III.1.4.Un système centralisé ou distribué ?

Il est toujours difficile de déterminer si le système qui permet de traiter les durées de 10 ms à 100 ms est central ou distribué dans différentes régions du cerveau (Karmarkar et Buonomano, 1998). Une des difficultés dans le traitement du temps concerne le traitement des paramètres non temporels comme, par exemple, la hauteur d’un ton. Ainsi la circuiterie neurale est-elle la même pour toutes les fréquences, ou est-elle spécifique de chaque fréquence ? Dans le premier cas, le système est central, dans le second cas, il s’agit d’un système distribué. Contrairement aux modèles centraux, les modèles distribués impliquent que des systèmes différents traitent l’information temporelle en fonction de la modalité demandée.

De la même manière, on peut imaginer qu’un système neural de « chronométrie » pourrait être spécifique de la durée qu’il a mesurée.

Des études sur des patients avec des lésions dans le cerebellum (Ivry et Keele, 1989), le cortex pariétal (Harringtonet coll., 1998a), et les ganglions de la base (Harrington et coll.,1998b) ont tous montré des déficits de traitement temporel, souvent pour des tâches perceptuelles et motrices. Ces études sont alors généralement interprétées comme des preuves d’un mécanisme centralisé.

Une autre façon de répondre à ces questions est d’étudier les processus d’apprentissage pour une tâche auditive de discrimination d’intervalles (Nagarajan et coll., 1998). Ainsi les sujets doivent apprendre à distinguer deux stimuli contenant deux tons séparés par un intervalle. La seule différence entre ces deux stimuli tient dans la durée de l’intervalle entre les deux tons. Un entraînement de plusieurs jours permet d’identifier l’ordre dans lequel sont présentés ces stimuli, la différence de durée entre les deux intervalles se réduisant petit à petit.

Des études psychophysiques sur la discrimination d’intervalles ont exhibées des généralisations d’apprentissage entre deux modalités (Nagarajan et coll., 1998 ; Westheimer 1999) ou deux canaux (Wright et coll., 1997b). Cet entraînement se généralise suivant les différentes fréquences, mais pas pour des durées d’intervalles différentes (Wright et coll., 1997b). Il est même possible de transférer l’apprentissage vers des tâches sensori-motrices (Meegan et coll., 2000).

Les apprentissage observés dans ces études peuvent être interprétés de deux façons distinctes : soit la manière de mesurer le temps s’est améliorée, soit les capacités pour stocker et comparer les deux stimuli se sont améliorées. Nagarajan et coll. (1998) montrent qu’il s’agirait d’un système central, mais dédié à des intervalles spécifiques 16 . Des similarités marquées dans les caractéristiques temporelles, dans des tâches de production et de perception impliquent un système temporel commun. Les calculs dédiés au temps doivent être distribués dans le cerveau, mais des remarques récentes suggèrent des rôles spécifiques à différentes structures neurales.

Notes
16.

L’apprentissage présenté dans cette étude se généralise depuis la durée d’un silence (un intervalle) vers la durée d’un événement sonore.