L’usage de la langue dans les inscriptions publiques

L’histoire mouvementée de la ville peut être lue à travers son patrimoine bâti. De même, les changements de noms des rues offrent une illustration convaincante des différentes lectures faites de la Transylvanie à Cluj. Les régimes politiques au pouvoir, roumain ou hongrois, ont imposé de nouvelles appellations de rues et, par là, une certaine vision du territoire.

Durant le Moyen Age, les noms des rues de la ville dépendaient des caractéristiques de chaque quartier et de ses habitants, de leur occupation, de certains métiers ou corporations d’artisans : la Rue du Pont, la Rue des Loup, la Rue des Potiers, les Rue des Orfèvres, la Rue des Hongrois, la Rue des Roumains, etc. A cette même époque, la Place Centrale était l’endroit où se tenait régulièrement le marché. La surface dégagée était alors réduite et entourée de petits commerces ou d’habitations. Aucune statue n’y était encore installée.

Au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe, période d’éveil des consciences nationales en Europe Centrale et Orientale, le visage de la place et plus généralement du centre ville change radicalement. Après 1867, en Transylvanie et dans tout le Royaume, la littérature, le théâtre, la musique, la peinture et les pratiques de la vie quotidienne dévoilent de plus en plus l’affirmation d’une conscience et d’une unité nationale hongroise. La ville de Cluj ressentira aussi l’impact de cette nouvelle idéologie. Les premiers changements de nom de rues et les premiers déplacements de statues sont contemporains de cette période. Ces transformations seront le reflet d’une concentration des symboles politiques dans le centre-ville. Ce dernier devient un espace qui représente le pouvoir politique et affirme son discours : la Grande Hongrie millénaire, l’éveil du sentiment de l’unité nationale hongroise.

Parfait exemple de nouvelle toponymie, la Place Centrale (aujourd’hui Unirii - la Place de l’Union) se nommaitavant la deuxième moitié du XIXe siècle Nagypiac (la Place du Grand Marché), pour devenir ultérieurement la Place Mathyas kiraly (le Roi Mathias). Cette figure historique occupe une place centrale dans l'imaginaire national hongrois. Mathias est en effet considéré comme le plus important roi de l’histoire de la Hongrie. La statue située encore aujourd’hui sur la Place Centrale fut à certaines périodes un sujet de controverse entre Roumains et Hongrois124. De la même manière, une des plus importantes rues du centre-ville, aujourd’hui Eroilor (la rue des Héros) qui s’appelait Közép (la rue Moyenne) durant le Moyen Age, fut renommée Deák Ferenc, en référence à un important homme politique hongrois de la fin du XIXe siècle. La rue médiévale Szén (la rue du Foin), appelée de nos jours rue Napoca, est devenue la rue Jókai, en référence au grand écrivain romantique hongrois du XIXe siècle.

Nous pouvons constater que les anciens noms plutôt neutres, sont remplacés pour la première fois par des noms de personnalités politiques rencontrant un écho important dans le courant national hongrois de l’époque.

Le rattachement de la Transylvanie à la Roumanie en 1920 est un moment de rupture et de changement radical dans l’aménagement du centre-ville. Cette période correspond à la construction de l’État National roumain moderne et à l'affirmation du sentiment national. Dans cette atmosphère, les rues de Cluj sont rebaptisées dans un nouvel esprit : cette fois le centre-ville doit célébrer une unité nationale roumaine, même si la ville est majoritairement hongroise. Dans un premier temps, le changement porte sur le nom de la ville, Kolozsvár est remplacé par Cluj. Ensuite, l’ancienne place centrale, la Place du Roi Mathias (Mathyas Király), devient la Place de l’Union (Piata Unirii). Cette appellation fait référence à l’union avec la Transylvanie, un des évènements les plus importants de l’histoire de la Roumanie, célébré aujourd’hui par les Roumains comme leur fête nationale. Cette date est à la fois un évènement capital dans l’histoire de la Hongrie et un moment longtemps assimilé à un deuil national.

De nombreuses rues connaissent à cette époque un changement de nom : l’ancienne rue Fadrusz János (selon le créateur de la statue du roi Mathias) devient la rue Eminescu (personnage considéré comme le poète national roumain) ; la rue Arpad (en référence au premier roi magyar qui avait conquit la Transylvanie dans l’an 896) devient la rue Decebal (un des premiers rois des ancêtres des Roumains dont le nom rappelle, dans l’imaginaire national, la genèse du peuple roumain). Les exemples similaires sont multiples.

Nous remarquons ici un mécanisme de construction des toponymes basé sur un principe d’opposition et de rivalité : les noms roumains sont presque une réplique des noms de rues hongrois et finalement une tentative d’imposer une autre conception de la ville et du territoire, en écartant l’autre. Le même principe est appliqué en 1940 avec le retour du régime hongrois à Cluj et par la suite avec le régime roumain d’après 1945.

