II.2.Inspiration et contexte neurologique

Le cortex préfrontal joue un rôle majeur pour l’analyse et le contrôle des informations ordonnées dans une structure sérielle. Effectivement, les sujets avec des lésions frontales ont montré des performances atténuées dans des tâches séquentielles de pointage, de reconnaissance de l’ordre sériel, ou de jugement sur l’ordre d’apparition (Beiser et Houk, 1998).

Les patients atteints de la maladie de Parkinson et ceux touchés par le syndrome de Huntington éprouvent des difficultés pour le contrôle moteur, mais aussi lors de tâches cognitives. Certains de ces déficits sont similaires aux déficits d’ordonnancement observés chez des patients fronto-lésés (Beiser et Houk, 1998).

Les singes ayant subi des lésions bilatérales des aires 46 et 9 ont des difficultés pour la maîtrise séquentielle de nouveaux stimuli (Petrides, 1991). Les enregistrements des cellules dans le primate en train d’exécuter des tâches de reproduction de séquences montrent l’importance des ganglions de la base et du cortex préfrontal pour le traitement sériel.

Les neurones des régions préfrontales, et proches de l’aire oculomotrice frontale (FEF) et du noyau caudé sont sensibles à l’ordre sériel des séquences apprises (Barone et Joseph, 1989 ; Funahashi, Inoue et Kubota, 1993 ; Kermadi et Joseph, 1995 ; Kermadi, Jurquet, Arzi et Joseph, 1993).Les réponses qui sont générées par les séquences avant la réponse motrice peuvent représenter la conversion des séquences temporelles des entrées sensorielles en un motif spatial d’activité neuronale. De la même façon, des unités de l’aire oculomotrice frontale, noyau caudé, et du pallidum ont trait à l’ordre sériel des séquences motrices (Barone et Joseph, 1989 ; Kermadi et Joseph, 1995 ; Kermadi et coll., 1993). Cette activité peut représenter les commandes de la conversion inverse, c’est-à-dire d’un motif spatial vers un motif temporel, qui sera à l’origine du mouvement. Ensemble, ces études apportent des preuves de l’existence d’un mécanisme effectuant ces conversions, donnant ainsi crédit aux idées qu’avaient exprimées Lashley en 1951.

Les réponses observées dans le cortex préfrontal des primates montrent que celui-ci pourrait être équivalent à une mémoire de travail spatiale (Funahashi, Bruce et Goldman-Rakic, 1989 ; 1990 ; Fuster et Alexander, 1971 ; Goldman-Rakic, 1995 ; Petrides, 1991). Les boucles cortico-thalamiques peuvent soutenir des activations semblables à une mémoire de travail (Dominey et Arbib, 1992 ; Hikosaka, 1989 ; Houk et Wise, 1995). Les boucles cortex – thalamus sont seulement une des possibilités pour assurer une activité soutenue dans la mémoire de travail. Au moins quatre boucles de retour vers le préfrontal sont envisageables : cortico-corticale avec le pariétal postérieur, cortico-corticale à l’intérieur du cortex préfrontal, cortex – cervelet vers les noyaux dentés et des boucles à l’intérieur du striatum vers les ganglions de la base (Houk, 1997). Le cortex préfrontal peut garder en mémoire des informations de l’ordre d’une seconde (Fuster, 1993), tandis que la mémoire locale des ganglions de la base serait de l’ordre de 10 ms à 100 ms. Une forme locale de mémoire de travail est représentée par des connexions réciproques entre le pallidum externe et le noyau subthalamique.

Les études d’imageries fonctionnelles (IRMf) ont également prouvé que le cortex préfrontal humain faisait preuve d’une activité similaire en tant que mémoire de travail (Fiez et coll., 1996 ; Jonides et coll., 1993 ; McCarthy et coll., 1994).

Les décharges émises pendant la période de rétention ont aussi été identifiées dans le noyau caudé (Hikosaka, Sakamoto et Sadanari, 1989 ; Schultz et Romo, 1992), la substance noire (SNr : Hikosaka et Wurtz, 1983) et le thalamus (Fuster et Alexander, 1971). Il a été suggéré que le mécanisme permettant l’intégration temporelle puisse être considéré comme une extension de celui de la mémoire de travail (Fuster, 1985 ; Goldman-Rakic, 1987).

Quels sont les modèles inspirés par ces connaissances des structures cérébrales ?