Le risque de contrepartie se manifeste lorsqu’un emprunteur ne respecte pas la totalité de ses engagements pécuniaires. Cela pousse souvent la banque à constituer des réserves pour pertes sur prêts et créances douteuses (provisions spécifiques) qui seront retranchées de ses bénéfices 209 . Au niveau international, il prend la forme du risque-pays ou du risque-souverain. Ceux-ci peuvent être particulièrement périlleux, dans la mesure où les prêts octroyés portent sur des sommes considérables.
On trouve dans la littérature bancaire des contributions qui se sont intéressées aux moyens dont dispose une banque pour se prémunir contre la réalisation de ce risque. Dans ce cadre, Bester (1985, 1987) montre à l’aide de la théorie des signaux, qu’avant l’octroi d’un crédit, la banque peut deviner la véritable nature de l’emprunteur.
En effet, une défaillance ex post de celui-ci, traduit souvent la méconnaissance de ses intentions futures à l’instant de la signature du contrat (problème d’anti-sélection). C’est pourquoi, en lui proposant un ensemble de contrats dit « séparant », la banque peut théoriquement et en fonction de son choix, déduire son type (bon ou mauvais) 210 .
Sur le terrain, les systèmes de scoring (pour les particuliers) et de rating (pour les professionnels) obéissent, d’une certaine manière, à la même logique. Formellement, ils permettent aux banques d’évaluer, ex ante, la probabilité de non-remboursement d’un emprunteur. Cependant, leur conception purement statistique peut (dé)favoriser d’éventuels (bons) mauvais candidats 211 . A ce propos, Mikdashi (1998, p.84) souligne : « Qu’aucun modèle ne peut avoir la prétention de traiter de façon exhaustive et définitive le sujet de défaut de paiement d’un client ». Il serait dès lors, plus approprié de considérer ces modèles comme des fournisseurs d’estimations et non de décisions, ce qui rendrait au facteur humain son véritable rôle sélectif.
Dans la pratique bancaire, la prise de collatéraux (sûretés personnelles, sûretés réelles et assurances 212 ) suffit, la plupart du temps, à déclencher la décision d’octroi d’un crédit. Mais, là encore, il faut noter que certaines garanties (notamment les actifs immobiliers) peuvent rapidement et significativement perdre de leur valeur. Aussi, en cas de défaillance de l’emprunteur, la banque peut se retrouver avec un actif net négatif. Certes, tout au long de la relation de crédit, la banque peut suivre l’avancement du projet via des actions (in)directes de monitoring. Lorsque des manquements à l’égard du contrat sont alors constatés, le rationnement représente un autre moyen de pression sur l’emprunteur (Stiglitz et Weiss, 1981, 1983 ; Bester, 1985).
Il va sans dire que toutes ces alternatives qui s’offrent aux banques sont onéreuses, sans annuler pour autant, le risque de non-remboursement. Or, dans un environnement très compétitif comme celui des banques, la maîtrise des coûts est vitale. C’est pourquoi, une gestion facultative du risque de contrepartie peut très bien se traduire par une simple tarification supplémentaire du crédit (prime de risque).
C’est d’ailleurs ce comportement qui est au cœur de l’hypothèse d’instabilité financière développée par Minsky (1982, 1986). En effet, loin de réduire le risque de défaut des emprunteurs, cela le précipite par une inflation de leurs frais financiers. Etant donné que les fonds propres bancaires obéissent à la seule logique de maximisation du profit, ils s’avèrent trop insuffisants pour absorber les pertes sur prêts, d’où l’insolvabilité des banques.
De ce qui précède, on constate que lorsque les banques ont à leur entière discrétion le management du risque de contrepartie, elles ne privilégient pas forcément les meilleures couvertures. Souvent, elles optent pour les solutions les moins onéreuses qui s’avèrent être aussi les plus hasardeuses. Quand cette pratique se généralise (sous l’effet de la concurrence), elle débouche vraisemblablement sur d’importantes créances douteuses. Or, l’agrégation de celles-ci au niveau macroéconomique est clairement identifiée comme étant source potentielle de crise systémique (Aglietta, 2001b, p.13).
