5.1.1. Ce qui a disparu de la convention de 1995

Avant d'étudier précisément ce qui a été ajouté dans celle de 2002, il me faut m'arrêter sur ces 6 lignes disparues de la convention de 1995, remplacées par 11 lignes dans celle de 2002 regroupées dans l'article 5, intitulé "les modalités d'inspection". Je cite in extenso ce paragraphe de 6 lignes, consacré aux modalités d'inspection dans la convention de 1995, qui se trouve à la fin de l'article 4 :

‘"Pour le premier degré, un inspecteur de l'éducation nationale chargé de l'adaptation et de l'intégration scolaires est désigné par le recteur comme référent des enseignants du premier degré, pour toute la région pénitentiaire ; avec l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de la circonscription de rattachement administratif de ces personnels, il procède à leur inspection. Pour le second degré, le recteur du siège de la direction régionale détermine les modalités du contrôle pédagogique des enseignants."’

Voici maintenant, in extenso lui aussi, l'article 5 de la convention de 2002, intitulé : "les modalités d'inspection" :

‘"L'inspection des enseignants du premier degré est assurée pour tous les établissements pénitentiaires du département par un inspecteur chargé de l'adaptation et de l'intégration scolaires (AIS). L'inspection des enseignants du second degré est assurée par les corps d'inspection compétents selon les disciplines. Outre l'inspection pédagogique individuelle des personnels, une évaluation régulière de la mise en œuvre du projet pédagogique dans l'établissement associe l'inspecteur chargé de l'AIS, le responsable de l'UPR, le responsable local de l'enseignement et l'équipe pédagogique. Sous la responsabilité des recteurs concernés, le responsable de l'unité pédagogique régionale organise annuellement une réunion des inspecteurs pour réfléchir aux conditions de mise en œuvre des projets pédagogiques."’

La question du contrôle, de l'évaluation des enseignants, comme des autres travailleurs, est un point très sensible. L' "inspecteur de l'éducation nationale chargé de l'adaptation et de l'intégration scolaires [ ] comme référent (c'est moi qui souligne) des enseignants du premier degré, pour toute la région pénitentiaire" a disparu. Je ne suis pas sûr que cette disposition, la désignation d'un inspecteur référent ait connu le moindre début d'application. Il n'empêche. Comme je l'ai écrit dans la première partie, peut-être de façon un peu trop rapide, on peut penser qu'un inspecteur "ordinaire" chargé de l'adaptation et de l'intégration scolaires d'un département ordinaire ait du mal à se sentir très concerné par l'enseignant ou les quelques enseignants qui, dans son département exercent en prison. Il y a deux postes à temps plein dans le Gard (plus un demi poste depuis la rentrée 2003), un dans l'Aude, cinq dans l'Hérault, un en Ariège … Par contre, un inspecteur référent pour l'ensemble de le direction régionale des services pénitentiaires de Toulouse par exemple, soit 13 départements et une trentaine d'enseignants du premier degré, pourrait s'intéresser d'un peu plus près à ce qui se passe en prison et y porter un regard extérieur, ô combien nécessaire en ces lieux.

Par ailleurs, dans la convention de 2002, le dernier paragraphe qui certes "sous la responsabilité des recteurs concernés" laisse l'initiative de l'organisation annuelle d'une "réunion des inspecteurs pour réfléchir aux conditions de mise en œuvre des projets pédagogiques" au responsable de l'unité pédagogique régionale me semble lui aussi déplacer le centre de gravité du contrôle des enseignants en prison. La "main", comme on dit aux cartes, est dans le camp non pas de l'administration pénitentiaire "pur sucre", mais dans celui de l'éducation nationale version pénitentiaire dont je continue à penser qu'elle est très, trop proche de l'administration pénitentiaire au sens strict, de son administration de "tutelle" de fait quand bien même elle revendique haut et fort son appartenance à l'éducation nationale.

Et le fait que le conseiller pédagogique à la direction de l'administration pénitentiaire déclare qu' "un enseignement pénitentiaire n'est pas plus souhaitable qu'une santé pénitentiaire" 266 ne change pas grand chose à l'affaire. Il n'y a pas, il n'y a jamais eu, de "responsable local de la santé". Il y a depuis la réforme de 1994 de la santé en prison, des soignants qui, dans le cadre de leur service à l'hôpital du secteur, en effectuent une partie plus ou moins importante en milieu carcéral. Le principe de cette réforme était notamment de soustraire les soins en prison à une logique par trop pénitentiaire pour les réintégrer dans une structure adaptée à son objet, l'hôpital dont l'autonomie vis à vis de la prison, les règles hospitalières présidant à son fonctionnement … sont garantes d'une prise en compte de la santé des détenus au même titre que celle des citoyens résidant à l'extérieur des murs.

Ce glissement du contrôle des enseignants travaillant en prison du côté de l'éducation nationale version pénitentiaire est le premier élément de la démonstration que je souhaite effectuer de la "pénitentiarisation" de l'enseignement en milieu carcéral, comme je l'avais écrit dans un texte précédent, en décembre 1999, à propos de la circulaire concernant l'organisation de l'enseignement en milieu carcéral, circulaire finalement parue en octobre 2000 et dont je ferai l'analyse plus loin.

Notes
266.

Exercer en milieu carcéral : un nécessaire positionnement institutionnel, pédagogique et partenarial, entretien entre Jean-Marc Lesain-Delabarre et Jean-Pierre Laurent in La nouvelle revue de l'AIS, n° 20, 4ième trimestre 2002, p 93.