L’état dépressif dans lequel se trouve Martine soulève la question des facteurs à l’origine de cet état. Après avoir analysé ces facteurs, il s’agira de comprendre la personnalité du sujet sur la base du Rorschach.
Martine se situe dans un état dépressif qui peut être saisi à partir de deux symptômes : l’amaigrissement et les plaintes somatiques. Ces deux symptômes semblent importants pour la compréhension de la pathologie du sujet. La pathologie de Martine se situe sur le plan psychosomatique. Selon F. Marty (1976), celle-ci s’inscrit dans un champ où les conflits psychiques se déversent sur le soma. Cette expression par le soma est le résultat d’un conflit psychique que vit le sujet. Dans ce sens, l’amaigrissement et les plaintes auxquels Martine fait allusion peuvent être le résultat d’un conflit psychique. Sur quoi porte alors ce conflit ?
De l’ensemble des entretiens recueillis, on peut noter que Martine présente un état dépressif. Trois niveaux caractérisent cet état, à savoir l’activité psychomotrice, l’humeur et le somatique.
En effet, lorsque Martine se présente à l’entretien, elle présente un ralentissement des gestes, de la démarche, du débit verbal et de concentration. D’un point de vue psychopathologique, on parlerait de ralentissement psychomoteur. Par ailleurs, on peut aussi noter une tristesse, avec le ton de la voix exprimant un abattement ou un découragement. Sur le plan somatique, Martine est de taille longiligne et donne des signes de fatigue, avec un visage las. Au cours des entretiens, elle évoque des troubles de sommeil (insomnie), un amaigrissement important ou encore des douleurs somatiques au niveau du « ventre » ou du « bas ventre ». Ces principaux syndromes constituent l’état dépressif de Martine.
Sur cette base, trois éléments principaux vont couvrir le tableau symptomatique de Martine : l’amaigrissement, les douleurs somatiques et les insomnies. Face à cela, la question est de savoir quels sont les événements responsables de cet état dépressif chez le sujet ?
Les problèmes de santé auxquels est confrontée Martine peuvent constituer un des facteurs responsables de son état dépressif. En effet, l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G.) subie a dû entraîner des séquelles non seulement sur le plan psychologique mais aussi sur le plan somatique, d’autant plus qu’elle s’était mal passée, d’où l’état de coma. Même si Martine semble avoir recouvrer sa santé, en mettant au monde un autre enfant, il n’en demeure pas moins qu’un des organes, le ventre, a pu garder des séquelles. A tel point qu’il constitue le lieu responsable des douleurs somatiques. Pour cela, cet organe semble avoir été fragilisé. Avec l’amaigrissement, le ventre est l’objet des plaintes de la part du sujet. On peut alors parler de syndrome psychosomatique.
Au-delà de ce facteur somatique, un autre semble important pour la compréhension du fonctionnement psychique du sujet. En tant que femme au foyer, Martine est dans une situation conflictuelle avec son époux. Car celui-ci déserte de temps en temps le domicile familial. Cette infidélité entraîne chez Martine une perte de l’estime de soi. Cette perte est liée à un sentiment de rivalité portant sur les femmes que son époux fréquente. Ce qui va des conséquences psychologiques sur le sujet : amaigrissement, troubles de sommeil. Dans cette perspective, les conflits conjugaux peuvent être considérés comme un facteur responsable de l’expression de l’état dépressif de Martine. Ainsi, convient-il de se demander quelle origine de ce conflit chez le sujet ?
L’état dépressif se manifeste par une somatisation de Martine. Les problèmes conjugaux vont être à l’origine d’une situation conflictuelle chez le sujet et à l’origine de son amaigrissement et des douleurs du ventre. Ceux-ci constituent pour Martine le langage par lequel elle peut exprimer sa souffrance. On peut alors parler de « dépression masquée ». Si l’amaigrissement est visible, en revanche, ce n’est pas le cas pour les douleurs du ventre. Car selon les examens médicaux qui ont été faits, il n’existerait aucune anomalie. Pour cela, on pourrait parler d’hypocondrie.
Selon J. Chemouni (2000, 3) 179 , les troubles psychosomatiques sont des « désordres somatiques qui ont en commun l’implication des facteurs psychiques dans la constitution, l’émergence, le maintien ou la thérapeutique des désordres somatiques ». F. Alexander (1952) 180 note que des troubles émotionnels prolongés peuvent être à l’origine des troubles somatiques. Seulement, ces troubles émotionnels doivent reposer sur une problématique conflictuelle. Chez ces personnes qui somatisent, il y a un fonctionnement psychique de type « opératoire » (P. Marty et M. de M’Uzan, 1962) 181 . Ce fonctionnement se caractérise par une pauvreté de l’activité fantasmatique. Et le soma constitue la voie d’expression la plus privilégiée. Dans le cas de Martine, on peut voir que son corps est le moyen le plus utilisée pour s’exprimer : elle maigrit et a mal au ventre. Une autre question est de savoir pourquoi le ventre est le seul lieu choisi par le sujet pour exprimer sa souffrance ?
Selon F. Alexander (1952), le choix de l’organe atteint dépendra du type de trouble émotionnel. Autrement dit, chaque trouble organique correspond à un trouble émotionnel spécifique.
Jacquy Chemouni, Psychosomatique de l’enfant et de l’adulte. Paris, Nathan, 2000, 165 p.
Franz Alexander (1952). La médecine psychosomatique. Paris, Payot, 1977.
Pierre Marty et Michel de M’Uzan (1962) La pensée opératoire.. Revue Française de Psychanalyse, 1963, 27, pp. 345-356.