2.2.2. Le lien à travers la mentalisation et la représentation

La notion de lien peut se rencontrer à travers plusieurs activités psychiques. Dans ses travaux sur la pensée, W. Bion (1959) s’intéresse à la question du lien, et plus particulièrement à la transformation du lien. A cet effet, pour l’auteur, existe-t-il plusieurs formes de lien rencontrées à travers différents processus à savoir la mentalisation, la représentation et la mise en rapport entre une représentation psychique et un système de pensées.

En ce qui concerne la mentalisation, mentaliser, consiste à établir un lien de transformation entre une impulsion énergétique et une forme psychique étroitement associée à cette tension pulsionnelle et à sa décharge dans des conditions où l’impulsion énergétique ne trouve pas à se satisfaire directement. Dans ce cas, il y a substitution de la voie directe par une nouvelle voie liée à l’expérience de l’absence ou du défaut de l’objet. Ainsi, le travail de mentalisation est un travail de lien entre la représentation psychique (absence représentée) et la codification groupale, en tant que systèmes de procédures ou de contenus prédisposés utilisables pour la formation de la représentation (R. Kaës, 1989, 96) 82 .

Pour la représentation, le verbe représenter consiste à établir ou rétablir un lien. Il s’agit d’un lien entre une présence qui s’est absentée et une absence représentée. Et cela, à travers l’expérience du manque. Enfin, le troisième mode de lien met en rapport une représentation psychique subjective et un système de codes ou de représentations. Sur la base de ce lien va naître une communication intra et intersubjective dont le statut et le destin vont dépendre de l’importance accordée soit à la représentation psychique, soit au système de représentations.

Sur la base de ces formes de lien, W. Bion (1965) 83 s’intéresse aussi aux modes de transformation de ces liens. Pour cela, l’auteur parle de la fonction alpha qui est cette capacité de l’appareil psychique de la mère à transformer les motions douloureuses que l’enfant n’arrive pas à transformer en représentants psychiques. Par la transformation, il s’agit de la capacité pour la mère à recevoir et à contenir les motions douloureuses. De même, cette fonction alpha concerne aussi les processus et les modes de transformation en relation avec les systèmes de culturels et sociaux. Autrement dit, ceux-ci permettent de contenir les angoisses véhiculées par les sujets. Dans le cadre de cette recherche, on va s’intéresser au lien mettant en rapport une représentation psychique et un système de représentations. Mais ce lien n’est possible que s’il est mentalisé et mis en présence.

Parler de la question du lien entre la représentation psychique et les systèmes de représentations soulève celle des rapports entre culture et psychisme. Du point de vue clinique, comme précédemment vu 84 , certaines pensées, représentations, conduites, comportements, etc. sont influencés par des systèmes de pensées basés sur des représentations traditionnelles. Par exemple, les représentations psychiques sur la maladie mentale mobilisent un ensemble de croyances traditionnelles (sorcellerie, esprits, etc.). Pour cela, la maladie mentale est la conséquence par exemple d’une action sorcière. Dans ce sens, ce sont les croyances à la sorcellerie qui vont servir de base à l’explication et à la compréhension de la maladie mentale.

Dans ce travail de mentalisation existant, s’établit ou pas un lien entre la représentation (absence représentée) et les systèmes de représentations culturelles forment un ensemble de contenus prédisposés. Pour le groupe partageant les mêmes modèles culturels, il s’agit d’un étayage culturel qui joue un rôle d’appui, c’est-à-dire d’accréditement de la représentation (R. Kaës, 1989). Mais étant une mise en relation, la notion de lien implique un travail. C’est le travail de lien.

Notes
82.

René Kaës, Jean. Perrot, Jacques Hochmann, Christian Guérin et al., Contes et divans: médiation du conte dans la vie psychique. Paris, Dunod, 1989, 227 p.

83.

Wilfred Bion (1965), Transformations. Passage de l’apprentissage à la croissance. Paris, P.U.F., 1982, 207 p.

84.

Voir Première partie : Chapitre 1 : Les représentations de la maladie mentale et les thérapies au Gabon.