1. De la représentation à la symbolisation

La première hypothèse a permis de noter que dans la société gabonaise, lorsqu’un individu veut expliquer et comprendre un phénomène, un fait, notamment la maladie mentale, il se réfère aux croyances à la sorcellerie. A travers cette représentation, il convient de noter qu’il y a une répétition à l’identique, c’est-à-dire une utilisation des mêmes représentations par le sujet pour comprendre un fait. Mais que peut signifier cette répétition à l’identique observable chez les individus ? Quels sont les processus qui sous-tendent cette répétition ?

Dans la répétition à l’identique, S. Freud (1920) 237 parle de « compulsion de répétition » qui est, selon J. Laplanche et J-B. Pontalis (1967) 238  :

« un processus incoercible et d’origine inconsciente par lequel le sujet se place activement dans des situations pénibles, répétant ainsi des expériences anciennes sans se souvenir du prototype et avec au contraire l’impression très vite qu’il s’agit de quelque chose qui est pleinement motivé dans l’actuel ». Par ailleurs, pour E. Roudinesco et M. Plon (1997) 239  :

« les idées de compulsion et de répétition rendent compte d’un processus inconscient, et comme tel immaîtrisable, qui contraint le sujet à reproduire des séquences (actes, idées, pensées ou rêves) qui furent à l’origine génératrices de souffrance et qui ont conservé ce caractère douloureux ».

D’un point de vue clinique, la surenchère des représentations culturelles dans le discours, les actes, les conduites ou les situations vécues par les sujets justifie bien cette répétition. Dans la plupart des cas qui ont été rencontrés au cours de cette recherche, on peut noter une surdétermination des représentations et en particulier des croyances dans l’explication de la maladie mentale. Le retour du même, des mêmes représentations (sorcellerie) prend une valeur compulsive et apparaît sous la forme d’un automatisme. D’où l’expression de « compulsion de répétition » utilisée par S. Freud (1920). Cependant, si certains attendent qu’ils soient face à une difficulté (difficulté de guérison par l’hôpital), chez d’autres la référence aux représentations est quasi-systématique ; elle se fait inconsciemment. C’est le cas par exemple des malades eux-mêmes qui ne réfléchissent pas et qui se mettent à accuser tel ou tel autre membre de la famille.

Mais à travers la répétition de compulsion, il y a quelque chose d’actuel n’ayant forcément aucun lien avec le passé du sujet. Dans ce sens, qu’en est-il des situations de non souffrance psychique ? La répétition ne vient-elle pas combler le manque, l’absence de réponse à l’origine de l’augmentation de l’angoisse chez le sujet ? Mais à quoi peut renvoyer cette répétition ? Sur les plans clinique et psychopathologique, de nombreux travaux se sont intéressés à la répétition comme expression d’un traumatisme et comme expression de l’échec de la maîtrise d’un trauma.

Notes
237.

Sigmund Freud (1920), Au-delà du principe de plaisir. Essais de Psychanalyse, Paris, Payot et Rivages, 2001, pp. 47-128.

238.

Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la Psychanalyse. Paris, PUF, 1967.

239.

Elisabeth Roudinesco et Michel Plon, Dictionnaire de la Psychanalyse. Paris, Librairie Arthème Fayard, 1997.