2.2.1. Définitions

D’un point de vue général, la notion de lien fait allusion à l’idée que quelque chose est lié à une autre chose. C’est en l’éthologie que la notion de lien a été développée le premier. En effet, à partir de la théorie de l’empreinte, K. Lorenz (1965) 74 décrit le comportement du petit animal qui suit le premier vivant qui s’est occupé de lui.

En psychologie, le notion de lien a été utilisée pour signifier ce qui relie un sujet à un autre ou encore deux objets entre eux. En psychanalyse, en particulier, de nombreux travaux s’intéressent aux difficultés des jeunes enfants en les prenant dans leur environnement. Dans ce sens, R. Spitz (1968) 75 parle de l’hospitalisme et J. Bowlby (1999) 76 de l’attachement et particulièrement du lien d’attachement. A ces travaux, s’ajoutent ceux effectués sur les groupes (R. Kaës, 1993). De là, un ensemble de travaux vont être faits sur l’observation du bébé, de l’interaction mère-enfant, sur les groupes restreints (couple) ou élargis (famille). L’objectif de ces travaux est de saisir cette question du lien.

Dans la compréhension du fonctionnement psychique, si S. Freud (1921) 77 s’intéresse à la construction de l’objet interne à travers la question de la représentation et celle de la symbolisation, il s’est, en même temps, occupé de l’effet que peut avoir l’objet externe chez le sujet. Il s’agit des « effets de la présence » se manifestant par un lien. En effet, l’auteur note que les « effets de la présence » sur la transformation psychique du sujet. L’individu adopte les valeurs et les points de vue d’un chef auquel il se soumet et qui constitue pour lui le porte drapeau, le représentant. Cette restriction narcissique que s’impose les individus prennent pour appui l’existence des liens entre les différents membres du groupe. Pour S. Freud (1921), il s’agit des « liaisons libidinales d’une nouvelle sorte entre les membres de la masse ».

De nombreux travaux ont été faits sur la question du lien, parmi lesquels ceux de W. Bion (1961) 78 . En effet, à partir des petits groupes, l’auteur définit d’abord le lien comme un mécanisme d’identification projective. Ensuite, il utilise la métaphore de la fonction alpha de la mère supportant les projections de son enfant, les éléments « bêta », qu’elle lui renvoie après les avoir détoxiqués. Dans ce processus, ce qui caractérise le lien est le double mouvement : celui de l’enfant vers la mère et celui de celle-ci vers l’enfant par un retour. Ce lien repose sur le système de la communication. Du point de vue psychanalytique, il s’agit du mécanisme d’« identification projective » qui est mis en relief.

A travers ce processus, il y a l’établissement d’un lien entre la mère et son enfant car la mère, en tant que pare-excitation, va adapter les représentations douloureuses en tenant compte des capacités de l’enfant, posant ainsi la question de la relation entre les représentations qu’elle utilise et l’objet par lequel elle le représente. Ce processus se créant entre la mère et son enfant constitue l’essentiel du « jeu de prendre et de rendre » caractéristique de la fonction de soutenance, à savoir le fond, les croyances, les représentations et l’objet sur qui porte ces croyances.

Cependant, quelle relation existe-t-il entre le lien et la liaison ?

La notion de lien diffère de celle de liaison. En se servant des travaux de S. Freud (1895), C. Athanassiou-Popesco (1998) 79 essaie de rapprocher le concept de lien selon W. Bion (1959) et celui de liaison utilisé par S. Freud (1895). En effet, pour ce dernier, la liaison est en rapport avec la « fonction essentielle », c’est-à-dire avec le concept de pulsion, en tenant compte de sa source, de l’objet de satisfaction, du but et de son trajet.

Cependant, pour certains psychanalystes, il existe une confusion entre les notions de lien et de liaison, même si d’autres les différencient. Cela est lié au fait que le concept de lien ne fait pas partie des concepts S. Freudiens, mais plutôt celle de liaison (M. Dupré La Tour, 2002) 80 . Dans cette perspective, J. Laplanche et J-B. Pontalis (1967) 81 note que la notion de liaison est « utilisé par S. Freud pour connoter d’une façon très générale et dans des registres relativement divers -- aussi bien au niveau biologique que dans l’appareil psychique -- une opération tendant à limiter le libre écoulement des excitations, à relier les représentations entre elles, à constituer et à maintenir des formes relativement stables ».

Par la liaison d’une représentation à une autre ou par la liaison entre les représentations, il existe une forme de causalité, à savoir que le premier terme de liaison suscite l’activation du second. Par rapport à la clinique de mon terrain, le phénomène de la maladie mentale, par exemple, fait appel aux croyances à la sorcellerie. Il s’agit bien d’un lien ou d’une liaison associative ou d’une association. Sur cette base, S. Freud (1895) s’intéresse aux processus psychiques et particulièrement à ceux de représentation et de symbolisation.

Mais quelles sont les caractéristiques principales de ce lien ?

Notes
74.

Konrad Lorenz (1965), Essai sur le comportement animal et humain. Paris, Editions du Seuil, 1970, 484 p.

75.

René Arpad Spitz (1968), De la naissance à la parole. La première année de la vie. Paris, PUF, 9ème édition, 306 p.

76.

John Bowlby, L’attachement. Paris, PUF, 3ème édition, 1999, 539 p.

77.

Sigmund Freud (1921), Psychologie des masses et analyse du Moi. Œuvres complètes. Psychanalyse 16. Paris, Payot, 1991, pp. 5-83.

78.

Wilfred Bion (1961), Recherches sur les petits groupes. Paris, P.U.F., 2ème édition, 1972.

79.

Cléopâtre Athanassiou-Popesco, Le concept de lien en psychanalyse. Paris, PUF, 1998, 280 p.

80.

Monique Dupré La Tour, Le lien repères théoriques. Le lien de couple et ses paradoxes, Dialogue, n° 155, 2002, pp.27-40.

81.

Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1967.