CONCLUSION GENERALE

Au terme de cette recherche qui n’a pas la prétention d’être exhaustive, mais qui est plutôt le début d’une étape qui se poursuivra, on va tenter de résumer les principales caractéristiques.

Malgré l’existence de la modernité, notamment de la démarche scientifique, on peut noter une utilisation répétée des représentations culturelles pour représenter la maladie mentale. Cette répétition des représentations soulève la question des processus de symbolisation qui sous-tendent ces représentations. De ce fait, se pose alors la question des relations entre le contexte culturel et les processus de symbolisation. Ces relations impliquent d’une part, la prise en compte des représentations sociales de la maladie mentale. Et d’autre part, les différentes représentations possède sur sa maladie. Il s’agit alors de comprendre comment le sujet symbolise sa maladie.

Ces deux approches ont été toujours été utilisées chacune de son côté. Afin de comprendre l’objet de recherche, il a semblé intéressant de lier les deux approches, dans une certaine complémentarité. Dans ce sens, apparaît la troisième approche qui consiste à mettre en relation les représentations issues de la subjectivité du sujet en relation avec les croyances existant dans la société. Ce qui permet alors de voir comment se fait le passage des représentations sociales et culturelles en représentations psychiques. Ainsi, à travers cette problématique se pose la question de l’importance du « sujet social » dans cette recherche.

En se situant dans une démarche de « clinique sociale », il s’agit de prendre en compte le sujet dans sa relation, notamment des représentations culturelles. En s’intéressant à ces représentations, objet de l’anthropologie, il s’agit de comprendre l’impact psychologique de ces représentations. Ainsi, qu’est-ce qui caractérise ces représentations ? Sur quoi repose l’utilisation de ces représentations ? Quels sont les processus psychiques qui sous-tendent l’utilisation de ces représentations ? Comment s’expriment ces représentations chez le sujet ?

L’utilisation des représentations culturelles implique un ensemble de processus dits de symbolisation. Ce qui implique une approche méthodologique particulière dite « clinique sociale ». Cette approche implique d’une part, l’utilisation d’une approche psychosociale des représentations. Ce qui a permis de saisir les différentes de ces représentations, leur répartition dans la société, etc. Et d’autre part, on a utilisé une approche clinique et psychopathologique afin de comprendre le fonctionnement de chaque sujet utilisant les croyances. Pour cela, on a utilisé d’un côté, le questionnaire et de l’autre, les entretiens et la méthodologie projective (Rorschach et TAT).

Afin de réaliser cette recherche, quatre idées principales ont été émises, à savoir : 1/ l’utilisation des représentations culturelles repose sur un « système de pensée » qui permet d’orienter les comportements, et par conséquent, le recours aux thérapies traditionnelles. 2/ L’utilisation répétée des croyances à la sorcellerie permet de symboliser les angoisses et les difficultés auxquelles le sujet est confronté. 3/ Il existe une relation entre les représentations de la maladie mentale et celles existant dans la société. 4/ Le Rorschach en particulier peut être le lieu d’expression et permet de saisir les différentes formes de symbolisation.

De ces idées principales, il ressort quelques résultats qui constituent l’essentiel de cette recherche. Premièrement, on a pu noter que les représentations culturelles jouent un rôle très important dans la société. Ces représentations se caractérisent par trois grands ensembles de croyances : médicales, religieuses et traditionnelles. Chacune de ces représentations prend appui sur des croyances spécifiques.

