1.4.2. Approche projective de la personnalité de Thomas

L’approche du fonctionnement psychique de Thomas sera faite par le Rorschach. Puis, elle sera complétée par le TAT.

1.4.2.1. Approche par le Rorschach

L’analyse du Rorschach de Thomas va porter sur l’étude des données quantitatives et celles des données qualitatives.

D’un point de vue quantitatif, il s’agit de faire une analyse du psychogramme. Dans cette analyse, seront pris en compte le nombre de réponses et le temps mis par le sujet pour répondre ; les différentes caractéristiques des réponses (modes d’appréhension, déterminants et contenus) et le discours entourant ces réponses (verbalisation, commentaire, style).

En ce qui la productivité, on peut noter que Thomas a donné 83 réponses dans un temps très long (49’02). Le nombre élevé de réponses implique l’existence d’un protocole maniaque. Cette labilité sera manifeste au cours de la passation.

L’analyse du temps par planche permet de noter une rapidité de la réaction de Thomas aux planches I et II (1 seconde). Alors que le temps de latence moyen est de 7 secondes, montrant un écart assez important entre la présentation de la planche et la première réponse du sujet. Cette rapidité peut être considérée comme une fuite en avant dans l’expression. En tenant compte de la rapidité du temps de réaction, on peut ranger en deux groupes les planches : celles qui ont un temps de réaction se situant entre 1 et 7 secondes (I, II, VII, VIII, IX et X) et celles dont le temps de réaction se situent entre 8 et 18 secondes (III, IV, V et VI).

En ce sens, on peut noter que les temps sont plus allongés aux planches III, IV, V et VI. Quel sens peut prendre alors l’allongement de ces temps à ces planches ? Du point de vue du symbolisme, la planche III renvoie aux représentations des relations et à l’oedipe ; la planche IV est liée à la puissance phallique ; la planche V porte sur la représentation de soi et à l’identité ; et la planche VI renvoie au symbolisme sexuel. Quels liens existe-t-il entre ces différents aspects ? Etant donné la lenteur observée à ces planches, quelle signification peut-elle prendre chez le sujet ? S’agit-il d’une simple inhibition ou est-elle liée à l’élaboration des données issues du matériel ? Comment réagit Thomas face à un objet spécifique ? Est-il actif ou passif ?

L’intérêt pour les modes d’appréhension permet de noter qu’ils sont tous représentés : G, D, Dd, Dbl, Ddbl et Do. En s’arrêtant un instant sur ces modes d’appréhension, on peut observer que les pourcentages de ces réponses sont inférieurs aux normes, sauf les réponses Dd (39%) qui sont supérieures aux normes (10%). En ce qui concerne la diminution des réponses G (20%) pourrait laisser penser non seulement à une incapacité pour le sujet à saisir l’objet dans son intégralité mais aussi à appréhender l’image de soi. En ce qui concerne le pourcentage bas des réponses D (60%), cela pourrait renvoyer à intérêt limité pour le concret que peut confirmer la rareté des banalités (4). Cependant, la supériorité des réponses Dd pourrait s’inscrire dans le sens d’une pensée illogique ou délirante.

En s’intéressant aux déterminants, on peut noter que si le F% est à la limite des normes (60%), le F+% est en dessous avec 34%. Il existe chez Thomas une difficulté à tenir compte de la réalité extérieure. Cette difficulté repose sur les réponses de mauvaise qualité formelle et une difficulté à diriger sa pensée avec une attention claire et un jugement exact. Ce qui montre l’importance du subjectif sur la réalité objective. Cette importance du monde imaginaire est facilitée par les réponses kinesthésiques (2 réponses K et 6 kinesthésies mineures). En tenant compte des éléments perceptifs et des réponses kinesthésiques, on peut émettre l’hypothèse des kinesthésies délirantes. Car il n’existe pas d’adéquation entre le subjectif et le monde réel ; il y a une perte de contact avec le réel.

