3.2. L’approche psychanalytique

En psychanalyse, la question de la représentation (sociale) s’est posée suite à l’intérêt accordé à certaines formations collectives rencontrées des cultures traditionnelles, à savoir les mythes, contes, croyances, religions, etc. En s’intéressant à ces formations, la psychanalyse tient compte de la dimension de l’inconscient et de l’intersubjectivité. Par cette approche, il convient de voir s’il y a une relation entre la notion de représentation sociale (notion psychosociale mettant en évidence la dimension sociale) et la subjectivité, l’inconscient du sujet. La question est de savoir si la dimension sociale peut être saisie à partir de la théorie psychanalytique ?

Dans Totem et tabou, S. Freud (1913) 101 s’intéresse à la question des représentations, et cela à travers les différentes croyances liées à l’animisme, à l’inceste, etc. Par ailleurs, dans L'avenir d'une illusion, S. Freud (1927) prend en compte les idées religieuses qu’il considère comme « un trésor tout constitué que la civilisation transmet à l'individu ». Ce trésor préexiste à chacun et chaque individu l'utilise pour sa vie psychique. « …La civilisation donne à l'individu les idées car il les trouve déjà existantes, elles lui sont présentées toutes faites, et il ne serait pas à même de les découvrir tout seul. Elles sont le patrimoine d'une suite de générations, il en hérite, il le reçoit, tout comme la table de multiplication, la géométrie… » 102 .

De la même façon que toute représentation collective, les idées religieuses permettent de se protéger contre l'angoisse. Ainsi, les représentations permettent aux hommes de re-présenter une absence, de donner une forme disponible et permanente à une cause, de produire la mise en mot, d'y laisser s'y représenter les pulsions, ainsi de s'assurer de leur maîtrise, de se représenter et de se présenter à l'autre par le moyen de la représentation, de déplacer la source du plaisir de l'objet représenté à l'activité de représentation.

De ce fait, la représentation serait le résultat de la contribution psychique au travail social et culturel de la représentation. Alors comment se fait ce travail dans la psyché? Dans cette perspective, les représentations sociales jouent un rôle d’identification. En effet, elles permettent l'identification du sujet au groupe, à la culture à laquelle il appartient. S. Freud (1921) rappelle non seulement la différenciation du Moi d'avec le Surmoi, mais aussi l'identification comme base libidinale du lien collectif : « Une foule psychologique est une union d'individus divers qui ont installé dans leur Surmoi une même personne. Grâce à ce point commun, ils se sont dans leur Moi identifiés les uns les autres » 103 .

A cet effet, l'identification assure-t-elle le lien social. La préexistence des représentations permet cette identification du sujet. De ce fait, les croyances, les mythes, les religions constituent des matrices d'identification et fournissent des repères identificatoires aux sujets d'un même groupe. Dans cette perspective, les représentations ont une fonction sociale qui consiste à faire advenir l'individu comme tel dans sa subjectivité.

Ainsi, il convient de noter qu’en psychologie, la question de la représentation (sociale) se caractérise par la représentation de mot ; elle tient compte des pensées, idées, images, opinions, organisations qui se révèlent à la conscience du sujet. A certains égards, ces représentations peuvent concerner le domaine de l'anthropologie. Cependant, la psychanalyse a entraîné une rupture épistémologique, avec la prise en compte de l'inconscient. Celui-ci permet de poser fondamentalement la conception du processus psychique, de ses formations et de l'intersubjectivité.

Notes
101.

Sigmund Freud (1913), Totem et tabou. Interprétation par la psychanalyse de la vie sociale des peuples primitifs. Paris, Payot, 1998, 241 p.

102.

Sigmund Freud, Idem, pp. 29-30.

103.

Sigmund Freud, Idem, p. 92.