Les représentations médicales reposent sur des croyances institutionnelles et scientifiques dont la démarche scientifique est une des caractéristiques, avec l’administration de la preuve. Dans ce sens, la clinique psychiatrique et la psychopathologie sont utilisées pour pouvoir interpréter le phénomène morbide. Les représentations religieuses reposent sur des croyances religieuses modernes, principalement sur les religions chrétiennes (protestantes et évangéliques, catholiques). L’utilisation des prières, des pratiques exorcistes se situe dans le but de pouvoir absoudre le péché et recouvrer la guérison. Quant aux représentations traditionnelles, elles reposent sur des croyances à la sorcellerie, aux esprits, génies, ancêtres, sur des pratiques magiques, envoûtement, etc. La référence aux nganga se situe par rapport à l’existence de ces croyances. Chacune de ces représentations est utilisée dans la société. Un individu va représenter la maladie mentale et utiliser les thérapies en fonction de ses croyances d’origine ou de celles de ses parents. Cependant, il convient de noter que ce sont les représentations traditionnelles qui sont le plus usitées pour comprendre la maladie mentale.

L’utilisation fréquente des croyances traditionnelles sont liée à la durée du phénomène morbide, à l’inefficacité des thérapies institutionnelles. En cas d’absence de résultat dans la prise en charge du patient à l’hôpital ou dans une église, il sera amené à consulter un nganga. Cette situation se fait aussi dans le sens inverse, c’est-à-dire qu’après une charge non efficace chez les nganga, le patient sera conduit à l’hôpital ou chez un pasteur. Ce qui entraîne alors une multiplication des itinéraires thérapeutiques. Parfois, devant le désir de guérison de certains patients, on peut noter une multiplications des thérapies : un patient peut être suivi à la fois par un médecin, un pasteur et un nganga. Si cette combinaison des thérapies –qui ne sont pas du même ordre –peut permettre une certaine évolution chez le patient, en revanche, elle brouille et pose le problème de la prise en charge car elle ne permet pas d’évaluer la thérapie responsable de la prise en charge.

La répétition des représentations culturelles pour représenter la maladie mentale repose sur des « systèmes de pensée » existant dans la société. Dans le cas des croyances à la sorcellerie, il convient de noter que dans la pensée traditionnelle, le monde est divisé en deux comprenant d’un côté, le monde objectif et visible (monde diurne), et de l’autre, le monde invisible composé des sorciers qui jettent les sorts. Et la maladie mentale serait le résultat des actions maléfiques de ces sorciers. De ce fait, la sorcellerie permet de diriger les comportements et les conduites des sujets. Face à la maladie mentale, le sujet a tendance à utiliser ce système de pensée pour comprendre et expliquer le phénomène auquel il est confronté, et par conséquent, à utiliser les thérapies traditionnelles.

Ainsi, cette référence aux croyances se fait chez tous les individus dans la société, quels que soient le sexe, l’âge, la zone d’habitation, la religion. Cette référence est encore plus nette chez le sujet pris individuellement ou est confronté à une souffrance psychique.

Si la représentation de la maladie mentale repose sur l’utilisation des « systèmes de pensée », il convient de noter qu’au niveau individuel, l’utilisation des croyances à la sorcellerie par exemple, permet de symboliser les angoisses et les difficultés auxquelles les individus sont confrontés. En s’intéressant à des sujets présentant des souffrances psychiques internés en psychiatrie pour la plupart, on a pu noter de graves troubles de la personnalité chez les patients. D’un point de vue clinique, chez Angèle, Pierre, François et Thomas, on a observé la présence des délires, des hallucinations. Alors que chez Martine, il s’agissait des troubles psychosomatiques accompagnés d’idées de persécution.

L’approche psychopathologique a permis de noter que les sujets (Angèle, Pierre, François et Thomas) présentaient des personnalités désorganisées dont les symptômes délirants, hallucinatoires étaient l’expression. L’origine des traumatismes se situeraient dans leur petite enfance. Sur la base du Rorschach, on a pu comprendre que ce sont les difficultés relationnelles maternelles précoces, entre les sujets et leur premier objet d’amour (mère). Par exemple, ces difficultés relationnelles sont manifestes aux planches I et IX, planches des imagos maternelles. Ces difficultés sont aussi manifestes au TAT par la présence de la problématique de la perte d’objet d’amour. De ce fait, on peut dire que ces situations ont pu entraîner la fragilité psychologique des sujets. En ce qui concerne Martine qui n’appartient pas à la même structure psychopathologique que les autres, son état dépressif serait lié à l’émergence d’une problématique oedipienne. Celle-ci repose sur une angoisse de castration dont la somatisation au niveau de l’organe féminin (« ventre ») n’est que l’expression.