En ce qui concerne le pôle sensoriel, il est très représenté, notamment au niveau des couleurs (ΣC = 13,5). Cette surreprésentation du pôle sensoriel la dimension extraversive du fonctionnement du sujet. Dans ce sens, s’agit-il d’une manie ou d’un envahissement fantasmatique rendant précaire la qualité du rapport au réel ? Les deux hypothèses sont possibles. La surdétermination des réponses couleur contribue à l’expression des défenses maniaques dont l’objectif est de lutter contre l’angoisse, notamment l’angoisse liée à la perte d’objet. Il s’agit d’une lutte antidépressive. Ces défenses maniques caractérisent le protocole de Thomas, avec l’existence des procédés : production importante des réponses, peu de temps de latence, pas de silence, l’hypersignification des éléments du matériel. Cette situation est liée à l’émergence des processus primaires. Ceux-ci entraînent un flux associatif responsable du débordement des capacités de contrôle.

Les contenus utilisés par Thomas sont de plusieurs types : A, H, Objet, Géométrie, Symbole, Tache. Cette attitude témoigne d’une multiplicité des investissements du sujet. On peut noter un intérêt pour l’adaptation au monde social (A%), un léger investissement au monde relationnel interne (H%), une attention sur les contenus Objet et Géométrie et une légère importance aux contenus Tache et Symbole.

En s’intéressant au discours de Thomas, on peut noter une verbalisation excessive. Cette logorrhée va émailler tout le protocole. Le discours est souvent confus. On peut noter l’utilisation du pronom « Je ». Il apparaît dès la première planche pour signifier l’incapacité du sujet : « Je ne sais pas » ou pour annuler « au départ, j’ai dit ça », critiquer « je comprendrais », scruter « quand je regarde bien », déduire « je suppose que ». Ce qui est à l’origine de nombreux commentaires. En insistant par exemple sur le « je ne sais pas », Thomas met l’accent sur la méconnaissance, l’absence d’imagination. Ce qui note l’importance des mécanismes de dénégation. Un autre mécanisme important à noter est l’importance des précautions verbales présentes par l’expression « on dirait » ; des alternatives « Ou bien » qui se transforment parfois en annulation comme à la réponse 11 de la planche III : « Au départ, j’ai dit ça, mais on dirait les ouistitis, les petits singes. Chacun joue avec son bébé ». On remarque aussi que les réponses nombre sont très présentes comme à la planche X : « Deux poissons rouges…deux serpents...deux récipients…deux thermomètres…Quatre oiseaux…Deux crabes... ». Tous ces mécanismes montrent l’importance des procédés rigides dont le but est de tenter de coller à la réalité de la planche.

Si l’ensemble des commentaires se caractérise par le non savoir, cette méconnaissance peut s’inscrire dans une lutte contre l’émergence des fantasmes comme on peut le noter à la planche IV. Dans un premier temps, le sujet méconnaît le nom de l’animal. Après, il arrive à donner une représentation : « gorille ». Aussitôt, on note une dénégation liée certainement à la puissance phallique que représente la réponse « gorille ». A l’issue de cette dénégation, il y a une alternative moins phallique (« chimpanzé ») qui va prendre un caractère comique : « on lui a fait porter des chaussures talons dames ».

Ainsi, les éléments qualitatifs s’inscrivent dans un contexte de lutte contre les émergences pulsionnelles. Cette lutte se caractérise par la présence d’un discours logorrhéique, des mécanismes d’annulation, de dénégation ou d’alternative.

En ce qui concerne l’analyse qualitative, elle portera sur l’étude des facteurs pouvant aboutir aux interprétations. Autrement dit, à partir des différentes caractéristiques des réponses du sujet (modes d’appréhension, déterminants), il s’agira de cerner l’approche cognitive. De même, l’analyse des réponses kinesthésiques et sensorielles permettra de donner une idée de la dynamique conflictuelle du sujet.

