras et bien d’autres, que le concept de production va acquérir un statut spécifique. Il va alors prendre l’image d’un processus au cours duquel, plusieurs lois techniques et économiques vont être imbriquées pour générer un résultat donné. La théorie de la production va ainsi devenir une importante branche de l’économie industrielle et va connaître un grand essor.
Il revient à Frisch (1965) d’avoir établi les bases modernes de la « théorie de la production » (titre de son ouvrage). Il donne deux définitions au terme de production : économique et technique.
Au sens économique, la production fait référence « à l’entreprise de créer un produit de valeur plus élevée que les inputs originels 107 » (Frisch, 1965, p.08).
Au sens technique, la production correspond à « un processus de transformation […] au cours duquel certaines choses (biens ou services) qui entrent dans le processus, perdent leur identité et cessent d’exister dans leur forme originale, tandis que d’autres choses (biens ou services) apparaissent et émergent du processus. La première catégorie représente les facteurs de production (inputs), tandis que la seconde les produits (outputs) 108 » (Frisch, 1965, p.03).
La transformation comprend une série de tâches, mais elle n’implique pas nécessairement une modification des caractéristiques intrinsèques ou physiques des inputs. Il peut s’agir d’un simple déplacement (changement de lieu), d’un tri ou encore d’une conservation à travers le temps. On peut schématiser le processus de production comme suit :
Source : Etabli par l’auteur.
Si l’on s’intéresse maintenant aux coûts des facteurs de production, on peut distinguer, d’une part, des coûts variables (matières premières, travail, capital, etc.) dont le volume est pratiquement proportionnel à la production et suit ses variations et, d’autre part, des coûts fixes (équipements, installations, etc.) qui ne varient pas avec la variation de la production. Une autre classification permet de distinguer des coûts directs, qui permettent d’affecter chaque élément d’input à une unité d’output déterminée (quantité de matières premières, heures de travail, etc.), et des coûts indirects ou généraux (administration, amortissement), qui ne peuvent être répartis et doivent être considérés comme s’attachant au processus de production dans son ensemble.
Par ailleurs, dans certains processus de production, on peut observer la présence de facteurs liés. Il est impossible dans ce cas d’utiliser une quantité donnée d’un facteur « x », sans employer une quantité correspondante d’un autre facteur « y ». Les deux facteurs sont dits facteurs liés et dans le même sens, on peut dire que « y » est un facteur « satellite » de « x » (Frisch, 1965, p.16).
S’agissant maintenant des formes de production, on peut distinguer : la production simple, la production différenciée et la production jointe. Dans le premier cas, le processus génère un produit unique et homogène. Ce type de production est mesuré par le nombre d’unités produites et l’imputation des coûts ne pose pas de problème majeur.
Dans le second cas, un ensemble donné de facteurs de production peut être affecté au choix, à la réalisation d’un produit ou d’un autre. Enfin, dans le cas de la production jointe ou liée, l’utilisation d’un ensemble donné d’inputs conduit nécessairement à la production conjointe de plusieurs types de produits. Autrement dit, il est impossible ou très difficile de réaliser un produit sans simultanément en produire un ou plusieurs autres. On aura par conséquent, une grande difficulté à identifier les coûts spécifiques de chaque produit. Dans cette situation, il est problématique de définir une loi de production pour chaque produit, et il vaudrait mieux en considérer une globale pour tous les produits.
Jusqu’à présent, il a été question de produit, terme générique pour désigner le résultat du processus de production, que ce soit un bien ou un service. Il n’est pas difficile de relever que la « théorie de la production » développée par Frisch (1965) s’applique essentiellement aux biens produits par les industries manufacturières. A ce stade, il apparaît donc nécessaire de distinguer la production de biens de celle de services.
D’abord, la réalisation des biens débouche sur des outputs tangibles, ce qui n’est pas le cas des services qui impliquent généralement un acte plutôt qu’un résultat physique. Par ailleurs, si la production d’un bien s’effectue par une succession d’opérations, consommant des ressources et transformant les caractéristiques morphologiques ou spatiales des matières utilisées, la production d’un service s’effectue, elle aussi par une succession d’opérations consommant également des ressources mais sans qu’il y ait nécessairement transformation de matières.
Aussi, la production de services peut consister en une mise à disposition de produits à des clients par l’intermédiaire d’opérateurs, de machines ou d’une simple mise à disposition d’informations.
Afin de mieux différencier la production des biens de celle des services, nous aurons recours à la grille de lecture axée sur les éléments suivants : l’uniformité des inputs et des outputs, la nature du travail utilisé, la consommation des outputs et la mesure de la productivité.
| Critères de distinction | Bien | Service |
| Nature des output | Tangible (stockable) | Intangible (non stockable) |
| L’uniformité des outputs | Elevée | Faible |
| Travail humain utilisé | Faible | Important |
| Mesure de la productivité | Facile | Difficile |
| Séparation entre production et consommation | Possible | Impossible |
Source : établi par l’auteur.
Après ce bref rappel sur les notions de production, processus de production et produit, nous nous intéressons dans ce qui suit au cas particulier de la production bancaire.
« By production in the economic sense we mean the attempt to create a product which is more highly valued than the original input elements » .
« By technical production we mean any transformation process which can be directed by human beings, or which human beings are interested in, viz. a transformation which a certain group of people consider desirable. The term transformation indicates that there are certain things (goods or services) which enter into the process, and lose their identity in it, i.e. ceasing to exist in their original form, while other things (goods or services) come into beings in that they emerge from the process. The first category may be referred to as production factors (input elements), while the last-named category are referred to as products (the output or resultant elements) » .
L’expression de « servuction » a été proposée par Eigliet et Langeard (1987). Elle provient de la contraction des deux termes : production et service. Le client participe à l’opération de production en effectuant en self-service certaines tâches comme effectuer une opération par Internet, remplir un bordereau, utiliser un GAB/DAB, etc.