Les difficultés d’étayage, d’identification à l’origine des problèmes identitaires auraient entraîné des angoisses de perte d’objet, de morcellement qui, renforcées par l’existence des difficultés existentielles des sujets (chômage, déception sentimentale, deuils, conflits relationnels), auraient participer à la décompensation psychopathologique des sujets.

Chez les cinq cas cliniques étudiés, leur point commun est d’avoir utilisé dans leur discours des croyances religieuses et traditionnelles (croyances à la sorcellerie) pour expliquer l’origine de leur maladie mentale. C’est le cas d’Angèle qui fait allusion à sa tante, « sorcière », qui l’aurait rendue malade ou de son oncle, « rosicrucien » 270 , qui l’a sacrifiée pour son ascension sociale (puisqu’il est député) ou encore plus tard, elle parlera du péché qu’elle aurait commis et pour lequel elle aurait été punie, en devenant malade mentale. Il en va de même pour Martine qui attribuait l’origine de sa souffrance (amaigrissement, douleurs ventraux) à son oncle qui a été accusé de sorcellerie dans la famille. L’utilisation de ces croyances obéit à des « systèmes de pensée » existant dans la société. D’un côté, il y a une pensée religieuse qui explique la maladie comme étant la conséquence d’un péché commis par l’être humain. Dans ce sens, la maladie est vécue comme une « punition divine ». de l’autre, il y a une pensée dite « traditionnelle », reposant principalement sur l’utilisation des croyances à la sorcellerie, comme étant le facteur étiologique de la maladie mentale.

En présentant la maladie mentale comme étant la conséquence du péché, la pensée religieuse trouve son origine dans la pensée judéo-chrétienne qui met en avant la notion du Bien et celle du mal. Alors que les croyances à la sorcellerie reposent sur un « système persécutif ». Sur le plan épistémologique, cela entraîne chez le sujet d’une part, la présence des sentiments de culpabilité, en situant l’origine de la maladie mentale à l’intérieur du sujet ; et d’autre part, par les sentiments de persécution, le sujet situe l’origine du mal à l’extérieur. Ce qui constitue deux types de fonctionnement auquel se réfère les sujets dans la société. Si c’est le fonctionnement du type persécutif qui caractérise la majorité des individus vivant dans la société, avec l’utilisation quasi-systématique des croyances à la sorcellerie, il convient de noter un début de renversement du type de fonctionnement. Pour cela, on note le passage du fonctionnement persécutif au fonctionnement reposant sur la culpabilité des sujets. Cette situation pourrait liée à la prolifération des croyances chrétiennes dans la société et au développement des théories scientifiques pour comprendre les phénomènes.

Ainsi, le sujet souffrant en désespoir, en manque d’objet représentant, va utiliser les croyances pour pouvoir symboliser ses conflits ou ses angoisses. Autrement dit, n’ayant aucun objet lui permettant de représenter, le sujet va utiliser l’objet extérieur que lui donne la société pour pouvoir représenter sa souffrance. A travers cette représentation de la maladie, se pose non seulement la question de la répétition liée à l’utilisation fréquente des représentations culturelles, mais aussi celle du lien entre ces représentations et les fantasmes du sujet. Dans ce sens, les processus de répétition et de lien sous-tendant la représentation de la maladie mentale repose sur des angoisses archaïques. Par exemple, l’utilisation des croyances à la sorcellerie, mettant en relief la problématique archaïque de la dévoration ou de l’oralité, exprimerait chez le sujet la résurgence de ces angoisses orales. Il en va de même de l’utilisation de la religion qui signifierait un défaut de présence maternelle qui serait passé dans la petite enfance. En ce sens, la recherche ou la conversion qui caractérise la démarche des sujets pourrait exprimer la recherche de cette image sécurisante.