Du point de vue de l’approche cognitive, deux facteurs peuvent aider à la comprendre : les modes d’appréhension et les déterminants. En ce qui concerne les modes d’appréhension, on peut noter que les réponses G apparaissent à toutes les planches, sauf aux planches pastel. Lorsqu’elles apparaissent, on peut les répartir en deux catégories de réponses : les réponses simples ne témoignant pas d’un effort d’élaboration (planches I, II, III, IV, V, VI) et celles manifestant un effort d’élaboration comme à la troisième réponse de la planche IV et à la planche VII (2/8 réponses). Ce qui témoigne des conduites mentales très passives.

On peut noter une rareté des banalités dans les réponses G simples. La présence de deux banalités aux planches I et V peuvent signifier un conformisme de la part de Thomas à la réalité extérieure. A moins que ce conformisme n’entraîne une difficulté d’adaptation comme le confirme le F+% qui est très bas. Quant aux réponses G organisées, la première (planche IV) est associée à un déterminant formel : «…Ou bien c’est un chimpanzé peut-être ». Cette réponse de mauvaise qualité formelle (G F-) vient à la suite d’une réponse G FClob, à l’origine de l’angoisse du sujet. Dans ce sens, le commentaire qui suit la représentation : «…On lui a fait porter des chaussures talons dames » est une défense maniaque permettant de lutter contre la représentation angoissante trop forte. Et c’est l’effet de l’angoisse suscitée par la masse noire de la planche qui se manifeste à travers cette réponse selon la conception du « fil projectif ». Dans ce cas, on peut dire qu’il y a un « effet inter réponse » ou « intra planche ». Même si la représentation donnée est de bonne qualité, on peut observer qu’en s’intéressant au nom de l’animal, Thomas est troublé. La défense mise en place va s’ébranler, conduisant Thomas à préciser le nom de l’animal phallique, se caractérisant par son envergure. Ce qui est à l’origine de son angoisse qu’il tente de maîtriser (FClob), d’où la dénégation qui suit. Vu la persistance des effets de la présence de l’angoisse, la réponse qui suit est de mauvaise qualité ; réponse accompagnée d’une alternative, d’une précaution verbale et enfin d’une défense maniaque.

La deuxième réponse élaborée (planche VII) est liée à une réponse kinesthésique : « Un oiseau qui vole avec des têtes au-dessus… ». Il s’agit d’une kinesthésie animale (G kan) ayant un accent libidinal. On peut noter un mouvement pas trop fort à travers cette kinesthésie. D’où une certaine passivité. Le sujet intègre la dimension relationnelle dont la suite de la réponse montre qu’il s’agit d’un lien par filiation : « …ses enfants peut-être… le petit qui pose sa tête sur la tête de sa maman et l’autre petit qui pose sa tête sur la tête de sa maman. ». La dimension étrange de la représentation le pousse à parler à l’enquête de génie, à cause de la multiplicité des têtes. La suite de la planche prend une connotation d’abord agressive : «..Ici, on dirait une crémaillère, il y a des dents qui se présentent là », ensuite, sexuelle : « Et quand je regarde bien, on dirait que c’est deux têtes posées sur la femelle…les cornes ici,…Il me semble que celui-ci c’est le cou… ».

Ainsi, à travers cette planche, peut-on voir que la première réponse s’inscrit dans la symbolique de la planche (maternelle) et que la suite des réponses met l’accent sur la sexualité. Comme si la c’étaient des effets des planches sexuelles (II, VI). Ce qui montre encore l’importance du « fil projectif ». En ce sens, on peut parler d’une relation « inter planches ».

En résumé, les réponses G mettent l’accent principalement sur le caractère passif des conduites. Lorsqu’elles sont actives, il s’agit d’une légère activité. Cette passivité qui caractérise le sujet rend compte de l’investissement des démarches cognitives et des positions identificatoires.