J’ai insisté ici sur les périodes de la fin du XIXe siècle et de l’entre-deux-guerres parce qu’elles sont exemplaires pour d’autres périodes de l’histoire quant à ce phénomène de rivalité dans l’usage de la langue dans les inscriptions publiques. Après 1945, les régimes communistes qui s’installent au pouvoir imposent de nouvelles appellations en référence à leur idéologie. Comme la conception de l’individu, de la société et de la diversité culturelle est nuancée d’une période du communisme à une autre, les noms de rues exprimeront aussi la nouvelle orientation du régime.

Suite à tous ces changements, on compte aujourd’hui de nombreuses rues ayant à travers l’histoire cinq ou six appellations, voire sept ou huit. Une dernière illustration offre une image synthétique de cette riche toponymie de la ville. La Place Avram Iancu, une place symboliquement très importante, a connu les noms suivants :

- Trencsin tér (en hongrois) jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Trencen était un département de Slovaquie, ancien territoire de la Hongrie d’avant 1918.

- EMKE tér (en hongrois) et ensuite Bocskai tér (en hongrois). Ces deux noms ont été utilisés entre la deuxième moitié du XIXe siècle et 1918. La Place EMKEvient du nom de la Société de Culture Hongroise de Transylvanie, société qui a eu à cette époque un rôle dominant dans la promotion des idées nationales hongroises. Bocskai est un des princes hongroisde la Transylvanie, au XVIIe siècle.

- Piata Cuza Voda (en roumain) - la Place du prince Cuza. Cette appellation a fonctionné pendant l’entre-deux-guerres. A.I. Cuza est le Prince du Royaume de la Roumanie avant 1918.

- Hitler tér (en hongrois). Entre 1940-1941, la Transylvanie du Nord fut de nouveau sous domination hongroise. Le nom de la place renvoie à une première alliance de guerre entre la Hongrie et l’Allemagne.

- Piata Malinovski (du nom du général soviétique). Ce nom aura cours de 1946 jusqu’à l’avènement du communisme nationaliste roumain qui s’est démarqué de Moscou.

- Piata Victoriei (la Place de la Victoire) après 1976. Cette période coïncide aussi avec le début de l’affirmation du culte personnel de Ceausescu et de sa politique d’isolation de la Roumanie.

- Piata Avram Iancu, à partir de 1992. Avram Iancu est un combattant roumain transylvain, luttant contre la domination des Habsbourgs. Il est devenu un fort symbole national roumain. Cette place fut fortement réinvestie symboliquement, comme nous allons le remarquer plus bas, par l’ancienne municipalité de Cluj (1992-2004).

Observant cette riche toponymie, nous pourrions nous interroger sur ce qui reste aujourd’hui de ces appellations multiples et sur la manière des habitants de la ville de faire avec cette diversité des toponymies et finalement avec cette mémoire composite de la ville.

J’ai pu observé qu’aujourd’hui les habitants de Cluj utilisent des noms de rues très divers. Pour une même rue, certains emploient les noms actuels, d’autres les appellations d’une période particulière du régime Ceausescu, tandis qu’une grande partie des élites hongroises font appel aux noms des rues d’avant 1918,  « age d’or » hongrois. Dans les pages des journaux locaux de langue hongroise, les diverses annonces utilisent une toponymie (surtout pour le centre-ville) d’avant 1918. De nombreux membres des associations hongroises que j’ai rencontrés utilisent également cette toponymie.

Cette diversité des noms de rues reflète une négociation symbolique incessante qui a lieu à l’échelle de la ville et qui concerne finalement le territoire de la Transylvanie. A travers l’usage de ces différentes appellations, s’exprime une Transylvanie fragmentée, une Transylvanie des territoires juxtaposés, souvent non-consensuels.

Nous avons vu que l’inscription de la langue dans l’espace jouait un rôle central dans l’occupation symbolique de celui-ci. L’usage de la langue dans la dénommination des rues transforme ces dernières en espaces-enjeux et en marques de la présence du groupe sur le territoire. De nombreux géographes spécialisés dans la géographie humaine, distinguent espace et territoire, le second étant vu comme un espace vécu.125 Pour O. Groza126, « ce qui donne un sens territorial à l’espace est (…) une tentative de maîtrise, d’un point de vue administratif ou symbolique, de cette étendue initiale » qui est l’espace. A Cluj, la toponymie opère justement cette transformation d’un espace en territoire. Elle est liée à la production de repères spatiaux différents et finalement de territoires, dans une certaine mesure, distincts.

