III.La parole

III.1.Sa spécificité

A la suite d’un célèbre débat entre Chomsky et Skinner, Al Liberman et ses collaborateurs du laboratoire de Haskins ont commencé à explorer en détail les mécanismes qui sous-tendent la perception de la parole chez l’être humain (Hauser, 2002). L’ « organe du langage » et sa capacité à produire des structures syntaxiques semble propre aux êtres humains. Celui-ci aurait évolué pour des raisons indépendantes de sa nécessité dans la communication.

Dès lors des scientifiques ont exhibé des aptitudes à manipuler les éléments du langage chez d’autres races animales. Par exemple, les grands singes peuvent enchaîner des symboles pour former ou comprendre des phrases. Des petits singes sauvages utilisent des vocalisations pour désigner des objets ou des événements de leur environnement.

Plus récemment, les efforts pour mettre en lumière ces mécanismes de traitement propre au langage se sont concentrés sur les processus traitant les signaux de parole. Le premier traitement abordé démontre l’existence d’une perception catégorielle des stimuli verbaux chez le nourrisson humain et chez l’animal non humain (les primates, mais aussi les oiseaux). Ainsi, un mécanisme de perception catégorielle aurait évolué avant l’apparition du langage.

Cependant, Kuhl (1991) montre que l’adulte et le nourrisson humain, mais pas le singe Rhésus, perçoivent une distinction entre les bons et les mauvais exemplaires d’une même classe phonétique. Les bons exemples fonctionnent comme des aimants perceptifs fixant la catégorie (prototypes), et perturbent la distinction des sons proches de ce prototype. En outre, l’expérience de l’environnement linguistique influe sur leurs formations. Par conséquent chaque communauté linguistique possède des prototypes ajustés à la phonologie particulière de sa langue naturelle. Toutefois, le sansonnet montre aussi cet effet d’aimant perceptif (Kluender et coll., 1998).

Ces études semblent indiquer que l’être humain a hérité des animaux un ensemble de mécanismes perceptifs généraux pour écouter la parole. Cependant, l’être humain reste unique lors de l’utilisation de la récursivité, qui lui permet de combiner des éléments en un nombre infini d’expressions affectées de sens, donnant ainsi naissance au langage. Comment l’être humain parvient-il à maîtriser le langage ?