Pour ce qui est des réponses D, elles apparaissent à toutes les planches, sauf à la planche I. C’est aux planches X (10 réponses D) et VIII (6 réponses D) qu’elles apparaissent le plus. A ces planches, l’organisation synthétique est rendue difficile par l’impact des planches. A la planche VIII, l’ensemble des réponses D est associé à quatre déterminants différents : D F+, D FC, D kan et D F-. Ce qui montre l’existence d’une multiplicité des voies empruntées par le sujet pour lutter contre le trouble induit par le matériel. Après une banalité et un retrait narcissique lié à l’effet de symétrie, le sujet fait un aller/retour entre les contenus A et les contenus Objet. Lorsqu’il se réfère aux animaux, la vision est de mauvaise qualité (F-). Alors qu’en se référant aux objets, il réussit à contrôler la situation (FC). Les réponses liées aux déterminants FC sont des compromis d’un retour de refoulé (« Deux taches rouges… »).

L’apparition des réponses D aux autres planches peut s’inscrire dans cette lutte contre l’expression des fantasmes. A la planche II, l’interprétation de la tache porte sur la couleur rouge. A ce niveau, il y a prédominance de la forme (FC) : « c’est en forme de papillon ». L’agressivité réapparaît à la réponse, non seulement en investissant la couleur noire mais aussi par la présence d’une bête féroce : « tête d’un lion ». A la planche III, on note la présence de cette lutte. Quant à la planche X, la multiplication des réponses FC s’inscrit dans cette tentative de contrôle.

En ce qui concerne les réponses Dd, elles sont plus nombreuses. Elles apparaissent à toutes les planches, sauf à la 10. Ces réponses Dd sont plus nombreuses aux planches II (5 réponses), III (6 réponses), VII (4 réponses) et VIII (4 réponses). A toutes ces planches, elles sont associées à des déterminants FC, FC’, CF, kan et à des formes de mauvaise qualité. L’objectif de ces réponses est de lutter contre l’émergence des pulsions.

Pour ce qui est des réponses Dbl et Ddbl, elles sont peu nombreuses et apparaissent principalement aux planches I, II, IV et VI. A la planche I, la réponse Dbl semble déconnectée de la première réponse qui est vue sous forme de « chauve-souris », alors que la réponse intermaculaire est perçue sous forme de « point ». Cette réponse « point » pose le problème la lutte contre les fantasmes en évitant de représenter l’objet. On rencontre cette stratégie dans tout le protocole de Thomas. Il y a comme une forme d’isolation entre la première réponse spontanée et la réponse Dbl. Dans tous les cas, la réponse intermaculaire de la planche I pourrait soulever la problématique de l’intégrité corporelle chez Thomas, et par conséquent d’une faille narcissique.

A la planche II, les réponses intermaculaires viennent à la suite de la réponse donnée au spontané « chauve-souris ». Si la première réponse Dbl paraît plus imprécise par son contenu : «…petits points ronds », la deuxième réponse : «…partie blanche… ». s’inscrit dans l’expression d’une angoisse dépressive liée à une faille ou à un manque.

Quant aux réponses Ddbl, elles apparaissent aux planches IV et VI. A la planche IV, les réponses surviennent après une première réponse au spontané : « animal » ou « gorille ». Si la réponse intermaculaire se caractérise par son imprécision, la deuxième laisse entrevoir une intention persécutrice liée au regard : « …les yeux ouverts » et à l’ouie : « …oreilles… » qui peuvent être deux traits caractérisant l’image phallique, le persécuteur ou le sorcier. Dans ce sens, on peut dire que la relation à l’image phallique pourrait être persécutrice. A la planche VI, les réponses Ddbl sont imprécises. L’objectif pour le sujet est d’éviter la représentation pour lutter contre l’émergence des fantasmes.

Ainsi, les Dbl et les Ddbl s’inscrivent dans des contextes semblables. Si, à la planche I, elle évoque une faille narcissique, cette faille est renforcée à la planche IV, par la dimension persécutive de l’image phallique, génératrice d’angoisse. Les réponses D sur lesquelles s’appuient les Ddbl permettent de voir les failles du sujet.

