L’envoûtement est une technique magique. Dans certains milieux (Afrique de l’Ouest), on parle de « maraboutage ». Dans cette forme de relation, le sujet est opposé à un persécuteur qui, par ses pratiques magiques, veut l’atteindre mystiquement. On retrouve cette pratique le plus souvent dans le cadre de la jalousie : conjugale, professionnelle, etc. Les sentiments de haine ou de rivalité chez les femmes peuvent aussi être à l’origine de ce genre de comportements. En se référant au cas de Martine 266 , le sujet évoque la présence d’une femme dans la vie de son mari chez qui, il va dormir, en désertant son foyer conjugal. A travers ce cas, on peut aussi noter la problématique de l’envoûtement.
L’origine de l’envoûtement est la rivalité liée à une jalousie entre le sujet et sa rivale. Deux symptômes peuvent permettent de caractériser ce tableau clinique : la dépression et l’amaigrissement comme principal symptôme somatique. Cette déprime sera accentuée par le sentiment d’abandon de la part de l’époux. Ce qui est à l’origine des troubles psychologiques plus graves.
D’un point de vue psychologique, il y a un conflit en jeu. L’origine de ce conflit serait génitale et phallique. Pour M-C. et E. Ortigues (1984) 267 , il existe plusieurs caractéristiques pouvant permettre de comprendre cette problématique de l’envoûtement. Du point de vue formel, il s’agirait d’une relation à trois. L’interprétation de l’envoûtement suppose le couple génital. La place du persécuteur lui est assignée par celle qu’il détient dans le triangle oedipien. En général, une personne est envoûtée par son rival oedipien ou par le rival oedipien d’un de ses deux géniteurs (avec bien entendu tous les déplacements possibles). Et si une relation duelle mal dépassée sous-tend souvent une relation oedipienne naissante, celle-ci est néanmoins clairement posée et posable.
D’un point de vue du contenu fantasmatique, il y aurait le thème de castration phallique. L’envoûté est menacé ou atteint dans sa sexualité, soit directement avec des signes comme : impuissance, stérilité, avortement, échecs divers à s’attacher un partenaire sexuel, atteinte à la santé ou la réussite de ses enfants ; soit symboliquement au niveau de sa santé mentale, de ses capacités intellectuelles, dans sa réussite sociale, de son corps. Le corps peut être atteint de multiples façons (troubles fonctionnels ou de la motricité). Ainsi, c’est la vie de la relation qui est souvent mise en jeu. Si une maladie organique est imputée à l’envoûtement, elle est signifiante pour le sujet de castration phallique, comme c’est le cas de Martine.
Du point de vue de l’image du corps, pour M-C et E. Ortigues (1984), les représentations sont celles de castration d’un corps sexué, par atteinte d’un organe ou d’une fonction qui a valeur génitale. Ici, on peut remarquer la présence du « ventre », du « bas ventre ». Du point de vue du vécu, l’angoisse est différenciée. Dans les cas où elle reste diffuse, flottante, on ne trouve pas le sentiment de mort imminente, de danger vital immédiat, mais le sentiment de perdre sa force, son courage, ses possibilités créatrices. Son « élan vital » est « mangé ». Dans cette perspective, le thème d’envoûtement apparaît comme la mise en forme traditionnelle d’un conflit. Et l’utilisation par la collectivité de cette thématique d’envoûtement est l’expression d’un certain type de relation intersubjective, relation de type phallique.
Voir Annexes.
Marie-Cécile et Edmond Ortigues, Œdipe africain. Paris, L’Harmattan, 324 p.