Et c’est dans cette perspective de répétition et de lien que se situe la problématique de la symbolisation. En même temps, à travers le passage des représentations culturelles aux représentations psychiques se note cette symbolisation. Dans ce sens, les représentations culturelles sont utilisées, réélaborées et transformées en représentations psychiques. Ainsi, le sujet utilise les représentations culturelles pour symboliser ses conflits, sa souffrance qui reposerait sur des angoisses archaïques du sujet.

Et enfin, si l’utilisation des croyances permet de représenter la maladie, elle implique aussi un fonctionnement psychique particulier qu’on a pu comprendre à partir de la méthodologie projective (Rorschach et TAT). En effet, l’utilisation de cette méthodologie a permis de comprendre non seulement la fonctionnement psychopathologique du sujet, mais aussi la façon dont le sujet symbolise ces croyances, savoir les différents types de réponses. Il s’agit de ce qu’on a appelé le fonctionnement de type « crédique ». De l’ensemble des cas cliniques rencontrés sur le terrain, on a pu observer six différentes réponses : « masque », « chauve-souris », « voir », « conversion », « Bien/mal », « prière  ». Ces réponses constituent des « noyaux crédiques » qui caractérisent le fonctionnement psychique, en particulier les différentes formes de symbolisation. Ces réponses sont en relation avec les croyances existant dans la société(chrétiennes ou traditionnelles) qui sont utilisées par les sujets.

A la différence de l’homme « normal » faisant référence aux croyances comme « système de pensée », chez le patient, la référence à ces croyances est amplifiée à cause de son état pathologique. Ici, ce n’est pas l’utilisation des systèmes de pensée qui est mis en cause, mais surtout le fait que ce système de pensée est utilisé pour symboliser les angoisses auxquelles il est confronté. Dans cette perspective, la référence devient quasi-systématique. Ce qui lui permet de fonctionner sur une base crédique.

Cette recherche a permis d’atteindre trois objectifs principaux qui se situent à trois niveaux : théorique, méthodologique et thérapeutique. Au niveau théorique, à partir de ses travaux, R. Roussillon (1995) définit deux types de symbolisation : symbolisation primaire et symbolisation secondaire. En se servant de ces travaux, cette recherche a tenté de mettre en évidence les formes de symbolisation en relation avec la culture dans laquelle vit le sujet. En tenant compte des processus primaires et secondaires, on peut dire que les différentes réponses obtenues appartiendraient à l’une ou l’autre forme, selon la problématique du sujet. En prenant les cas d’Angèle et de Martine, l’une avec la présence de délires, des hallucinations et l’autre sans ces symptômes mais avec quelques idées persécutives, on peut dire que chez la première, il s’agirait d’une symbolisation primaire, alors que chez la deuxième, ce serait une symbolisation secondaire. Ainsi, on peut dire qu’à partir de la méthodologie projective, on a pu saisir les formes de symbolisation chez les sujets, quelle que soit la culture. En ce sens, c’est celle-ci qui influence la façon dont le sujet va symboliser et les formes de réponses.

Au niveau méthodologique, la prise en compte des processus sous-tendant les représentations de la maladie mentale a soulevé la question de l’interdisciplinarité de cette recherche. Ce qui a conduit à prendre en compte d’un côté, l’approche psychosociale des représentations de la maladie mentale, en utilisant la technique du questionnaire pour recueillir les données. Et de l’autre, l’approche clinique et psychopathologique qui a été utilisée pour comprendre le fonctionnement psychique des patients qui font référence aux croyances pour symboliser. Dans ce sens, les entretiens, la méthodologie projective (Rorschach et TAT) ont permis la compréhension de ce fonctionnement psychique.

