1.2. Cas de Pierre

La pathologie de Pierre est le résultat d’un ensemble de facteurs. L’objectif est non seulement de saisir ces facteurs mais aussi de comprendre le fonctionnement de la personnalité du sujet à partir des tests projectifs.

1.2.1. Pierre, à la recherche de son identité

Le déclenchement de la maladie de Pierre et les conditions dans lesquelles elle survient dépend d’un ensemble de circonstances. En parlant de dépression, Pierre se place d’emblée dans ce qui constitue la trame de sa problématique. Dans ce sens, la dépression peut être comprise comme l’expression d’une souffrance intérieure que vit le sujet. Quels sont les facteurs à l’origine de cette souffrance ?

Pierre se situe dans un conflit relationnel avec sa mère. Ce conflit repose sur le non-respect des interdits et des principes posés par celle-ci. En ce sens, il convient de noter que la mère représente l’image phallique dans la famille (monoparentale). C’est une mère castratrice car c’est elle qui dicte les lois à respecter à la maison. C’est certainement la raison pour laquelle la mère de Pierre n’est jamais restée longtemps avec ses conjoints (le père de ses enfants). Dans la société Fang dont elle est originaire, on peut parler du phénomène d’Akagha. Dans cette société, ce phénomène se caractérise par le fait que certaines femmes possèdent un esprit qui ne leur permet pas vivre avec un homme dans leur vie. Pour cela, elles restent célibataires toute leur vie. La violation de ces interdits peut être à l’origine d’un ensemble de conséquences, parmi lesquelles les conflits conjugaux entraînant des ruptures.

On peut noter chez Pierre une absence d’image paternelle. Ce qui peut poser une difficulté identificatoire. A travers les entretiens, on peut noter que Pierre n’a jamais officiellement son père géniteur. Pour cela, il s’accroche à un homme que la mère a connu dans sa vie et qu’il considère comme son père. Dans cette perspective, il y a chez le sujet la recherche d’une image paternelle et identificatoire qui lui permettra de sortir de sa relation duelle et fusionnelle avec la mère. Dans cette relation, la mère est super protège son fils qui ne le supporte pas. Cette super protection se caractérise par un investissement affectif de la mère sur Pierre qu’il considère comme son « fils-chéri », son espoir et qu’elle l’encourage dans ses études.

Ainsi, c’est cette relation super protectrice mal vécue par Pierre qui a pu être à l’origine du conflit relationnel avec la mère. L’absence d’une figure paternelle stable peut être à l’origine d’une souffrance identitaire pouvant pousser le sujet à rechercher une image identificatoire. Pour cela, pour essayer de palier cette souffrance identitaire, Pierre utilise deux moyens, à savoir la prise des produits toxiques (chanvre, alcool, cigarette) et le désir de devenir religieux (prêtre ou diacre). En ce qui concerne la consommation des produits toxiques ou le « passage à l’acte toxique », il serait le résultat d’une souffrance identitaire chez Pierre. D. Derivois (2004) 172 note que l’utilisation de la drogue par le sujet révèle chez le sujet une souffrance identitaire. La consommation fréquente du produit toxique constitue une tentative de symbolisation pour Pierre.

Notes
172.

Daniel Dérivois, Psychodynamique du lien drogue-crime à l’adolescence. Paris, L’Harmattan, 2004, 202 p.