Pour ce qui est des réponses formelles, on peut constater un contrôle formel insatisfaisant. Cette insatisfaction est liée à l’abondance de réponses de mauvaise qualité formelle aux planches I, II, IV, VI, VII et X. A travers ces planches, Thomas exprimerait la difficulté à assumer son agressivité. Celle est projetée sur un objet phallique qui devient persécuteur. On peut aussi noter l’existence des failles dans les relations maternelles précoces. La rareté des réponses kinesthésiques ne permet pas au sujet d’avoir recours à l’imaginaire. Pour cela, il n’y a pas d’effort d’élaboration des conflits, rendant invalidant le fonctionnement cognitif du sujet.

Ainsi, dans le fonctionnement cognitif, il n’y a pas de processus de mentalisation, donc de secondarisation. Ce qui suppose une difficulté de recours à l’imaginaire dans la démarche intellectuelle. Par contre, le fonctionnement cognitif repose sur un mode défensif et délirant. Les tentatives d’aménagement des conflits reposent sur des défenses de type labile (dénégation, annulation, commentaires, manifestations sensorielles).

Par ailleurs, on peut noter que les facteurs de socialisation sont pratiquement inexistants. Le D% est peu élevé (36%), les banalités sont rares (4), le F+% est sous représenté (34%). Seul, le A% est dans la moyenne (48%). Sur cette base, l’implication fantasmatique et émotionnelle est à l’origine des difficultés de contrôle de la réalité, des limites entre le dedans et le dehors. Ce qui rend plus difficile la socialisation chez Thomas. Sa vulnérabilité aux stimuli venant de l’extérieur est source de souffrance.

L’étude de la dynamique conflictuelle va tenir de l’analyse du Type de Résonance Intime et de ses composantes. Selon la formule du TRI, Thomas a un caractère extraversif. Celui-ci repose sur une prédominance sensorielle qui influence son fonctionnement mental et ses relations tant du monde interne que du monde externe. Pour cela, je vais analyser d’abord les réponses kinesthésiques, ensuite les réponses sensorielles.

Les réponses kinesthésiques ne sont pas nombreuses (2 K, 5 kan et 1 kp). En ce qui concerne les grandes kinesthésies, on les trouve aux planches III et IX. A la planche III, n : « … deux femmes qui préparent… ». La perception est correcte et banale ; le mouvement est léger, relationnel. L’identification est féminine. A la planche IX, on trouve : « Deux dames qui embrassent cette coupe ». A travers cette réponse, on peut noter que la perception est correcte, le mouvement projectif est libidinal chargé d’intensité érotique. L’identification est féminine. En revanche, il y a un attachement à un élément ayant une connotation féminine, en creux (« coupe »). A ce niveau, on pourrait avancer l’idée d’une relation homosexuelle refoulée.

Afin de comprendre une telle hypothèse, on va s’intéresser à l’analyse des réponses qui suivent les K. A la planche III, les réponses 2, 3 et 4 confirment l’identification féminine. En revanche à la réponse 5, le mouvement relationnel de la première réponse se transforme en un mouvement agressif maîtrisé. Malgré un mouvement de contrôle de l’agressivité (les chiennes sont réputées par leur agressivité), on peut noter l’existence d’une dimension phallique (« les cous ») et des pulsions orales : «…l’appétit de manger qui les anime ». Tout cela se termine par un mouvement fort libidinal : «…Chacun joue avec son bébé ». Quant à la planche IX, l’identification féminine est suivie d’un va et vient entre une identification masculine (« barbe ») et une féminine (« tresses »), entre attributs masculin et féminin. Cette hésitation va se terminer par une identification masculine (« chaque monsieur »), avec une dimension phallique (« barbe ») et anale (« dos »).

Ainsi, pour Thomas existe-t-il une difficulté d’identification. L’image phallique, persécutrice, est source d’angoisse. Celle-ci dépend de la culpabilité liée aux pulsions agressives. Dans le même sens, l’identification féminine est difficile à accepter compte tenu des relations précoces maternelles angoissantes.

