II.2.2.Chez les nouveau-nés

Les nouveau-nés ont des capacités remarquables pour les détails acoustiques et phonétiques du langage (Jusczyk, 1997). Dès 6-8 mois, ils savent utiliser des informations probabilistes, et des motifs de cooccurrence, pour trouver les structures et les règles. Ils discriminent les syllabes, d’après les catégories phonétiques, la forme et le nombre de syllabes et l’intonation.

Les nouveau-nés (âgés de seulement trois jours) peuvent employer des combinaisons probabilistes d'information acoustique et phonologique pour séparer perceptuellement des mots anglais dans des catégories de fonction/contenu (Shi, Werker et Morgan, 1999). Les nouveau-nés ont été testés avec un paradigme d’habituation et une procédure de succion de haute amplitude. Deux listes de mots isolés leur sont présentées. Elles contiennent soit des mots de fonction, soit des mots de contenu 95 . Les nouveau-nés distinguent plus facilement des listes de mots issus de catégorie grammaticales différentes. Etant donné que dans la première expérience, seuls les mots grammaticaux ne pouvaient posséder qu’une syllabe, une seconde expérience a fait appel à des listes de mots lexicaux ne contenant qu’une seule syllabe. Effectivement, Bijeljac-Babic, Bertoncini et Mehler (1993) avaient déjà démontré que les nourrissons savent faire la différence entre des mots ayant un nombre différent de syllabes. Sous ces nouvelles conditions, les auteurs retrouvent la même distinction. Ultérieurement, de telles capacités peuvent aider les enfants pour détecter et représenter des classes des mots sur la base de ces indices perceptuels. Dans cette expérience, la discrimination s'opère à l’écoute de mots déjà segmentés. Des expériences récentes ont testé les capacités des nourrissons pour la segmentation des mots de fonction comme « a » et « the » dans la parole continue, capacités qui n’apparaissent qu’à partir de 10 mois et demi (7 mois et demi pour des noms ; Shady, Jusczyk et Gerken, 1998).

Shafer, Gerken, Shucard, et Shucard (1992) et Shafer, Shucard, Shucard et Gerken (1998) ont par ailleurs montré que des enfants de 11 mois avaient des potentiels évoqués différents lors de l’écoute de phrases où les mots de fonction avaient été remplacés par des syllabes arbitraires, par rapport à l’écoute de phrases normales. Un résultat similaire a également été obtenu par Shady et coll. (1998) avec des enfants de 10 mois et demi en utilisant la technique d’orientation préférentielle de la tête. Ces auteurs ont de plus répliqué ce résultat en utilisant de faux mots de fonction qui avaient des propriétés phonologiques similaires aux mots d’origine. Ce résultat suggère qu’à 10 mois et demi, les enfants connaissent déjà un certain nombre de mots de fonction, et ne se fient plus seulement à leurs propriétés phonologiques générales.

Si les nourrissons sont capables d’exploiter un certain nombre d’indices pour différencier des catégories syntaxiques, il doit être possible de concevoir des systèmes automatiques exploitant également ces indices pour trouver certaines catégories lexicales.

Notes
95.

Les catégories lexicales de ces mots ont été retrouvées préalablement par des cartes auto-organisatrice de Kohonen (cf. II.3.1 ; Shi et coll., 1998).