3. Approches théoriques des représentations

De nombreux travaux se sont intéressés à la question des représentations. Dans cette partie, il ne s’agit pas de faire le tour de ces travaux mais de m’arrêter sur quelques uns pouvant permettre de comprendre la problématique de cette recherche. Pour cela, je vais d’abord parler des travaux sociologiques et anthropologiques ; ensuite, je parlerai des travaux psychologiques et psychanalytiques ; et enfin, je citerai quelques travaux relatifs à l’approche « complémentariste  ».

De nombreux travaux ont été effectués sur les représentations dans ces domaines. A ce niveau, je vais tenir compte des travaux de E. Durkheim et F. Laplantine qui on été faits sur les représentations.

Dans ces domaines, la question des représentations a été l’objet de plusieurs études. Cet intérêt remonte déjà à E. Durkheim (1898) 93 , qui, dans son article intitulé « Représentations individuelles et représentations collectives », fait une analyse sociologique des représentations, plaçant ainsi les faits sociaux au dessus des faits individuels. En effet, pour l’auteur, le groupe social (la société) constitue l’unité de base en sociologie. Il est régi par un système : la « conscience collective » ou l’ « âme collective ». Ce système comporterait des croyances (attitudes mentales et sociales, comme la simple opinion  « croire que » ou ayant une connotation religieuse « croire en », proche du mot foi), sentiments, souvenirs, idéaux et aussi des représentations partagées par tous les membres d’une société.

La conscience collective constitue la base de la communauté et est à l’origine des représentations portant sur différents objets : religion, politique, techniques, moral, etc. Pour E. Durkheim (1898), la conscience collective impose à l’individu des façons de penser et d’agir. Celles-ci se matérialisent au niveau des institutions sociales (règles sociales, morales, juridiques ou politiques); de la vie religieuse (croyances, rituels collectifs rencontrés dans les cérémonies religieuses ou non). Par ailleurs, sur le plan idéel, elles sont des formes mentales socialement partagées comprenant des mythes, traditions, savoirs, opinions, visions du temps et de l’espace, croyances. Sur le plan matériel, sont-elles à l’origine des pratiques et des comportements individuels ou collectifs, car ceux-ci reposent sur le fondement même des comportements humains.

De la même façon que la conscience collective, les représentations collectives sont transgénérationnelles, c’est-à-dire qu’elles sont durables au-delà même des générations. Pour E. Durkheim (1898), ce caractère durable des représentations est un point fondamental dans l’intérêt accordé aux représentations collectives aux dépens des représentations individuelles. En effet, pour l’auteur, la durée de vie des représentations individuelles est limitée car elles disparaissent en même temps que leurs concepteurs.

De cet article, va découler un ensemble d’études sur les représentations sociales. L’intérêt accordé aux sociétés traditionnelles va conduire certains auteurs comme M. Mauss (1947) 94 à saisir les représentations dans les sociétés traditionnelles. En effet pour cet auteur, les représentations collectives sont liées à la dynamique individuelle et aux représentations individuelles. Elles sont le résultat des mécanismes psychologiques individuels qui, eux, sont à l’origine des habitudes, des comportements, des actes.

L’un des champs susceptible d’apporter un sens sur la relation entre la représentation est celui de l’anthropologie culturelle. Né aux Etats-Unis au début du XIXème siècle, l’anthropologie culturelle essaie d’expliquer, de donner le sens des comportements des individus, tout en tenant compte de leurs cultures différentes. Dans cette perspective, la culture apparaît comme un moyen permettant de comprendre le fait social. La maladie, la santé ou encore les thérapies traditionnelles font partie des objectifs de l’anthropologie culturelle. Quel est alors le sens attribué à la maladie mentale dans la société gabonaise ? Quelle place tiennent les croyances dans la représentation de la maladie mentale ou encore dans l’utilisation des thérapies traditionnelles ? La référence aux croyances pour représenter la maladie mentale est-elle d’ordre culturel ?

F. Laplantine (1986) s’intéresse aux différentes représentations de la maladie. En effet, pour l’auteur, dans le monde contemporain occidental, il existe un ensemble de représentations de la maladie basées sur les modèles étiologiques. Pour cela, il distingue les modèles ontologique et relationnel (fonctionnel) ; exogène et endogène ; additif et soustractif ; maléfique et bénéfique correspondant aux différents modèles thérapeutiques. Ces différents modèles sont regroupés en deux groupes de modèles à l’origine des systèmes de représentations de la maladie et de la guérison.

Ainsi, les représentations sont communiquées dans tout le groupe entier de façon à ce que chaque individu du groupe possède la même représentation. Lorsqu’elles persistent de façon durable et se répètent, elles deviennent des « représentations culturelles ».Ainsi, les représentations culturelles sontun « sous-ensemble aux contours flous de l’ensemble des représentations mentales et publiques qui habitent un groupe social ». 95 De ce fait, en anthropologie, la question des représentations renvoie aux représentations culturelles qui constituent son objet principal.

Afin de ne pas passer à côté de l’étude des représentations, il convient de tenir compte de l’aspect dynamique qui s’intéresse à la relation entre le culturel, le social et le psychologique (M. Augé, 1974 96 , C. Herzlich, 1996 97 ). Ce genre d’approche est pris en compte par la psychologie.

En psychologie, c’est la psychologie cognitive qui se caractérise par un grand nombre d’études sur les représentations. En effet, les travaux sur l’aspect individuel se sont intéressés à l’étude des modèles mentaux ou des représentations mentales. Par exemple, J. Piaget (1926) 98 s’est intéressé à l’importance des représentations dans le développement psychique de l’enfant. En ce qui concerne l’aspect collectif, c’est la psychologie sociale qui s’est récemment intéressée à l’étude des représentations. En effet, l’intérêt d’articuler le psychologique au social a permis de saisir la question de représentation sociale. L'approche psychosociale privilégie la dimension sociale dans la question de la représentation. De ce fait, toute représentation est sociale.

Notes
93.

Emile Durkheim (1898) Représentations individuelles et collectives. Sociologie et Philosophie, Paris, P.U.F. 1974.

94.

Marcel Mauss, Manuel d’ethnographie. Paris, Payot, 1947, 211p.

95.

Dan Sperber, L’étude anthropologique des représentations, in Les représentations sociales, Paris, P.U.F., pp. 115-130.

96.

Marc Augé, La construction du monde : religion, représentations, idéologies. Paris, Maspéro, 1974, 141 p.

97.

Claudine Herzlich, Santé et maladie : analyse d’une représentation sociale. Paris, Ecoles des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1996, 210 p.

98.

Jean Piaget, La formation du symbole chez l’enfant, Neuchatel, Delachaux et Niestlé, 1976.