Conclusion du chapitre II

Au regard de l’évolution effective de l’activité bancaire retracée dans le premier chapitre, l’objectif de ce second chapitre était double. Il s’agissait d’une part, de mettre en relief les limites de la théorie bancaire dans sa version actuelle, et d’autre part, d’identifier de nouvelles pistes de recherche en vue d’actualiser cette théorie. Dans quelle mesure ce double objectif a t-il été satisfait ?

  1. La reconsidération des raisons d’être de la banque nous a amenés à constater que les arguments traditionnels de coûts de transaction et d’asymétrie d’information nécessitaient un « dépoussiérage ». En effet, les mutations de la sphère financière et surtout l’avènement des NTIC ont considérablement atténué la portée de ces coûts et asymétries au niveau de la finance directe. Nous avons toutefois relevé que si l’aspect « matériel » de ces phénomènes avait considérablement baissé, leur aspect « technique » persistait du fait de la complexification des marchés financiers. L’intensification de la volatilité des référentiels de ces derniers prouve qu’ils demeurent imparfaits, et par-là même, rationalise davantage la présence des banques. Cependant, il est aujourd’hui indispensable de fonder cette présence non plus par référence aux seules activités traditionnelles de collecte des dépôts et de distribution des crédits, mais aussi par référence aux nouvelles activités bancaires de marché et de hors-bilan. C’est dans cette perspective que s’inscrivent de récents travaux théoriques comme ceux d’Allen et Santomero (1997, 2001) qui proposent d’actualiser les raisons d’être de la banque au vu des services de participation et de gestion des risques rendus aux agents non financiers.
  2. La reconsidération de la fonction d’intermédiation bancaire nous a permis de relever que la théorie conventionnelle de l’intermédiation financière qui puise sa source dans les travaux de Gurley et Shaw (1960), ne représentait plus un cadre adapté à la compréhension du rôle des banques contemporaines. Nous avons cependant relevé qu’une grande partie de la littérature bancaire moderne restait « opiniâtrement » et « exclusivement » attachée à l’intermédiation traditionnelle de bilan axée sur la collecte des dépôts et la distribution des crédits. Même si des efforts d’enrichissement ont été entrepris, entre-temps, pour étendre le cadre de l’intermédiation financière aux nouvelles activités bancaires de marché et de hors-bilan, ils sont demeurés lacunaires. En effet, la démarche de cantonner l’ensemble des activités bancaires au seul domaine de l’intermédiation financière montre aujourd’hui son inconsistance, dans la mesure où l’essentiel des nouvelles activités bancaires ne répond pas à une logique d’intermédiation, mais à une logique de simple prestation de services. Le recours à l’expression « activités hors intermédiation » nous a alors semblé opportun pour caractériser ce genre d’activités qui génèrent des revenus consistants sous forme de commissions. Eu égard à ces éléments, le réexamen de la question de la spécificité bancaire relativement aux intermédiaires financiers non bancaires nous a permis de conclure à une « semi-spécificité ». Celle-ci est fondée, d’une part, sur la création monétaire qui reste l’attribut des seules banques et, d’autre part, sur les activités d’intermédiation de marché et les activités hors intermédiation, qui sont partagées avec les autres intermédiaires financiers. S’agissant de la spécificité des banques par rapport aux marchés financiers, nous avons préféré repositionner cette question en terme de complémentarité. En effet, les banques ont trouvé dans les marchés financiers le moyen de pallier la baisse de leurs revenus traditionnels. De même, les marchés financiers ont considérablement été renforcés grâce au rôle des banques en tant que market maker et à leurs engagements de hors-bilan.
  3. La reconsidération de la nature de la production bancaire nous a conduit à souligner, dans un premier temps, les limites de l’approche industrielle de cette question. Certes, les adeptes de ladite approche ne se sont pas montrés avares d’efforts pour tenter de définir et mesurer, à l’aune des techniques quantitatives, la production bancaire. Mais leurs tentatives sont demeurées vaines, vu le manque de consensus sur la façon de modéliser le processus de production bancaire et de définir ses inputs et ses outputs. En réponse à ces lacunes, nous avons repensé, de façon théorique, le processus de production bancaire, à la lumière d’une approche « servicielle ». En effet, la banque est sans équivoque une entreprise de services marchands, même si les conditions de son activité font qu’on parle souvent d’industrie bancaire. Cette démarche nous a conduit, entre autres, à distinguer au niveau de la production bancaire, deux types d’outputs : les outputs-services et les outputs-produits. Par ailleurs, nous avons souligné le rôle particulier que joue la clientèle dans ce processus en tant que co-producteur.


Après un premier chapitre qui a mis en relief l’évolution effective de l’activité bancaire, un second chapitre qui a souligné la nécessité de renouveler la réflexion théorique sur la banque, il nous reste maintenant à réexaminer le bien fondé de la réglementation bancaire. C’est ce à quoi nous nous attachons dans le prochain chapitre.