I.4.Simulation d’un déficit temporel

Le modèle TRN permet de traiter directement le signal de parole, sans que les indices soient isolés par une segmentation automatique ou manuelle. En outre, sa particularité est d’être sensible à la durée des évènements qui lui sont transmis, particularité conséquence de la contrainte temporelle qui lui est imposée. L’augmentation des constantes de temps des unités qui composent ce réseau diminue la sensibilité du réseau TRN pour les évènements de courtes durées. Effectivement, les mots de fonction ne sont plus distingués des mots de contenu, alors que des séquences abstraites de longues durées peuvent facilement être identifiées. Quel est l’intérêt d’étudier le comportement d’un réseau ainsi altéré ?

L’acquisition du langage ne se passe pas toujours idéalement. Les enfants SLI (Specific Language Impairment ou dysphasique) exhibent quelques retards pour prononcer leur premiers mots et pour produire des structures grammaticales correctes. Quelques chercheurs ont démontré que certains de ces enfants avaient des difficultés pour le traitement des évènements brefs, en particulier pour la modalité auditive. Plusieurs expériences ont mis en exergue les difficultés de ces enfants avec des stimuli auditifs, tels que des tons purs (Chapitre 6 section II.3.3 ; Tallal et coll., 1985 ; Leonard, 1998).

Nous avons retenus deux tâches testées avec des enfants normaux et SLI. Celles-ci ont été répliquées avec deux populations de réseaux TRN (une contrôle, et une altérée avec des constantes de temps élevées afin de simuler les enfants SLI).

Nous retrouvons le même profil de réponses avec une tâche d’identification de l’ordre de deux stimuli, se distinguant par leur F0 (Tallal et Piercy, 1973a). Ainsi, des difficultés peuvent être observées conjointement dans une tâche de catégorisation lexicale et dans une expérience de discrimination auditive de tons purs, lorsque les réseaux TRN sont altérés. Quelques points laissés libres par l’expérience originale de Tallat et Piercy (1973a) ont pu être discutés sous l’angle de la simulation : l’influence de mécanismes attentionnels, de la charge cognitive, la sensibilité de la tâche contrôle, l’entraînement du groupe contrôle, l’âge, ainsi que les capacités d’apprentissage.

La simulation de la seconde tâche (Wright et coll., 1997) est moins convaincante. La condition contrôle ne distingue pas les réseaux contrôles des réseaux altérés, comme pour les enfants. Mais toutes les autres conditions différencient les deux groupes de réseaux, alors que les enfants ont un comportement différent uniquement pour la condition de masquage rétrograde (Backward Masking). Cependant, nous retrouvons que le réseau TRN a des difficultés de traitement uniquement lorsque le ton pur à distinguer est bref (20 ms). Trois explications des différences entre la tâche originale et la nôtre peuvent être envisagées :

  1. L’expérience originale montre des résultats qui sont la conséquence d’un seul individu particulier (Rosen et Mangarini, 2001) ;
  2. Le phénomène de double-masquage n’est pas assez marqué dans la représentation du cochléogramme, par conséquent la tâche répliquée serait la simulation pour la condition « notched » pour laquelle l’écart entre les deux populations d’enfants SLI et contrôles est plus importantes ;
  3. Les performances des enfants SLI résultent d’une combinaison d’un entraînement insuffisant (également suggéré par Rosen et Mangarini, 2001) et d’un déficit temporel (simulé par l’augmentation d’une constante de temps).

L’origine des troubles des enfants SLI ne peut pas être déterminée par une simulation informatique. En tout cas, nous montrons qu’une simulation informatique peut modéliser un trouble pour le traitement auditif des événements brefs qui entraîne un défaut lors de la catégorisation des mots de fonction et de contenu, à partir de la fréquence fondamentale. Cette hypothèse pourrait expliquer certains dysfonctionnement pour la parole, chez les enfants SLI présentant à la fois des troubles pour la syntaxe et le traitement auditif rapide.

Ces sections expérimentales ont permis de vérifier qu’un mécanisme unique pouvait être sensible à différentes échelles prosodiques (d’un champ de définition global vers un domaine local). En outre, ce mécanisme peut refléter un défaut de traitement pour une structure locale, sans altérer la perception de la structure globale, phénomène observé chez certains enfants SLI. Ces point ont pu être vérifiés vraisemblablement parce que le mécanisme utilisé est soumis à une contrainte temporelle.

En quoi l’étude de diverses thématiques est-elle bénéfique pour d’une étude concernant le traitement des structures globales et locales de la prosodie ?