L’intervention des autorités officielles vient contrecarrer ce danger via l’obligation réglementaire faite aux banques de respecter certains ratios prudentiels. Le plus important en vigueur est le ratio de solvabilité ou ratio Cooke (McDonough dès 2006). Ce dernier qui concernait auparavant juste les engagements de bilan a été remodelé pour s’étendre aux engagements de financement et de garantie inscrits au hors-bilan, dorénavant transformés en équivalents risque-crédit. En outre, par souci de diversification des risques, il a été instauré des plafonds de crédit relativement aux fonds propres, afin de limiter les risques pris à l’égard d’une même activité, d’une même région ou d’un même emprunteur.
Dans ce cadre, il faut souligner le rôle des autorités de réglementation et de supervision, et notamment celui des BC, dans la mise en place de dispositifs visant à réduire l’asymétrie d’information à l’encontre des banques. C’est le cas en France avec l’instauration de plusieurs services de renseignement sur les emprunteurs destinés aux banques comme :
Trois raisons peuvent expliquer l’articulation des mesures prudentielles relatives au risque de contrepartie autour de l’adéquation des fonds propres bancaires. D’abord, les fonds propres doivent permettre la couverture des pertes occasionnelles et assurer la continuité d’exercice. Or, les banques apparaissent sous-capitalisées comparativement aux autres entreprises économiques, alors qu’elles supportent des risques plus importants. Ensuite, le niveau des fonds propres joue un rôle important dans la sécurisation des déposants et autres créanciers. Enfin, il est primordial pour le bon fonctionnement des systèmes de paiement, que chaque banque participante puisse constamment être solvable et honorable.
Après avoir vu le risque d’illiquidité puis le risque de contrepartie, nous nous intéressons dans ce qui suit au risque de marché.
Ces provisions obéissent à des normes comptables très strictes, de peur que certaines banques en abusent.
Pour plus de détail, voir le paragraphe 2.1.2 du premier chapitre.
Selon Venard (2001, p.89), si ces méthodes permettent de distinguer les cas extrêmes (risque faible / risque élevé), elles ont du mal à différencier les cas intermédiaires (risque moyen). Par ailleurs, un mauvais emprunteur caractérisé par une faible aversion au risque, n’est souvent pas très soucieux du devenir des éléments qu’il donne en garantie.
Comme les cautions, avals, hypothèques, nantissements et contrats d’assurance-groupe ou l’assurance auprès d’organismes distincts telle la Coface en France
Ce fichier, régi par un règlement du comité de la réglementation bancaire du 27 février 1986, assure périodiquement le recensement des crédits consentis au-delà d’un certain seuil par les établissements de crédit à chacun de leurs clients. Diffusés auprès des établissements déclarants, les résultats de cette centralisation leur permettent de connaître l’endettement total, par catégorie de crédits, contracté en France par leur clientèle.
Ce fichier est une base de données qui recense les informations juridiques, comptables, financière et judiciaires relatives aux personnes morales et physiques dont le siège social ou domicile est situé en France. Fin 1998, plus de 2,5 millions d’entreprises et plus de 1,6 millions de dirigeants étaient recensés dans cette base, qui faisait l’objet de 1,2 millions d’interrogations par mois (Banque de France, 2002, http://www.banque-france.fr/fr/banque/main.htm ).
Ce fichier a été mis en place dans le cadre de la loi du 31 décembre 1989 dite loi Neiertz. Il constitue aujourd’hui un volet préventif du dispositif de traitement du surendettement des ménages.
En application d’un règlement du Comité de la réglementation bancaire du 27 février 1986, la Banque de France est chargée de centraliser les incidents de paiement concernant les instruments autres que le chèque. Les incidents enregistrés sont signalés, sous une forme regroupée, à l’ensemble des établissements déclarants.