Ce lien organique entre la langue et le territoire a des racines anciennes. Il est le produit de l’idée de nation d’inspiration herderienne, reprise partout en Europe centrale et orientale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. A cette époque, les cartes ethnographiques délimitaient des territoires (censés être homogènes) selon la pratique d’une langue particulière. La fonction symbolique de la langue comme marqueur d’une appartenance à un groupe, voire à une nation (associée aussi à un territoire) est contemporaine à cette période. Mais cette conception de la langue introduit un rapport d’appartenance exclusive à un groupe ethnique ou à un autre, à un territoire ou un autre. En outre, la langue devenait dans ce processus de construction de l’Etat-Nation un garant symbolique de l’unité politique. La remarque est valable aussi pour les Etats ayant appuyé leur construction nationale sur le modèle allemand ou français.

Dans cette logique nationale, pour les régimes roumains d’après 1918, la question des toponymies hongroises dans l’espace public était une question sensible car elle était souvent considérée comme contraire aux prérogatives constitutionnelles (selon lesquelles la langue officielle du pays est le roumain). Il est significatif que durant les années 1936-1937, dans le contexte où les discours irrédentistes hongrois portant sur la question de la Transylvanie étaient renforcés, le pouvoir roumain interdit les toponymes hongrois jusque dans les publications de langue hongroise. Cette pratique normative est reprise par Ceausescu dans les années 70. A cette époque, il existait également un contrôle sur les noms des personnes, lesquels devaient être traduits en roumain (György devenait Gheorghe, János devenait Ion, etc.). Une des réactions des Hongrois à cette pratique fut de donner à leurs enfants un nom hongrois qui n’était pas traduisible (exemple Csilla, Réka, Emese)127.

Il est intéressant de constater que durant les années 70 certains toponymes furent cependant permis, précisément ceux dont l’écriture n’était pas très différente des toponymes roumains. Le toponyme hongrois (Temesvár) était par exemple accepté pour la ville de Timisoara, tandis que Kronstadt (en allemand) pour la ville de Brasov était interdit. Autrement dit, on refusait les toponymes hongrois ou allemands qui étaient plus éloignés dans la forme car ils auraient introduit une signification distincte du sens officiel, faisant référence à une réalité différente. Cela venait à l’encontre de la vision unique, qui ne supportait pas de différence, contrôlée par le régime. Comme le remarquait K. Kerdery128, le contrôle de la langue était un des premières instruments utilisé par le parti, qui se proposait de transformer les consciences des individus. Selon I.T. Gross129, le régime communiste modifiait la langue afin qu’elle ne reflète ou ne représente plus la réalité. Verdery voit là une « réinstrumentalisation de la langue comme moyen de production intellectuelle ». Les catégories du langage et du discours politique sont censées produire un réel qui ne corresponde plus qu’à l’image que le parti veut imposer. « Comme un résultat des efforts pour créer un langage ‘autorisé’, le langage en entier devient un terrain structuré par le pouvoir et contesté par ceux qui s’opposent à la centralisation des sens »130. Dans cette logique, la double toponymie est une de cette forme de résistance à la centralisation du sens.

Cette sélection des toponymes entre toponymes admis et interdits reflète alors une opposition sélective à l’usage de la langue hongroise. Lorsque ces appellations étaient la traduction fidèle des noms roumains elles étaient acceptées uniquement comme moyen de transmettre un même contenu, celui tenu sous contrôle par le pouvoir

Ce phénomène d’opposition sélective aux toponymes hongrois fut aussi illustré après 1989 par certaines controverses liées à la Loi de l’Administration Publique Locale (la Loi 215/2001 dans sa forme d’aujourd’hui). Initialement, cette loi permettait l’usage de la langue des minorités dans l’administration locale (y compris dans les inscriptions publiques) dans les villes et les communes où les minorités dépassaient 20% de la population. Cependant, en juillet 1997, un secrétaire d’Etat a émis une directive selon laquelle seuls les toponymes reconnus comme traductions officielles de la langue roumaine, étaient acceptés131. En Transylvanie, de nombreux toponymes en langue hongroise sont des appellations anciennes qui ne sont pas forcément la traduction des toponymes roumains. Il serait d’ailleurs préférable de dire que les toponymes roumains ne sont pas la traduction des toponymes hongrois, car ceux-ci les ont précédé). C’est à ces toponymes anciens que la communauté hongroise est précisément attachée. Ceux-ci font partie d’un système de repères spatiaux et temporels liés à la mémoire du groupe. Ce rapport à l’espace et l’attachement au territoire font appel à une mémoire collective et s’exprime ici par la langue. Horváth I. montrait que si la langue roumaine est considérée par les Magyars de Transylvanie comme une ressource culturelle de la mobilité sociale (permettant l’accès à des types de sociabilités différents, à un monde professionnel particulier, etc.), cette langue n’a cependant pas la fonction d’intégration symbolique à un monde social et culturel auquel on s’identifie. L’usage de la langue hongroise est alors central dans la construction d’un espace symbolique et culturel d’identification des Hongrois de Transylvanie.

