b) L’approche par l’intermédiation

A l’issue des lacunes de l’approche par la production, est apparue l’approche par l’intermédiation, dite aussi approche en valeur (intermediation or asset approach). Elle s’inscrit dans l’esprit d’un renouvellement de la réflexion sur la nature de l’activité bancaire, question qui a été au cœur d’une très dense littérature dès le début des années quatre-vingt. Cette approche est dite par l’intermédiation dans le sens où la banque n’est plus appréhendée comme une firme offrant des produits indépendants, mais comme un intermédiaire financier qui collecte des ressources, essentiellement sous forme de dépôts afin d’accorder des crédits.

Les principaux partisans de cette approche, en l’occurrence Berger, Hanweck et Humphrey (1987, p.508) la préfèrent à l’approche par la production ‘«’ ‘ […] parce qu’elle prend en compte à la fois les coûts opératoires et les charges d’intérêt – une firme compétitive minimiserait leur somme quel que soit le niveau de l’output ’ ‘»’ ‘. ’Parmi les adeptes de cette approche, on compte également : Lindley et Sealey (1977), Humphrey (1987), Berger, Hanweck et Humphrey (1987), Mester (1987), Muldur et Sassenou (1989), Noulas, Ray et Miller (1990), Elyasiani et Mehdian (1990), Berger et Humphrey (1991), Dietsch (1993), Martin et Sassenou (1994), Berger et Mester (1997, 1999), de Young et Hasan (1998), Hassan et Isik (2002), Mehdian et Rezvanian (2002), Rouabah (2002), Boussemart et Saïdane (2003), Weill (2004), entre autres.

L’approche par l’intermédiation retient principalement trois inputs : le capital physique, le travail et les dépôts. Par conséquent, le coût total comporte les coûts opératoires comme dans l’approche par la production, mais aussi les charges d’intérêts créditeurs, puisque les dépôts sont traités comme des inputs. En revanche, les outputs générés par le processus de production prennent la forme de crédits et de placements. Ces derniers sont mesurés en unité monétaire et non plus en nombre de comptes ou d’opérations gérés par la firme bancaire.

Cette approche semble avoir attiré l’attention de la majorité des chercheurs qui s’intéressent à l’estimation de l’efficience dans les banques. En effet, plusieurs d’entre eux qui se situaient dans l’approche par la production ont changé de camp, avançant que l’approche par l’intermédiation est la mieux adaptée à la réalité de l’activité bancaire qui tourne autour de l’intermédiation financière.

L’approche par l’intermédiation semble relativement mieux adaptée que l’approche par la production puisque d’un côté, elle tient compte du caractère multi-produits de l’activité bancaire et d’autre part, elle permet de faire ressortir le processus d’intermédiation qui relie actif et passif bancaires. Cependant, on peut introduire plusieurs nuances aussi bien sur le plan théorique qu’empirique, en ce qui concerne l’intérêt de cette approche :

Au final, Ferrier et Lovell (1990) pensent que le choix entre l’approche par la production et l’approche par l’intermédiation devrait dépendre de l’objectif visé par l’étude. Si celle-ci porte sur l’estimation de l’efficacité-coût des banques, l’approche par la production serait plus appropriée parce qu’elle ne prend en compte que les frais généraux. En revanche, si l’étude s’intéresse à la viabilité économique des banques, l’approche par l’intermédiation serait plus pertinente car elle prend en compte l’ensemble des coûts de la banque. Pour Berger et Humphrey (1997, p.31), l’approche par la production serait plus adaptée à l’estimation de l’efficience d’une agence, alors que l’approche par l’intermédiation serait préférable lors de l’estimation de l’efficience d’une banque, dans son ensemble.

Cela dit, on note qu’une grande partie des études récentes portant sur l’estimation de l’efficience des banques privilégie l’approche par l’intermédiation. Parmi les raisons probables de cette tendance, le fait que cette approche prend en compte les charges financières des banques (intérêts créditeurs) qui représentent des sommes importantes, contrairement à l’approche par la production qui les ignore.

Quoi qu’il en soit, on peut dire qu’aucune des deux approches précédentes ne permet de capturer la réalité de l’activité bancaire, caractérisée par la variété de ses produits et services. Il est donc difficile de rendre compte de la production bancaire par l’une ou l’autre de ces deux approches. D’autant plus qu’elles ignorent les activités bancaires de hors-bilan qui sont, comme on l’a vu dans le premier chapitre, à l’origine d’une part de plus en plus croissance des revenus bancaires. D’où, la nécessité de considérer de nouvelles approches.