2.1. Les relations sujet/groupe

La relation sujet/groupe paraît essentielle pour comprendre le sens des conduites et des comportements du sujet, normal ou pathologique. En milieu traditionnel, le sentiment d’appartenance au groupe est beaucoup plus développé qu’en milieu occidental (A. Zemplini et J. Rabain, 1965) 195 . Cette appartenance s’exprime par l’utilisation des croyances appartenant au groupe. Par exemple, dans sa famille, il se dit que la tante ou le père, voire la mère est une sorcière. Sur la base de cette appartenance, il y a un « On » surmoïque qui se caractérise par les représentations de la famille, du groupe, montrant ainsi le poids de la culture sur le sujet. Ce qui fait naître un sentiment de culpabilité et une angoisse lorsque le sujet pose un acte répréhensible par la société ou le groupe.

Chez Angèle, on peut noter dans son discours une référence au bien et au mal, bon et mauvais. Avec cette référence, il y a non seulement une opposition, une sorte de manichéisme mais aussi et surtout un sentiment d’ambivalence très présent chez le sujet. A certains moments, les personnages comme la tante, l’oncle ont été vécus comme faisant du Bien et aussi comme bons. Maintenant, ils sont vus par le sujet comme étant à l’origine du mal.

Dans le cas de François, on peut noter l’existence des croyances liées à la rose croix ou franc-maçonnerie. Dans ces mouvements, selon les représentations culturelles, l’idée du mal est mise en avant. Selon les croyances et représentations sociales, un maçon est celui qui tue. A tel point qu’appartenir à la franc-maçonnerie, c’est faire des sacrifices. Ceux-ci se caractérisent par le fait de donner la mort, des pratiques diaboliques, mystiques dont le but est de donner la mort, etc.

Chez ces sujets, on peut remarquer un changement de représentations. Le sujet délaisse les croyances traditionnelles (initiation, consultation des nganga) pour le christianisme. En fréquentant les églises, il y a un renversement, substitution des valeurs identificatoires de la tradition par Jésus-Christ qui guérit, qui est le « sauveur ». Par la référence au christianisme et à Jésus, il y a une substitution de la cosmogonie gabonaise traditionnelle par rapport aux représentations judéo-chrétiennes : Jésus, Dieu, etc. Cette référence au Dieu chrétien est à l’origine d’un problème d’identification. On peut y voir aussi un conflit entre différents niveaux de désir chez le sujet.

La relation du sujet au groupe permet de comprendre et de donner un sens aux conduites pathologiques du sujet. Les représentations de la maladie mentale que ressortent les sujets dans leur discours existent bien dans leur groupe familial et dans la société. Pour Angèle par exemple, la lignée paternelle (le père, la tante) et la lignée maternelle (la mère, l’oncle) sont des personnes qui ont déjà été l’objet des accusations de sorcellerie. Certaines consultations faites par le sujet ont pu confirmer la connivence des lignées (paternelle et maternelle) comme à l’origine de ses difficultés de santé et de ses échecs : « …à certains moments, on attrape le côté paternel, à d’autres moments, c’est le côté maternel. Parfois, ce sont les deux côtés, ils sont de connivence… », affirme la patiente.

Ainsi, le conflit entre le sujet et son groupe d’appartenance peut être source d’angoisse. De ce fait, quelle est l’influence des représentations culturelles dans l’interprétation de la maladie ?

Notes
195.

Andras Zemplini et Jacqueline Rabain, L’enfant Nit-Ku-Bon. Psychopathologie africaine, 1965, I, n°3, pp. 329-441.