Pour revenir à la question des inscriptions bilingues, à Cluj-Napoca, double capitale des Hongrois de Transylvanie et de l’ Ardeal roumain, cette question, bien que n’étant plus d’actualité132, ne pouvait pas éviter les controverses. Avant 2002, l’ancien maire s’oppose fortement aux nouvelles réglementations de la Loi de l’Administration publique Locale 215/2001 concernant les inscriptions bilingues. En février 2001, il a mis illégalement en place de grands panneaux jaunes dans le centre-ville, sur lesquels étaient mentionnés quelques paragraphes de la Constitution du pays. Ces paragraphes spécifiaient que la langue officielle était le roumain, que tous les citoyens roumains sont égaux devant la loi et que le respect des lois est un devoir pour tous les citoyens du pays. (cf. recueil photographique). Ces panneaux sont restés jusqu’à la fin de son mandat en 2004.

A travers ces exemples, nous pouvons observer que l’usage de la langue dans la sphère publique est une ressource de négociation des positions des groupes et de leur affirmation dans l’espace public. Cette compétition est d’autant plus forte que la Transylvanie est perçue comme un espace sacralisé, aussi bien par les Roumains que par les Hongrois. Cette compétition qui passe par la question de la langue est également illustrée par les analyses de Horváth I.133, celle-ci portant sur la tolérance des Roumains de Transylvanie par rapport à la langue hongroise. Elles montrent que le fait de parler le hongrois dans l’espace public n’a pas de connotation négative pour les Roumains transylvains. Cependant, toute tentative de mettre sur le même pied d’égalité la position officielle de la langue hongroise avec la langue roumaine, est perçue comme un attentat aux dimensions identitaires symboliques de la langue roumaine. Les recherches en Transylvanie menées auprès des fonctionnaires de l’administration publique ont aussi montré que le bilinguisme roumain-hongrois est accepté par les fonctionnaires roumains s’il ne pénètre pas l’espace de l’autorité et, plus largement, l’espace public. Deux opinions exprimées par les individus, citées dans ces recherches, me semblent significatives. Une personne déclare : « Je connais en grande partie le hongrois, mais il ne serait pas correct de parler le hongrois en Roumanie », autrement dit le hongrois ne peut être reconnu comme seconde langue officielle. Le deuxième exemple est très récurent dans les opinions des individus : « Je n’ai rien contre les inscriptions bilingues, mais il ne faudrait pas qu’elles soient sur la Mairie ni sur les devantures des boutiques ». Comme l’observe Horváth I., au sein de l’espace de l’autorité et, à Cluj, plus largement au sein de l’espace public, la langue officielle est chargée d’une dimension symbolique qui dépasse considérablement la question de la transmission et de la gestion des informations entre les citoyens. Ces exemples montrent aussi comment les questions de l’usage controversé de la langue dans l’espace public ne concernent pas uniquement le domaine des pratiques des élites, mais également celui des citoyens ordinaires134.

Notes
124.

L’identité du roi (né d’une mère hongroise et d’un père roumain (ces derniers étant à leur tour nés de couples mixtes) fut sujet à des interprétations et des appropriations différentes de la part des Roumains et des Hongrois. Ainsi, le roi est souvent considéré « roumain » par les Roumains et « hongrois » par les Hongrois.

125.

Raffestin C., « Remarques sur les notions d’espace, de territoire et de territorialité », in Espaces et sociétés, nr. 41, 1992, p. 169.

126.

Groza O., op. cit., p. 6.

127.

Je remercie Horváth Andor pour ces informations concernant les mesures prises dans l’entre-deux-guerres et durant certaines années communistes par rapport à la question des toponymies hongroises.

128.

Verdery K., Compromis si rezistenta. Cultura romana sub Ceausescu, Bucuresti, Humanitas, 1994, p. 66.

129.

Gross I. T., (1988) cité in Verdery K., op. cit., p. 66.

130.

Verdery K., op. cit., p. 67.

131.

Haller I., « Inscriptionarea bilingva a strazilor din Targu Mures », in Altera, 22/23, 2003, p. 152.

132.

Selon le dernier recensement de 2002, la population hongroise enregistre moins de 20% de la population de la ville. La question des inscriptions bilingues n’est plus alors d’actualité.

133.

Horváth I., op. cit.

134.

Les fonctionnaires de certaines institutions publiques ne font pas tous partie de la catégorie des « élites », dans les sens que j’ai déjà donné à ce terme. Autrement dit, ils ne sont pas tous des acteurs sociaux qui produisent et diffusent un discours sur la Transylvanie. Ils n’expriment pas dans les entretiens la position d’une institution, mais une position personnelle.