Les kinesthésies animales sont présentes aux planches I, III, VII et VIII. A la planche I, on a : « C’est une chauve-souris qui vole. C’est peint en couleur noire ». La perception est correcte, banale. Le mouvement projectif est fort et s’inscrit dans une dimension narcissique car non relationnelle. Au niveau identificatoire, la chauve-souris sert de relais par l’intermédiaire du mécanisme de déplacement. Ce qui frappe cette réponse, c’est son association à la dimension sensorielle (« c’est peint en couleur noire »), montrant l’importance de l’aspect dépressif du sujet, malgré sa liberté (« vole »).

A la planche III, on a : «…les ouistitis, les petits singes. Chacun joue avec son bébé ». Cette planche témoigne du contenu latent de la planche : si la représentation des relations est reconnue, en revanche, il ne s’agit pas d’une triangulation. Le sujet voit une relation allant au-delà de trois personnes. On peut noter aussi un mouvement libidinal (« jouer »). Cependant, cette réponse est accompagnée d’un mécanisme d’annulation qui permet de laisser tomber l’identification humaine, féminine au règne animal : « Au départ, j’ai dit ça, mais on dirait… ». A partir de cette réponse, on peut aussi noter une différence de génération : « Chacun joue avec son bébé ».

A la planche VII, planche féminine et maternelle, on a : « Un oiseau qui vole avec des têtes au-dessus, ses enfants peut-être… ». A ce niveau, on peut dire qu’en tant que planche maternelle, la réponse est en phase avec le contenu latent de la planche. Cette réponse semble être la suite de la planche III et implique la relation mère/enfant. Quant à la planche VIII, on peut noter : «…on dirait une chauve-souris qui les attrape comme ça aux mains ». Cette réponse laisse présager de l’existence d’une dimension agressive chez le sujet qu’on peut percevoir à travers le verbe attraper qui n’est que le résultat d’un contrôle. D’ailleurs, l’existence de la réponse « taches rouges » suivante peut justifier l’existence de cette agressivité, non reconnaissable à cause du mécanisme d’isolation.

La kinesthésie partielle rencontrée à la troisième réponse de la planche III : « Et leurs mains ici, on dirait qu’elles attrapent un bouquet de fleurs, un pot de fleurs », s’inscrit dans la suite logique de la grande kinesthésie de la planche III. La mauvaise qualité formelle sur laquelle elle repose pourrait renvoyer à des tendances paranoïaques.

Ainsi, chez Thomas, il existe une double référence identificatoire (masculine et féminine). L’image masculine représente la force phallique alors que l’image féminine est maternelle, malgré l’existence des relations précoces angoissantes. La recherche d’identification masculine se fait une tentative d’évitement du conflit, de maîtrise de l’agressivité. Les difficultés de maniement de l’agressivité conduit à la vulnérabilité du sujet face aux stimuli extérieurs. Ce qui permet de montrer des failles du Moi.

En ce qui concerne les réponses sensorielles, elles se caractérisent par un nombre très élevé de réponses qui prennent en compte les caractéristiques du matériel (ΣC= 13,5). Dans ce sens, peut-on dire que la personnalité de Thomas est ouverte au monde extérieur ?

Comme on a pu le noter à travers les éléments qualitatifs, cette hypothèse est acceptable. Hypothèse que confirment les planches chromatiques. A la planche II, au-delà d’une rapidité dans le temps de réactivité, on note aussi un nombre élevé de réponses et une multiplication des réponses dictées par les couleurs noire et rouge ((7 sur 11 réponses). Quant aux planches pastel, leur présentation entraîne non seulement une diminution des réponses intégrant la couleur mais aussi une augmentation du temps de latence (10 sur 28 réponses). Cette diminution pourrait être liée à la situation de malaise né des effets de stimulations externes sur le sujet. Dans ce sens, la surenchère des réponses Dd peut-elle être liée à ce malaise ?

