3.2. Vers une approche servicielle de la production bancaire

Parce qu’elle n’arrive toujours pas à capturer la véritable nature de la production bancaire, l’approche industrielle de la banque est dans l’impasse. Loin de « démystifier » cette institution, cette approche a plutôt renforcé l’ambiguïté qui l’entoure. A notre sens, les protagonistes de cette approche se sont trop intéressés aux aspects quantitatifs de la production bancaire, et ont complètement négligé ses aspects qualitatifs, tout aussi importants, puisqu’ils font l’originalité de l’activité bancaire. Comment ignorer le rôle majeur des banques en matière d’assurance de liquidité, de production d’informations, de gestion des risques, de transformation des échéances et plus récemment de tenue de marché et d’activités hors-bilan ? Cela reviendrait tout simplement à nier l’essence même de la banque.

Nous nous proposons donc, dans ce qui suit, de disséquer le processus de production bancaire, non plus à la lumière de l’économie industrielle, mais à la lumière de l’économie des services. En effet, les banques sont sans équivoque l’une des principales composantes du secteur des services marchands, même si les conditions de leur activité font qu’on parle souvent d’industrie bancaire.

Il convient tout d’abord, comme l’envisage Gadrey (1996), de distinguer deux types d’outputs bancaires : les outputs-services et les outputs-supports. Les premiers s’identifient à des prestations proposées à la clientèle et exécutées sur son ordre et/ou pour son compte, les capitaux ne représentant que le support des opérations (par exemple : les services de paiement, les services d’information, la gestion de portefeuille, le conseil, etc.).

En revanche, les outputs-supports comprennent les opérations monétaires et financières réalisées par la banque dont sont l’objet des capitaux (crédits, dépôts, titres, placements, produits dérives, etc.). Ainsi, la véritable production d’une banque n’est pas tant la valeur nominale des produits monétaires et financiers qu’elle gère, que l’acte par lequel elle offre ces produits.

Dans le secteur des services, cet acte s’apparente en règle générale à une transformation d’état et à une mise à disposition, souvent effectuée dans le cadre d’une interaction avec le client (co-production).

Pour préciser cette conception, nous retiendrons la définition de Gadrey (1996, p.171) qui semble la mieux à même de rendre compte de la notion de service : « Un service est une opération visant la transformation d’une réalité (C) possédée ou utilisée par un client ou un usager (B), et réalisée par un prestataire (A) à la demande de (B) -et souvent en interaction avec ce dernier-, mais n’aboutissant pas à un produit final susceptible de circuler économiquement indépendamment de (C) ». On peut représenter ce processus à travers la figure n° 07 qui suit.

Figure n°07 : Caractérisation d’une relation de service
Figure n°07 : Caractérisation d’une relation de service

Source : D’après Gadrey (1996, p.171).

Ce modèle standard apparaît tout à fait approprié pour saisir la réalité de la production bancaire. Toutefois, quatre spécifications doivent y être apportées :

Au vu de la figure n°07 précédente, deux aspects nous semblent essentiels pour appréhender le processus de production d’une activité de service comme la banque :

Nous tenterons de mettre en exergue le premier aspect en proposant une modélisation opérationnelle du processus de production bancaire (3.3.1), et le second aspect, en explicitant le rôle de la clientèle dans ledit processus de production (3.3.2).