III.3.3.Traitement de la hauteur chez les nourrissons

Dès leurs premiers jours, les nourrissons sont sensibles aux motifs mélodiques. Vers 2-3 mois ils sont sensibles à différents contours intonatifs associés à la même syllabe « pa ». Dès 4 mois et demi, les bébés préfèrent des extraits tirés des menuets de Mozart segmentés correctement (Jusczyk, 1989; Jusczyk et Krumhansl, 1993), car ils écoutent plus longtemps les passages interrompus par des pauses situées aux limites des phrases plutôt qu’à l’intérieur. Une phrase non résolue du point de vue tonal ne peut pas être considérée comme achevée.

Certains chercheurs postulent que, chez les nourrissons, le traitement local l’emporte sur le traitement global (Aslin et Smith, 1988), alors que d’autres penchent pour l’approche contraire (Morrongiello, 1988).

Pour le savoir, Trehub et Trainor (1994) ont étudié la capacité de bébés de 6 à 7 mois et d’adultes à détecter des modifications dans une mélodie composée de 6 sons. Les trois variantes débutent et se terminent sur les mêmes notes, mais la première est une transposition de la mélodie standard dans une autre tonalité, la seconde comprend des changements de notes qui préservent le contour et la dernière, des changements qui ne préservent pas le contour. Les deux premiers types de changement apparaissent aux bébés comme des reprises supplémentaires de la mélodie d’origine. Leur résultat est sensiblement conforme à la stratégie de traitement global, où l’information concernant le contour de hauteurs domine celles de la hauteur absolue et des intervalles. Ils traitent les contours de manière globale, en ignorant les détails de ces contours.

Les notes distantes d’une octave (rapport 2:1) sont en quelque sorte perçues comme équivalentes et cela, même par les nourrissons (Demany et Armand, 1984). L’échelonnement des hauteurs musicales, perçues sur la base de fréquences linéaires, est une autre caractéristique universelle. Ces caractéristiques reflètent probablement des contraintes de traitement du système perceptif 46 .

Le traitement de contour de hauteurs fonctionne peut-être chez les nourrissons comme un important mécanisme d’organisation perceptif qui dirige leur segmentation des motifs auditifs complexes. D’autres mécanismes (groupement temporel, motif rythmique) en font également partie, mais avec moins de poids.

Les processus de groupement perceptif interviennent en fait déjà chez les nourrissons. Le traitement de relations des hauteurs et le traitement temporel ont les mêmes caractéristiques chez l’enfant et chez l’adulte. Le traitement de relation de hauteur semble être une prédisposition liée à la nature même du cerveau humain. Les nourrissons traitent l’information auditive globalement, en extrayant les contours de hauteurs des mélodies ou des expressions verbales, tout en ignorant de nombreux détails à l’intérieur des contours (Trehub et Trainor, 1994).

Nous venons d’examiner une partie des processus du traitement de la hauteur chez le nourrisson, ce mécanisme est impliqué lors des premiers contacts de l’enfant avec sa langue maternelle, par le biais du « parler bébé », que le paragraphe suivant va décrire plus longuement.

Notes
46.

Des modèles fondés sur l’autocorrélation permettent d’expliquer le caractère particulier de l’octave (Cariani, 1999).