En analysant les planches rouges, on peut se rendre compte de l’importance de la dimension pulsionnelle agressive chez le sujet. A la planche II, si les réponses données portent sur la couleur rouge : «…en forme de papillon », « …points rouges sur les ailes… », « La partie rouge ici, genre plume, l’arrière est blanc et le devant est rouge », elles montrent aussi la capacité à contenir les pulsions agressives. Il en va de même pour la planche III où, malgré, une irruption de l’agressivité (« les têtes, on dirait des chiennes »), celle-ci est vite contenue. On peut le remarquer avec les termes de « décoration », « oiseaux gendarmes » qui essaient de contrôler l’angoisse. Par ailleurs, on peut aussi dire que les termes « tête », « coup » « genoux » montrent l’existence des attributs phalliques chez le sujet.

Aux planches pastel, il y a un reflet narcissique (« Deux animaux de part et d’autre ») qui sert d’isolation entre les représentations (« animaux » et « tenue » ou « taches rouges »). La prise en compte des référents phalliques (« têtes », « tronc ») montre l’existence d’une sexualité chez le sujet. Ces référents sont associés aux couleurs ou marqués par l’isolement. Les réponses couleur se présentent sous la forme de FC, à l’origine d’un certain contrôle, malgré la présence d’une réponse CF liée à une tentative d’expression de l’agressivité.

A la planche IX, en référence avec l’imago maternelle, il apparaît une seule référence à la couleur (FC). Cette imago maternelle est ressentie comme une image divine à vénérer, à adorer à l’image de « Dieu ». Ici, le contrôle permet de maîtriser des relations précoces agressives du sujet. Dans ce cas, le mécanisme interprétatif en relation avec le divin est un mécanisme de déni. Il ne tient pas compte des premières relations insatisfaisantes, de manque (d’où peut-être la présence des réponses intermaculaires) à l’origine des réponses agressives du sujet.

Quant à la planche X, on peut noter plusieurs réponses couleur. Hormis la première réponse couleur qui montre un contrôle des pulsions orales, agressives : « …Deux poissons qui ont avalé, genre deux serpents », les autres réponses se caractérisent par le mécanisme d’isolation. Ces pulsions orales et agressives qui apparaissent à cette dernière planche est de mauvaise augure pour le sujet. Cela montre que le sujet n’a pas pu maîtriser ses pulsions agressives. Pour cela, cette dernière planche s’oppose à la planche IX. Dans ce cas, l’action de la prière, de Dieu n’a pas eu d’effet favorable chez le sujet.

Ainsi, la réactivité de Thomas relève d’une difficulté à contrôler les pulsions agressives qui font écho aux stimuli externes. Le contrôle de ces pulsions, notamment par la religion, ne constitue pas un mécanisme de défense efficace pour contrôler les sollicitations venant du monde interne.

En résumé, on peut tirer quelques interprétations de l’analyse du cas Thomas. Sur le plan diagnostique, il s’agit d’une organisation psychotique. Celle-ci se caractérise par un rapport au réel qui est de mauvaise qualité dans tout le protocole. L’espace psychique ne permet pas des élaborations fantasmatiques véritables. On note un fonctionnement dans lequel il existe un empiétement du registre de l’imaginaire sur le réel. Ce fonctionnement s’appuie sur des défenses appartenant au registre labile : dénégation, annulation. D’un point de vue conflictuel, on note des mouvements pulsionnels agressifs et libidinaux. Ces mouvements agressifs peuvent être invalidants. Ce qui permet l’utilisation des défenses citées ci-dessus pour les combattre. Le registre de ces conflits repose sur un maniement de l’agressivité et de l’angoisse de perte d’objet, entraînant un malaise dans le choix des identifications sexuelles.

La présence de mécanismes de défense labiles parasite le fonctionnement mental et sa dynamique, ainsi que l’utilisation de l’imaginaire et l’élaboration des conflits. L’exposition aux stimuli externes constitue un risque pour Thomas qui vont l’entraîner dans des positions de plus en plus régressives. Cependant, la religion peut permettre ce contrôle des pulsions agressives.

Comment ces conflits notés chez Thomas peuvent-ils s’exprimer à travers une épreuve thématique (TAT) ?