2.1. La possession par les esprits

La conception traditionnelle met en exergue l’existence d’un monde composé des esprits, des génies, etc. En général, ces esprits se rencontrent dans des milieux naturels (eaux, forêts, arbres, etc.). Certains de ces esprits peuvent se trouver dans des maisons car ils sont gardés par des êtres humains. Etant dans ces milieux, ces esprits ne doivent pas être dérangés : seules les personnes initiées peuvent les rapprocher. Cependant, certains individus soit par inadvertance, soit de façon volontaire (suite à leurs pratiques magiques), peuvent contrevenir à ce règlement par la violation des interdits.

Cette perturbation de la quiétude des esprits va être à l’origine d’un désordre, à l’origine de la maladie chez la personne coupable. D’un point de vue psychologique, on peut rapprocher cette perturbation à une transgression de la « prohibition de l’inceste » (S. Freud, 1913), à l’origine d’un conflit psychique, de sentiments de culpabilité. Cette problématique de la culpabilité est tout à fait universelle. Ainsi, ce désordre créé va être à l’origine de certaines pathologies se caractérisant par la possession par les esprits ou les génies. Si on se réfère au cas François 263 qui a cassé la « dame-jeanne de sang » trouvé dans le bureau de son beau-frère qui lui était interdit d’accès –en considérant que ce soit vrai –on peut se dire qu’il a dérangé les esprits qui dormaient et qui seraient à l’origine de ses difficultés.

I. Sow (1977) parle de conflit relationnel qui serait à l’origine des troubles psychologiques du sujet. Ce conflit relationnel se situe entre le sujet et le monde des esprits représenté par la « dame-jeanne de sang ». Il en va de même pour les génies qui lorsqu’ils sont dérangés ou ne sont pas honorés peuvent entraîner des difficultés chez le sujet. Chez certains peuples du Gabon, avant leur adolescence, les filles doivent subir un rite de passage se caractérisant par une initiation. Celui-ci a pour but de calmer ou d’apprivoiser les esprits. Mais il se trouve que certaines filles n’effectuent pas ce rite. Avec le temps, ces esprits prennent l’ampleur et finissent par poser des difficultés manifestes chez le sujet, aboutissant à des comportements hystériques, avec des crises de possession.

Dans ces situations, la prise en charge thérapeutique passe par l’initiation du sujet. L’un des objectifs de cette initiation est de permettre son intégration dans la communauté des femmes. Tel est par exemple le cas de certains esprits ou génies comme le mbumba décrit par Mamboundou Mounguengui (1984) qui est un génie qu’on retrouve chez les femmes habitant les régions côtières. Ces génies seraient à l’origine des troubles psychologiques chez ces femmes. Dans cette perspective, le Mugulu, en tant que technique thérapeutique traditionnelle basée sur une initiation, permet de prendre en charge ce type de pathologie.

Notes
263.

Voir annexes.