La prise en compte de la complémentarité des méthodes (psychosociale et clinique, psychopathologique) a permis de montrer que les réponses recueillies à travers le questionnaire étaient présentes non seulement dans les entretiens des patients mais aussi, et surtout, à travers le Rorschach et le TAT. Par exemple, à partir questionnaire, on a pu noter que la représentation de la maladie mentale reposent sur d’un côté les croyances à la sorcellerie et de l’autre les croyances chrétiennes (en relation avec la notion de péché). A travers le Rorschach et le TAT, on a eu les réponses telles que « masque  », « chauve-souris  » ou encore « prière  », « Bien/mal ».

L’analyse du discours des patients en fonction de leur contexte culturel a permis de voir que la réponse « masque », « chauve-souris » ont une relation avec le phénomène de la sorcellerie. Le masque, en tant qu’objet d’ornement, permet aussi au sorcier de se cacher derrière, afin de ne pas être à découvert lorsqu’il jette les sorts. Et la chauve-souris, en tant qu’animal de nuit, est « vampireux » comme le sorcier qui attend la nuit pour agir. Alors que les réponses « Bien/mal » ou « prière  » sont plus rattachées aux croyances chrétiennes. Dans la notion de péché qui permet de représenter la maladie mentale, comme il en ressort du questionnaire, on y rencontre celle de mal. Or, pour ne pas être malade, il fait être dans le Bien, et par conséquent, « être dans la prière ». Ainsi, on peut voir que sur la base de ces différentes techniques méthodologiques, il y a des relations de complémentarité entre elles.

Et enfin, en ce qui concerne le niveau pratique et thérapeutique, l’intérêt pour les représentations de la maladie mentale soulève aussi la question de la prise en charge des patients qui utilisent les différentes représentations. Or, il convient de noter que l’utilisation des croyances soit chrétiennes, soit traditionnelles par les sujets les oriente vers les thérapeutes spirituels (prêtres, pasteurs) et/ou vers les nganga. Ainsi, il serait intéressant de tenter de concilier les prises en charge psychologiques, connues par le clinicien, et celles d’ordre spirituel ou traditionnel. Car si l’universalité du psychisme humain confère à la psychothérapie individuelle une place, il convient aussi de saisir le patient dans ses activités symbolisantes qui peuvent constituer le point de départ de sa prise en charge. Dans ce cas, l’objectif est de tenter de lier les prises en charge thérapeutiques basées sur les croyances et les prises en charge psychologiques, dans une sorte d’éclectisme.

Dans son approche diagnostique, le Rorschach permet d’évaluer le fonctionnement psychique du sujet. En prenant le cas de Thomas, l’analyse de son Rorschach a permis de noter que le sujet arrive à maîtriser ses pulsions agressives tout au long du protocole. Avec une prise en charge thérapeutique adaptée, cette agressivité disparaîtrait. Seulement, l’analyse du Rorschach a aussi permis de noter que les risques d’instabilité, donc de récidive des comportements agressifs sont importants. A ce niveau, la religion a pu jouer un rôle dans la maîtrise de ses pulsions agressives.

Le respect de la « parole de Dieu », celui de certains principes comme l’Amour 271 font partie de la vie du chrétien. En devenant chrétien et en faisant de ces principes les siens, cela a permis à Thomas de pouvoir maîtriser ses pulsions agressives, comme on a pu le noter à l’enquête de la planche IX du Rorschach : « …Ici, j’ai comme l’idée que ce sont les hommes de Dieu qui prient autour du mât, de là où on l’a crucifié, parce qu’il y a des hommes de part et d’autre ». Et dans les choix positif de la planche IX, Thomas ajoute ceci : « Je vois l’amour, nous hommes d’église, si tu n’as pas l’amour, c’est zéro. Il faut prier ». Ainsi, la prise en charge psychothérapeutique peut-elle être conciliable avec la prise en charge d’ordre spirituel ?

