1.2. La question de l’implication subjective du chercheur

Dans la situation projective, le clinicien ou le chercheur constitue un des pôles de la situation. Sa présence participe à la dynamique transféro/contre-tranférentielle et porte sur l’ensemble de ressentiments dus aux différentes représentations rencontrées par les sujets dans la relation projective. Ce sont en particulier les situations d’inhibition qui m’ont conduit à m’intéresser à ma propre implication dont le but était, peut-être, de servir au sujet de contenant à la production des réponses. A travers cette dynamique, le chercheur peut devenir un contenant. Dans la relation clinique avec les sujets confrontés à la problématique de la sorcellerie, comment réussir à lever cette inhibition ?

En tant que sujet connaissant, j’ai une part dans la construction de la relation projective. Garantir un « environnement suffisamment bon » comme le note D. Winnicott (1971) 232 est essentiel. Pour cela, la question du partage des origines semble importante. Selon l’origine de la personne, cette relation peut ou ne pas bien se dérouler. Dans le cas d’Angèle par exemple, après une inhibition au spontané de la planche V du Rorschach, l’expression de la forme « masque  » en langue Punu a été possible à l’enquête, peut-être, parce que je partage avec elle la même origine linguistique. D’ailleurs, une question m’a été posée par rapport à une des réponses données en langue Punu : « On appelle ça Dupung (chauve-souris), Vous comprenez Punu, vous êtes Punu non ? ».

Comme si le sujet, en utilisant sa langue maternelle pouvait s’exprimer facilement. Face à un clinicien de culture étrangère, l’expression aurait été la même ? Cette situation aurait-elle encore contribué à renforcer l’inhibition du sujet ou de la lever ? Mais je pense n’avoir pas été très attentif à cette demande. Peut-être que c’était une façon pour moi d’éviter tout risque. Imaginez que j’aurais fait passer le Rorschach en langue Punu. Aurais-je obtenu la levée de cette inhibition ? Quelle place le relationnel peut-il avoir dans l’expression de certaines formes ou au contraire la renforcer ?

Ainsi, à travers ces situations projectives, l’inhibition, le refoulement notés chez Angèle étaient-ils le résultat d’une répétition ? Dans ce sens, qu’est-ce qui vient se répéter dans l’institution venant bloquer le sujet ? Quelles peuvent être les conséquences sur la thérapie du sujet ou sur le dispositif de recherche ?

Ici, on peut noter que l’institution psychiatrique, à travers les tests projectifs, a sa part dans la construction de la situation projective. Par son caractère non figuratif, le Rorschach, en tant qu’objet nouveau et « étrange », doit faire peur de la même façon que le sorcier au village. A travers la passation du Rorschach, il y a donc une répétition de la peur du sorcier. Ce qui conduit à l’expression d’une inhibition chez le sujet. Dans ce cas, le matériel projectif et l’objet persécuteur se trouvent intriqués.

Notes
232.

Donald Woods Winnicott (1971), Jeu et réalité. L’espace potentiel. Paris, Gallimard, 2002, 276 p.