Toutefois, lorsque le patient accumule différentes prises en charge dans le souci de recherche de la guérison, il commence à se poser un problème. A ce niveau, est mis en avant le problème de l’évaluation des effets thérapeutiques de chaque prise en charge sur le sujet. Dans ce sens, on peut penser à une forme de collaboration entre les différents spécialistes s’occupant de la maladie mentale. Des observations ont permis de noter que par exemple, certains nganga recevant des malades, lorsqu’ils sont confrontés à l’agressivité du sujet qui est dans un état maniaque, vont solliciter de l’aide au médecin psychiatre pour arriver à bout de cette agressivité. Une fois celle-ci disparue, ce n’est qu’après qu’il peut commencer sa prise en charge. En général, cette collaboration existe seulement dans un sens, c’est-à-dire du psychiatre vers le nganga ou du pasteur. De plus en plus, certains psychologues sur le terrain essaient d’entretenir cette collaboration. Après avoir mené la psychothérapie avec une patiente, devenue stable, J. Bissiémou (2002) 272 note l’importance pour cette patiente d’aller consulter un nganga comme elle le souhaitait.

Dans ce sens, en s’intéressant aux relations entre la psychopathologie et la société, et aux problèmes méthodologiques et épistémologiques qui en découlent, S. Ionescu (1997) 273 note l’importance de l’utilisation de la psychologie sociale pour la compréhension du développement des troubles mentaux dans la société, de même que leur évaluation et leur traitement. Pour cela, citant les propos de Weary, Mirels et Jordan, l’auteur plaide pour une intégration de la psychologie clinique et la psychologie sociale.

Cependant, comme toute recherche, on peut noter certains manquements qu’on pourra approfondir dans le cadre des recherches futures. On a l’importance de la question du narcissisme qui sous-tend le fonctionnement psychique des sujets utilisant les croyances. Cette dimension est aussi importante si on veut comprendre la problématique de la croyance.

De cette recherche, il découle un ensemble de perspectives. En effet, même si cette recherche est définie dans le temps et dans l’espace, il convient de noter l’importance de cette recherche au niveau des approches théoriques et pratiques. Celles-ci pourront être améliorées et approfondies au cours des prochaines recherches. Ce qui conduit alors à proposer quelques axes pour des réflexions futures.

D’abord, et d’un point de vue général, il y a l’importance des représentations culturelles et sociales qui peuvent exister tant chez l’individu « normal » que le malade. Ces représentations sont à l’origine d’un ensemble d’attitudes et de comportements chez le sujet. Et d’un point particulier, cette recherche essaie de mettre l’accent sur l’importance des représentations culturelles pour le clinicien qui, dans certaines situations, est appelé à les rencontrer. Ensuite, sur le plan pratique, le clinicien chercheur est appelé à prendre en compte la complémentarité approches. Dans ce sens, il pourrait s’agir d’une approche interculturelle. Et enfin, il s’agira de prendre en compte la culture pour la compréhension du phénomène morbide.

Tous ces points méritent de plus amples approfondissements pour la compréhension et la prise en charge des patients.

Notes
270.

Appartenant au mouvement de la Rose Croix.

271.

Selon un adage chrétien, Dieu a dit : « Aimez-vous les uns les autres comme Dieu vous a aimés ».

272.

Joseph Bissiémou-bi-Kondou est psychologue clinicien à l’hôpital psychiatrique de Mélen. Il avait rencontré une patiente qu’il avait suivait en psychothérapie pendant un moment. Après s’être stabilisée, le sujet butait devant certaines représentations culturelles. Devant cette situation, il lui avait semblé nécessaire d’arrêter la psychothérapie qui n’évoluait plus depuis un moment pour que la patiente aille se faire initier selon son souhait.

273.

Serban Ionescu, La recherche en psychopathologie sociale. Psychologie Française, 1997, Tome 42-3, pp. 199-202.